JPP REVIENS a écrit:Il y a énormément à dire sur ce post.
1 : ta 1ère erreur est de tenter de résumer les opinions opposées (à la tienne) sous le terme de pensée bourgeoise. A aucun moment je ne cherche à te catégoriser en pauvre, étudiant, prof, syndiqué ou autre. On peut d'ailleurs être proche, économiquement, des gilets jaunes (dans leurs 1ères revendications sur le pouvoir d'achat) et très éloigné politiquement ou idéologiquement de certaines idées actuelles sur le Grand Soir ou la Révolution par le RIC.
2 : Pour une fois, je vais quand même donner quelques éléments de contexte personnel et familial, pour illustrer ton erreur sur la Bourgeoisie en tant que caste (je ne comprends rien à ta notion de "bas et milieu" d'ailleurs). Je suis le seul de ma famille (au sens large) à avoir fait bac +5. Mes deux parents sont les seuls de leurs familles respectives à avoir obtenu, à leur époque, le BAC. Pour le reste : familles nombreuses, milieu ouvrier votant Laguillier, syndiqués puis désyndiqués et depuis votant FN pour certains. Pas mal de gilets jaunes (cousins proches ou éloignés), des petites retraites, d'anciens buralistes ou employés de bureau. Une infime minorité de libéraux économiques, assez fiers de leur parcours personnel, relativement sceptiques quant à l’interventionnisme étatique généralisé à tous les domaines, privilégiant la réussite par le travail tout en reconnaissant que l'Etat est indispensable à la collectivité sur ses missions clés de service public.
3. J'en viens au coeur du sujet : la violence de ton post. Je le trouve ahurissant. Tu m'as l'air d'être quelqu'un d'intelligent et cultivé, c'est donc encore plus ahurissant de lire ça. Si je tente de résumer :
- Peu importe la violence (matérielle ou humaine), la notion "d'illégalité" est une logique bourgeoise défendue par ceux qui soutiennent leurs privilèges. On est en plein dans le déni de droit et le rejet de la démocratie, telle qu'elle est exercée aujourd'hui, soit. Devient "légitime" tout ce qui soutient TA cause. Devient illégitime toute opinion adverse à TA cause. Fort bien.
- Le problème c'est que la violence contestataire (dans sa forme actuelle) du mouvement se conjugue à une multiplicité de revendications hétéroclites (oui je reviens sur ce concept), revendications qui ne font pas forcément toutes l'unanimité au sein du mouvement Gilets jaunes lui-même (et c'est normal, compte tenu de la longueur de la liste). Ce n'est pas mon côté bourgeois qui trouve les revendications incompréhensibles et certaines sont tout à fait entendables. C'est le NOMBRE de ces demandes et revendications, de la plus logique à la plus incohérente ou farfelue, qui rend le mouvement illisible, vu de l'extérieur.
- Tu as l'impression que "les gens ouvrent les yeux". Je pense, moi, qu'ils sont emportés au fur et à mesure par un mouvement mené par les plus extrémistes, que le nombre de GJ sur les ronds points ou dans les rassemblements diminue, mais que les fanatiques eux, se mobilisent encore, et ne sont plus là pour obtenir quoi que ce soit, mais juste pour collecter toujours davantage de preuves que seule la violence permettra au vrai citoyen (non "bourgeois") d'obtenir un changement de sa condition, face à un pouvoir jugé non démocratique, des médias jugés partiaux, des riches jugés ennemis du peuple, une nation à fracturer pour aller chercher l'argent "là où il est".
1- Tu penses que tu penses librement.
En réalité nos pensées sont largement déterminées par nos conditions matérielles d'existence, par notre monde social. Celui-ci est complexe, loin d'être monolithique, j'en conviens. Nous appartenons à deux familles de pensée différentes et antagoniques.
Tu es proche des premières revendications des gilets jaunes, pour la simple et bonne raison qu'elles allaient dans ton sens, lequel est d'inspiration libérale. Tu t'opposes à celles d'après parce qu'elles s'opposent à cette inspiration libérale qui est tienne. Revoilà Eric Brunet (cas idéal-typique).
2- Mon positionnement me paraissait pourtant exposé avec simplicité. Je m'étais trompé, je recommence.
Il n'existe par une bourgeoise monolithique, mais des bourgeoisies. Celle que tu nommes sous le terme de "caste" est celle située tout en haut de l'échiquier et que sert avec beaucoup de loyauté (du moins autant qu'il le puisse) le camarade Macron. J'appartiens quant à moi à la petite bourgeoisie et je pense que tu te trouves dans une position intermédiaire (aucune critique ni jugement de valeur). Il est objectif de dire que nous sommes tous les deux mille fois plus éloignés de la caste dont tu parles, que des smicard.es.
Et pourtant nous ne regardons pas dans la même direction. Nous sommes tous les deux des transclasses, et nous ne pensons pas pareil, parce que notre conditionnement n'est pas le même.
Quand celles et ceux du bas commenceront à être déclassé.es, l'édifice commencera à s'effriter. J'ai l'impression que le train est en marche (dédicace à Saint Macron).
Devient "légitime" tout ce qui soutient TA cause. Devient illégitime toute opinion adverse à TA cause.
Pas nécessairement. Je ne crois pas que la fin puisse justifier tous les moyens.
Petit exemple en date de la manifestation d'hier :
J'ai entendu des types hurler "police assassin, police coloniale" à des CRS avec lesquels j'ai passé 3 heures à discuter, entre gazeuse poivrée et coup de matraque (ironie du sort, la gazeuse est un peu jaune...ce qui m'a fait échangé une petite blague avec un CRS souriant). C'était injuste, en plus d'être violent (oui la violence est multiforme). Les bleu.e.s que j'avais en face de moi n'étaient pas des assassins, mais juste des pauvres dominé.es qui en avaient plein le cul et qui n'étaient pas inhumain.es.
C'était contre-productif. Le bleu avec lequel j'essayais de discuter à ce moment là, avec une certaine réussite a fini par l'insulter à plusieurs reprises, épuisé. Faut savoir que ces gens ont passé 12 bornes à marcher à reculons, à un mètre de nous pour...on ne sait pas trop, ce qui a amené m'ont interlocuteur à me lâcher qu'il était dirigé par des "bons à rien".
Après avoir dit ça, je confesse cependant que je me suis laissé aller pour la première fois à un "tout le monde déteste les baqueux", après avoir répondu une heure auparavant lors d'un chant similaire (en remplaçant baqueux par police) à un CRS devant moi que je n'avais aucune haine contre lui, mais qu'à mal les employer le pouvoir finissait par créer une haine réciproque et de plus en plus insoluble.
Cette haine s'est donnée à voir via ce type de chant ou un ou deux jets de canette de bière (le plus violent que j'ai pu observer hier). Elle s'est aussi donnée à voir lorsqu'un manifestant a à plusieurs reprises avec d'autres essayé de bousculer le cordon.
Un CRS a bout de nerf lui a envoyé un coup de matraque en pleine gueule, transformant son crâne en chose difforme et ensanglantée. Je suis immédiatement allé devant ce CRS pour lui dire à quel point c'était ridicule et qu'il devrait essayer de se regarder dans le miroir le soir. Gazeuse.
Plus tard, j'ai revu ce CRS, qui se faisait copieusement insulter. Il fuyait le regard de tout le monde, il n'était pas bien. Sa conscience le travaillait manifestement. Un peu comme lorsqu'un.e enseignant.e gifle un.e gamin.e l'ayant poussé à bout. C'est humain.
Encore une fois, les FDO marchent à reculons, s'arrêtent, reprennent, s'arrêtent, si bien que la manifestation a duré 6 heures. Une tactique pareille, en plus d'épuiser inutilement, ne fait que renforcer les tensions, alors même qu'il n'y avait pas de gens en noir dans nos rangs et que les CRS face à nous avaient tous l'air plutôt bienveillant.es (j'ai causé avec beaucoup d'entre eux).
Aujourd'hui je regrette cependant de m'être laissé prendre par la chanson sur les baqueux. Quand j'y repense, même si je sais que la proportion de merde y est bien plus conséquente qu'ailleurs (ce que m'avait suggéré un bleu bien avant en me disant "regardez bien qui tire, ce n'est pas nous"), c'est avec l'un d'entre-eux que j'ai eu l'une des plus belles discussions le 16 mars sur les champs, au milieu d'une nasse arrosée et gazée.
Je le regrette, alors même que j'ai eu droit à un coup de matraque dans le bide d'un baqueux une heure plus tard. Son groupe trouvait sein de foncer au milieu de la foule (par derrière, et dans une situation calme, d'où la surprise) et de bousculer tout le monde, y compris moi. J'ai réagi en gardant la tête droite, en essayant d'avancer sur lui (un collègue m'a retenu) et en l'insultant. Il m'a invité à venir au contact (derrière trois rangs de CRS), je l'ai invité à faire de même. Puis je me suis un peu calmé. J'ai rigolé en le traitant de lâche, droit dans les yeux (on ne voyait que ça, son visage était caché).
Parenthèse fermée. Dans les événements, ce n'est pas toujours le meilleur de nous-même qui ressort.
Cela dit, il ne me semble pas absurde de te retourner ta phrase.
3- Tu es le premier à avoir parler de légitimité. J'ai tenté de t'expliquer que les bourgeoisies dont toi comme moi faisons partie détiennent le monopole de la définition de ce qui est légitime. Je précise en disant monopole médiatico-politique. Elles adossent immédiatement cette notion à celle de légalité (d'ailleurs ce n'est presque plus que de cela dont tu parles). Le 16 mars j'ai vu beaucoup de gens satisfaits de voir le Fouquets brûler, car ces personnes estimaient cela légitime (moi le premier, et c'est ce qui m'a amené à douter et réfléchir, y compris en échangeant avec vous au sujet de mon évolution). La référence à la légalité était absente. Le discours dominant sur la légitimité, associée à la légalité, prend moins.
Ce qui est légal ne me parait pas forcément légitime. Et ce qui me parait légitime n'est pas forcément légal. Je n'ai aucun pouvoir pour définir le légal, mais je suis encore (avec tout mon conditionnement s'entend) en capacité de définir ce qui m'apparait légitime.
- Tu parles au présent, je parle au passé. Les gens
ont déjà ouvert les yeux, alors que Macron avait les moyens de les maintenir fermés en agissant dès le départ.
Pour ce qui est de la violence (physique) dans l'action, elle me parait contre-productive eut égard de mes espérances, sans même aborder les considérations morales. Je l'ai déjà dit.
Tu parles de violence (laquelle ?) dans sa forme actuelle, cette violence a commencé
au premier jour. Elle apparaissait peu illégitime aux yeux des Eric Brunet et consort (même s'il fut plus rapide que d'autres pour tourner casaque). Pour la simple et bonne raison qu'elle était perpétrée contre ce qu'ils estimaient être le racket fiscal d'un Etat sur-administré étouffant les honnêtes gens. Autrement dit, ce n'est pas la violence qui est jugée illégitime, mais la cause au service de laquelle elle est perpétrée.
Une nation à fracturer pour aller chercher l'argent "là où il est"
Tu te trompes une dernière fois, et doublement. La nation est déjà fracturée et cette fracture ne date pas des gilets jaunes. C'est la résultante des politiques menées au service des bourgeoisies (de moins en moins pour la petite j'ai l'impression). Ce que tu redoutes existe déjà. Les gilets jaunes n'ont fait que donner une visibilité conséquente à cela.