En marge d’un match de football d’Europa Ligue à Amsterdam entre l’Ajax et le Maccabi Tel-Aviv, des tensions et violences ont éclaté jeudi 7 novembre au soir. Plusieurs supporteurs israéliens ont été pourchassés et agressés dans les rues de la métropole néerlandaise dans la nuit de jeudi à ce vendredi 8 novembre, des faits largement condamnés par la classe politique du monde entier. Libé fait le point sur ce que l’on sait de cette nuit de violences.
Jeudi soir, le stade Johan-Cruyff accueillait la rencontre d’Europa Ligue entre l’Ajax Amsterdam et le Maccabi Tel-Aviv. Devant un peu plus de 50 000 spectateurs, dont 3 000 Israéliens, l’Ajax s’est largement imposé sur le score de 5 à 0. Dans la foulée de la rencontre et durant une bonne partie de la nuit, des affrontements ont éclaté, impliquant des supporteurs du Maccabi et de jeunes hommes, sans signes distinctifs de l’Ajax apparents. Sur certaines vidéos relayées sur les réseaux sociaux on voit des supporteurs du Maccabi être pourchassés et frappés dans les rues d’Amsterdam. Certains des agresseurs leur demandent, en anglais, d’où ils viennent. D’autres les obligent à dire «Free Palestine» en les frappant. Une vidéo montre un homme en invectiver un autre en arabe, l’insultant notamment de «fils de pute de juif».
«La nuit qui a suivi le match de football […] a été très mouvementée avec plusieurs incidents violents visant les supporters du Maccabi» dans plusieurs endroits de la ville, ont déclaré les autorités néerlandaises lors d’une conférence de presse ce vendredi. «La police a dû intervenir à plusieurs reprises, protéger les supporteurs israéliens et les escorter jusqu’à leurs hôtels. Malgré la présence policière massive dans la ville, des supporters israéliens ont été blessés.»
D’après les médias israéliens, une dizaine de supporteurs du Maccabi auraient été blessés. De son côté, la police d’Amsterdam a déclaré ce vendredi matin que cinq personnes ont fini à l’hôpital et que 62 autres ont été arrêtées, sans en préciser pour l’heure l’identité et l’éventuelle affiliation à l’un des deux clubs.
Mercredi soir déjà, la situation semblait déjà tendue dans Amsterdam. La police de la ville expliquait jeudi matin avoir empêché dans la nuit «une confrontation entre un groupe de chauffeurs de taxi et un groupe d’étrangers». Le Middle East Eye parle pour sa part d’un «chauffeur de taxi arabe» qui aurait été agressé «par ce qui semblerait être une foule de supporteurs israéliens» mercredi soir. Et rapporte que, le même jour, «un groupe de supporteurs israéliens» avait été filmé sur la place du Dam en train de chanter «Fuck you Palestine». Lors de la conférence de presse ce vendredi midi, la cheffe de la police à Amsterdam a confirmé que mercredi «les partisans du Maccabi ont retiré un drapeau d’une façade» et qu’ils ont également «détruit un taxi» et «incendié un drapeau palestinien».
Jeudi avant la rencontre, d’autres événements, toujours en lien avec le conflit israélo-palestinien, ont eu lieu dans la capitale néerlandaise, faisant grimper encore le niveau de tension. Plusieurs vidéos montrent des groupes (non identifiables) s’atteler à décrocher des drapeaux palestiniens suspendus à des fenêtres par des habitants, certains chantant au passage à nouveau des «Fuck you Palestine». Sur d’autres vidéos, on voit un grand groupe de supporteurs du Maccabi descendre des escalators en chantant à tue-tête, en hébreu : «Que Tsahal gagne et nique les Arabes».
Ce vendredi matin, les condamnations sont nombreuses. «Nous voyons avec horreur ce matin les images et les vidéos choquantes que nous espérions ne plus jamais voir depuis le 7 octobre : un pogrom antisémite qui se déroule actuellement contre les supporteurs du Maccabi Tel-Aviv et les citoyens israéliens au cœur d’Amsterdam», a déclaré le président israélien Isaac Herzog dans un communiqué. Benyamin Nétanyahou a pour sa part annoncé l’envoi de «deux avions de secours» pour porter assistance aux supporteurs israéliens. Le nouveau chef de la diplomatie israélienne, Gideon Saar, doit se rendre sur place «sous peu». Enfin, l’armée israélienne a annoncé interdire à tous ses personnels en service de se rendre aux Pays-Bas jusqu’à nouvel ordre.
De son côté, le Premier ministre des Pays-Bas, Dick Schoof, a dénoncé sur X des «attaques antisémites inacceptables contre des Israéliens» et a promis que les auteurs seront «recherchés et poursuivis». La maire d’Amsterdam a pour sa part parlé ce vendredi de sa «honte» après les faits de la veille : «Ce n’est pas Amsterdam.» Les mesures de sécurité dans sa ville vont être renforcées, a-t-elle annoncé, et les manifestations seront interdites ce week-end.
En France aussi, la nuit de violences à Amsterdam a fait réagir. Benjamin Haddad, le ministre chargé de l’Europe, parle ce vendredi matin d’une «chasse aux Juifs sur le sol européen» et appelle à ne faire preuve d’«aucune faiblesse, aucune lâcheté face à l’antisémitisme». Emmanuel Macron a lui quelques heures plus tard évoqué des violences qui rappellent selon lui «les heures les plus indignes de l’Histoire». Une large majorité de la classe politique française a tenu des déclarations similaires. Eric Ciotti parle du «retour d’une nuit de cristal» et Bruno Retailleau, d’actes «barbares» qui «relèvent de l’antisémitisme pur».
A gauche, les prises de position sont plus rares et moins catégoriques. Invité de la matinale de CNews/Europe 1, Manuel Bompard a déclaré que «s’il y a eu des agressions ou des enlèvements, ils sont inacceptables», tout en assurant avoir vu «circuler des images» de «provocations racistes, d’arrachages de drapeaux» de la part des supporteurs israéliens. Son collègue chez LFI, Raphaël Arnault, issu de la mouvance antifasciste, a pointé du doigt les supporteurs du Maccabi qui sont «réputés pour abriter les plus grosses franges d’hooligans d’extrême droite, racistes et violents» et qui ne sont pas venus à Amsterdam pour «cueillir des jonquilles». Ce à quoi la députée écologiste Sandrine Rousseau répond indirectement, sur X : «Je lis «les supporteurs israéliens ont provoqué» mais ça va pas de justifier la violence comme ça ? !».
Les incidents qui ont eu lieu à Amsterdam font craindre des tensions similaires à Paris dans moins d’une semaine. Jeudi 14 novembre, dans le cadre de la Ligue des nations, l’équipe de France de football accueillera l’équipe d’Israël. Le match aura lieu au Stade de France et en public, a reconfirmé ce vendredi matin Bruno Retailleau. «La France ne recule pas car cela reviendrait à abdiquer face aux menaces de violence et face à l’antisémitisme, a-t-il écrit sur X. À ma demande, le préfet de police Laurent Nunez prend les dispositions de sécurité nécessaires pour que ce match ait lieu au stade de France, comme habituellement.»
2 500 forces de l’ordre seront mobilisées, réparties aux abords du stade et de l’hôtel de la sélection israélienne. Des compagnies de CRS patrouilleront également dans Paris. Enfin, les premiers rangs du Stade de France, les plus proches de la pelouse, ne seront pas occupés, pour éviter tout envahissement du terrain, a confié une autre source policière à l’AFP. Le stade de France ne devrait de toutes façons pas faire le plein, selon cette même source.