boodream a écrit:
Aux Etats-Unis, tout le monde, je veux dire tout bord confondu, Reagan comme Clinton, Bush comme Trump, a baissé les impots. Est-ce qu'une telle politique peut générer de la croissance? On voit bien que oui. Mais est-ce que la pauvreté a reculé de manière significative? Non. Est-ce qu'on parle d'un pays qui, en ayant complètement brûlé son Etat Providence, se retrouve sans dette publique? Absolument pas.
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Sur l'étatisme d'ailleurs, je suis tout à fait d'accord avec toi: la question centrale est l'affectation de l'intervention publique. Est-ce qu'on a besoin de fonctionnaires à la cantine ou dans les jardins publics? Pas sûr du tout. Et à l'inverse, est-ce qu'il est n'est pas souhaitable que l'Etat s'investisse dans l'industrie pharmaceutique par exemple? Ce sont des discussions plus concrètes que " L'Etat ne peut pas tout" vs " les riches sont des salauds".
Pour l'instant, on peut juste constater dans la vie de tous les jours que les collectivités locales, c'est à dire les services publics, se font défoncer, que la TVA augmente pour tout le monde mais que Dieu Merci, plus loin de nous, l'exit tax est supprimée. L'inégalité est là, elle n'est pas théorique, elle n'est pas une "mentalité très française".
Le truc "très français" c'est que des communistes et des libéraux ont travaillé ensemble avec intelligence après la guerre, formant des choses qui font consensus, à peu près. Le modèle français, c'est des gens brillants qui ne pensaient pas du tout la même chose et qui ont mis leurs compétences en commun.
Même si ce n'est pas à moi que tu réponds, je prends mon parti des différents arguments utilisés.
Nous nous rejoignons sur le fond du problème : les choix d'intervention/investissement étatiques.
Quand tu cites les Etats-Unis et leur dette, je dois rappeler que les Etats-Unis ont fait le choix de concentrer l'immense majorité de leurs recettes publiques aux dépenses militaires, vues comme un outil de rayonnement/compétitivité/puissance mondiale. Bon ou mauvais, ce sont eux qui assument ce choix, mais c'est un choix d'investissement massif dans UN secteur de l'économie.
Comme en parallèle, les recettes diminuent (en partie), le déficit se creuse et compte tenu de leur choix militariste, il ne reste rien pour le reste : les outils de cohésion/redistribution sociale.
Nous avons fait le choix inverse : l'Etat est partout et saupoudre. Nous avons un Etat décathlonien, engagé sur tous les postes de l'activité humaine, sociale et économique.
Compte tenu de nos ressources limitées (en dépit d'une pression fiscale non négligeable sur le contribuable) et d'une croissance économique faible (compte tenu de nos freins structurels dont cette pression fiscale, mais c'est juste mon avis) nous avons un système de santé assez bon mais en perte de vitesse, une éducation correcte mais en perte de vitesse, une armée qui tente de maintenir une présence internationale sans avoir les moyens de ses ambitions etc.
D'ailleurs, pour l'anecdote, l'Etat est déjà dans l'industrie pharmaceutique. Au delà de l'EPRUS (pour les armées), il est actionnaire à 99% du Laboratoire Français des Biotechnologies, qui produit notamment des médicaments dérivés du plasma humain (facteurs de coagulation etc.). Ce n'est d'ailleurs pas une franche réussite, ni en termes de recettes ni en termes de compétitivité et de R&D, mais passons.
Dernier point sur lequel je te rejoins : la compétition internationale. Oui, on peut être plus intelligent que tout le monde et ne pas se masturber sur les bienfaits du handjob de la main invisible (je te paraphrase). On peut inventer un modèle différent, innover, être des précurseurs.
Force est de constater que les BRIC ont fait le choix d'un modèle économiquement libéral mais doublé d'un interventionnisme étatique sur les choix forts de développement économique. La Chine a par exemple décidé des axes prioritaires de son développement, secteurs dans lesquels, en mettant le paquet, elle devra être leader mondial dans les prochaines années.
Je ne suis pas un immense fan du modèle politique et social chinois, du Brésil passé à l'extrême droite militaire ou des Etats-Unis de Trump. Cela étant, la dynamique mondiale est de desserrer le verrou fiscal pour attirer les investissements, d'investir sur quelques secteurs clés, de pointe, pour en devenir leaders. Ces pays bénéficient d'une croissance plus forte que la notre, en partie conjoncturelle (développement rapide) mais aussi structurelle.
On peut discuter de leurs taux de chômage plus faibles, à mettre en parallèle avec leurs taux de pauvres. Mais ce n'est pas le débat. Le débat c'est : dans cette compétition internationale, comment transformer notre modèle pour ne pas devenir le Bangladesh ? Comment créer de la richesse ? Comment créer de l'emploi ? Comment choisir nos combats pour que notre société soit moderne, accueillante et attractive ?
En dépit de nos politiques sociales, de nos impôts, de nos services publics, je n'ai pas l'impression que nos citoyens soient tous riches, en bonne santé, bien éduqués.