Jarlandine,
Je ne sais pas trop quoi te répondre.
La GJ sont moins nombreux, les chiffres de la préfecture et ceux de la Pravda (quand elle officie) le disent, ce qui rejoint mon sentiment également. Il reste des violents, des extrémistes, mais encore des gens qui ne sont ni l'un ni l'autre. Je refuse d'abandonner la rue aux forces de l'ordre ou aux violents.
Le jaune est la seule chose qui fait encore barrage au programme politique de Macron, pour lequel je n'étais pas loin de voter au second tour.
Dragan,
Je n'en fais pas abstraction. Cela existe, mais je ne veux pas que cela soit la seule chose qui existe. Malheureusement ce n'est pas facile, compte tenu des raisons que j'ai déjà évoquées avant. Je ne pense pas qu'il s'agisse d'un plaisir, ou tout au plus celui de retrouver mes copains qui sont d'ailleurs tout sauf des violents.
J'ai le sentiment que j'apprends aussi dans l'action. Lorsque dans mes plus jeunes années, j'ai participé aux grèves et blocages étudiants, je n'ai jamais autant appris en un temps aussi resserré. J'échange avec des gens différents, j'offre du serum lorsque l'on se fait gazer (je rends ce qu'on m'a donné au début), il y une praxis de la solidarité et du collectif qui me plait. Après, il y a aussi la dimension politique de ces manifestations. Je ne sais pas si je me fait bien comprendre, en même temps, je ne suis pas sûr d'avoir moi même compris.
Sur la question plus globale des violences :
- Ce n'est pas dans ma culture politique, je tiens à le souligner au préalable. Et sur ce point, j'ai mes actes qui plaident pour moi. La plus radicale des luttes à laquelle je puisse participer, c'est le blocage, tout en étant parfaitement conscient des limites de l'action en termes d'opinion publique et donc d'efficacité.
- Quand je vois la vitrine d'une banque ou d'apple se faire attaquer ou même piller, mon sentiment actuel est que j'en ai rien à carrer. Ces entreprises ont une politique économique et fiscale agressive, qui engendre de la violence sociale en bout de chaine. La violence matérielle qu'elle subisse n'est qu'un retour de bâton. Ce n'est pas illégitime à mes yeux, bien au contraire. Cela est illégitime quand ce sont de petits commerçants qui sont visés. La seule question qui m'anime désormais est "comment ce sera pris par l'opinion publique ?", car c'est la seule chose qui compte désormais.
- Quand l'arc de triomphe a été saccagé, je n'ai pas pleuré. Ce n'était pas un symbole de la République ou de la nation comme les politiques ont voulu nous le faire croire, mais celui d'une barbarie qui a mis dans la tombe des millions de dominés, pour les rêves impérialistes de quelques uns. Il pourrait bien être complètement détruit que je ne serais pas loin d'applaudir.
- Hier, dans un quartier proche des Champs, j'ai vu quasiment en direct l'incendie d'une bagnole. J'ai commencé par râler, puis j'ai fini par voir que c'était une Porsche avec un type monté dessus qui criait "Anti, anticapitaliste, AHAA, anti, anticapitaliste...". Symbole de richesse manifeste, dans une quartier de riches. J'ai révisé mon jugement, mais pas au point de le faire converger avec celui que je porte sur l'attaque des vitrines ou de l'arc de triomphe. Attaquer une personne et non une institution, cela me semble moins légitime. On s'est directement barré, sentant que nous allions nous retrouver au milieu d'un affrontement police/blacks blocs. Les quelques CRS que l'on a croisé ont voulu nous renvoyer au milieu, puis ils se sont résolus (j'ignore pourquoi) à nous laisser nous éloigner de tout cela.
Les violences envers les personnes sont en revanche inadmissibles (même si compréhensibles) à mes yeux :
- l'humain ce n'est pas une vitrine ou une bagnole. Un casseur reste un homme, un facho reste un homme, un flic reste un homme, un black bloc reste un homme. C'est pour cela que je dénonce ces violences, d'où qu'elles viennent. Ma femme m'a dit qu'à la TV on avait vu le slogan "Une pensée pour toutes les familles des vitrines" tagué sur un bâtiment. Cela résume humoristiquement les choses je trouve.
Hier, le petit patron en jaune m'a expliqué qu'il avait vu aux invalides (je n'y étais pas), des blacks blocs bastonner à coups de barre de fer un jeune touriste qu'ils pensaient être un fasciste. Fasciste ou pas, on ne tape pas. J'ignore si cela s'est vraiment passé. Aurais-je eu le courage de m'interposer ? Je ne sais pas. Lorsque je l'ai fait par le passé, c'était plutôt un casseur qui était visé, et des gens moins radicaux qui l'attaquaient.
- La police ne peut pas être vaincue par la force (lorsque l'on se place dans une perspective révolutionnaire -> ce qui semble être le cas des blacks blocs). C'est donc contre productif à la cause (y compris la leur) de s'en prendre à eux. J'ai toujours essayé de discuter, débattre et rire avec eux (sauf avec ces merdes de la bac qui m'ont mis en joue et qui prennent autant de plaisir à tirer que le black bloc à lancer des pavés).
- L'homme ou la femme sous l'uniforme, ce n'est rien d'autre qu'un dominé. J'ai essayé de partir de leur propre sentiment de domination / colère face à l'utilisation qu'en font leurs décideurs, face aux conditions de travail dégueulasses qu'on leur impose. J'ai même chanté (surtout au début, ce qui semble aller dans le sens de l'analyse de Jarlandine) "la police avec nous". Après, j'ai atteint un tel niveau de haine envers la bac que cela me pousse à la déshumaniser. J'ai conscience de la limite de la chose.
https://www.youtube.com/watch?v=zrkBA4pC_P8-> A partir d'1h 11,30. Eric Hazan résume avec de très bons mots ce que je pense d'un point de vue militant/révolutionnaire (je ne sais pas si j'en suis un, je pense que non) de la question.