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Victor Wembanyama : « Ce ne serait pas réaliste » d'aller à la Coupe du monde avec les Bleus
Victor Wembanyama a confié à « L'Équipe » les raisons de sa décision de renoncer à la Coupe du monde cet été avec l'équipe de France.
Il a parfois dû, plus qu'à l'accoutumée, chercher ses mots pour exprimer sa pensée. Comme le témoin du dilemme qui a dû l'habiter avant de prendre la parole pour expliquer sa décision. Celle-ci sera forcément incomprise et suscitera la polémique. Victor Wembanyama, qui avait clamé plusieurs fois cette saison sa volonté de jouer cet été avec les Bleus, et même déclaré vouloir « instaurer le règne français », dans ces colonnes en amont de la draft NBA dont il a été désigné numéro 1, a choisi de ne pas prendre part à la Coupe du monde (25 août-10 septembre en Indonésie et aux Philippines). Sa prochaine apparition sous le maillot bleu n'aura donc pas lieu avant la préparation aux Jeux olympiques, l'année prochaine.
L'ailier-fort (2,23 m, 19 ans), installé dans une résidence hôtelière à 30 minutes de San Antonio en attendant d'y trouver une maison, a accepté de répondre aux questions de L'Équipe, dimanche soir. Il affirme assumer une décision « difficile », mais « réfléchie » et « irrévocable », qu'il a prise « lui-même ». Il insiste sur la protection et la construction de son corps, pour, dit-il, « être là pour l'équipe de France les dix à quinze prochaines années ».
Cela ne suffira pas à apaiser la probable déception profonde du sélectionneur, averti, comme les cadres des Bleus, via une visioconférence, samedi.
« Vous aviez donc une annonce à faire ?
Oui. J'ai pris la décision de consacrer cet été à préparer mon corps aux nombreuses épreuves qui l'attendent dans les années à venir. Et donc de faire l'impasse sur la Coupe du monde. Ç'a été une décision difficile, qui a nécessité l'avis de nombreuses personnes. Mais je pense sincèrement que c'est la meilleure pour l'équipe de France et moi-même.
Pour l'équipe de France ? En quoi, alors que tout le monde pense que celle-ci serait plus forte avec vous ?
Parce que, au niveau basket, mon programme sera d'une intensité inimaginable. Ce seront des épreuves que je n'ai jamais connues. Mon but, c'est d'être présent pour l'équipe de France pendant les dix ou quinze prochaines années, pas seulement en 2023. Et donc, préparer mon corps à encaisser ce nombre de matches, à affronter ces objectifs, notamment les JO à Paris (26 juillet-11 août) à la fin de la saison, est la meilleure option.
Vous dites vous être entretenu avec des personnes avant de trancher...
Oui. Et nous nous sommes réunis hier (samedi) par téléphone avec Vincent Collet, Nico (Batum), Rudy (Gobert), Evan (Fournier) et Boris (Diaw, manager général). Je leur ai expliqué. Il y a beaucoup de frustration, ce qui est normal, et un peu de déception de leur côté. Mais pour la majorité, ils ont compris. Ils connaissent les enjeux de cet été par rapport à la suite de ma carrière en équipe de France. Il faut comprendre que la frustration est aussi de mon côté. Ma volonté a toujours été d'être avec les Bleus à chaque fois que ce serait possible. Mais ce choix est réfléchi.
Comment a réagi Vincent Collet, votre entraîneur cette saison chez les Mets ?
(Il réfléchit.) J'ai senti qu'on avait compris mon point de vue dans cette discussion, même s'il y a eu des avis divergents. Mais je reste en bons termes avec tout le monde.
C'est vous qui avez décidé au final, seul ?
Oui.
Avez-vous hésité ?
Bien sûr. J'aime l'équipe de France. C'est aussi une responsabilité. Et le meilleur moyen d'assumer cette responsabilité sur le long terme, c'est malheureusement de manquer cette campagne.
Votre décision est-elle irrévocable ?
Oui.
En avez-vous parlé avec les Spurs ?
Ils sont au courant et d'accord avec les enjeux. Mais ils m'auraient soutenu quel qu'eut été mon choix. Dans le passé, dès que j'ai pu aller en compétitions internationales, je l'ai fait. Je n'ai jamais pu profiter d'un été avec plusieurs mois de développement pour mon corps. Pour cette nouvelle page de ma vie, c'est indispensable. Le staff des Spurs est prêt à rentabiliser cet été. On ne peut pas se permettre que ce soit du temps perdu.
Quelles sont vos craintes au niveau médical ?
Mon corps est comme un prototype. Je ne peux pas me baser sur des personnes qui me ressemblent. Donc il faut une préparation spécifique, une anticipation personnalisée. On ne peut rien laisser au hasard. Il y a un vrai risque de surcharge, donc de blessure, ce qui pourrait avoir un impact sur toute la suite. Si je joue au Mondial, en reprenant depuis l'été dernier et en allant jusqu'aux JO, cela représenterait autour de 170 matches sur 24 mois, avec aucun vrai break. Ce ne serait pas réaliste en termes de développement, et pas prudent en termes de santé.
Vous aviez plusieurs fois déclaré clairement votre intention d'être présent cet été. Vous avez conscience que vous allez faire l'objet de nombreuses critiques ?
J'y ai réfléchi. Il est certain qu'il y aura de la tristesse et de la frustration. Mais je m'attends quand même aussi à du soutien. J'espère que les gens comprendront. En toute objectivité, c'est une décision cohérente, même pour l'équipe de France. Pour être plus sûr d'être présent dans les grands moments, il vaut mieux manquer une campagne maintenant, au début de ma carrière.
L'objectif ultime de cette génération est la victoire aux JO de Paris. Votre absence ne pose-t-elle pas un gros problème, vous qui n'avez pas une seule phase finale à votre actif, pour commencer à construire le collectif qui doit vous permettre d'atteindre le sommet ?
C'est le point qui m'a fait le plus hésiter. Mais on en revient toujours à la même conclusion. Y aller serait se tirer une balle dans le pied, me surcharger avant les échéances les plus importantes. Je vais forcément prendre un peu de retard, mais c'est toujours mieux que d'être absent dans le futur. J'ai confiance en l'équipe pour cet été. Ils feront le job. Et ce sera à moi de montrer à tout le monde que je suis prêt à rejoindre le groupe le plus vite possible pour la suite. J'ai toujours beaucoup d'ambition. Ma carrière, je la vois autant en club qu'en sélection. L'équipe de France est toujours aussi centrale. J'ai envie de gagner tous les titres possibles avec elle. Mais pour y parvenir, cet été est un sacrifice nécessaire.
N'avez-vous pas peur d'avoir des regrets, quand vous verrez jouer l'équipe de France ?
Non, car je suis en début de carrière. On a vu beaucoup de joueurs draftés ne pas participer aux phases finales internationales l'année de leur arrivée en NBA. Je rattraperai le temps perdu.
Que voulez-vous dire à ceux qui ne comprendront pas votre choix ?
Je leur demande, déjà, de me pardonner pour mon absence. Tout en leur faisant la promesse que c'est temporaire. Que c'est pour le mieux, et que je reviendrai, très vite. »