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France, Etats-Unis, Allemagne, Royaume-Uni, Espagne... Le conflit au Proche-Orient attise l’antisémitisme
Partout dans le monde occidental, les actes antisémites se multiplient depuis l’assaut du Hamas et les frappes incessantes d’Israël contre la bande de Gaza.
La scène, filmée mercredi 25 octobre à New York, a rapidement fait le tour des réseaux sociaux. On y voit plusieurs étudiants juifs de la Cooper Union, une université privée de Manhattan, enfermés dans la bibliothèque, à l’extérieur de laquelle d’autres étudiants crient des slogans pro-Palestiniens en tambourinant sur les portes. Nouvelle illustration du climat de vive tension qui traverse de nombreux campus américains, cette séquence nourrit aussi la crainte d’une vague antisémite, déjà observée dans de nombreux pays depuis l’attaque sanglante du Hamas dans le sud d’Israël et la riposte militaire israélienne sur la bande de Gaza. Jet de cocktails molotov contre une synagogue de Berlin, étoiles de David taguées en Espagne, croix gammées à Nice ou Grenoble : en Europe comme aux Etats-Unis, les autorités signalent une nette augmentation des incidents visant la communauté juive, qui réclame davantage de protection.
France : «Toucher à un juif en France, c’est toucher toute la République»
La France, où le conflit israélo-palestinien est historiquement un sujet explosif, connaît depuis près de trois semaines un véritable déferlement antisémite. Depuis le 7 octobre, 719 faits antisémites ont été signalés et 389 individus interpellés, a indiqué jeudi 26 octobre le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, dans une interview au Dauphiné Libéré. C’est bien plus que les 436 actes antisémites recensés sur toute l’année 2022 par le service central du renseignement territorial. Inscriptions menaçantes dans l’Essonne, étoiles de David taguées sur plusieurs commerces à Sucy-en-Brie (Val-de-Marne), croix gammées à Libourne (Gironde), Grenoble ou Nice : tout le pays est concerné. A Levallois-Perret, une jeune femme de confession juive a porté plainte pour «harcèlement et menaces de mort en raison de la religion», après avoir reçu plusieurs appels téléphoniques tels que «t’es morte», et «juif en boîte». A Paris, des incidents ont été relevés près de plusieurs synagogues.
En déplacement la semaine dernière à Créteil, à la rencontre de la communauté juive, Gérald Darmanin a martelé que «personne ne touchera à un cheveu d’un juif de France sans attendre la réponse foudroyante de l’Etat». «N’ayez pas peur», a-t-il cherché à rassurer. Dès le 9 octobre, deux jours après l’attaque sanglante du Hamas et alors que de premiers incidents antisémites étaient signalés, il avait martelé que «toucher à un juif en France, c’est toucher toute la République». Dans tout le pays, les préfets ont reçu l’ordre de renforcer la sécurité des synagogues, écoles et lieux communautaires juifs. En outre, après l’attaque terroriste d’Arras, le 13 octobre, la France est passée au niveau «urgence attentat», le plus élevé du plan Vigipirate.
Aux Etats-Unis, un bond de près de 400 %
«Alors que le conflit entre Israël et le Hamas se poursuit, nous avons constaté une augmentation des menaces à l’encontre des communautés et des institutions juives, musulmanes et arabes», a indiqué le 18 octobre le département de Sécurité intérieure dans un communiqué. Alors qu’un jeune garçon américano-palestinien de 6 ans a été sauvagement assassiné près de Chicago, relançant la peur de la stigmatisation chez les musulmans américains, les actes antisémites explosent également aux Etats-Unis, qui comptent la plus importante communauté juive au monde après Israël. Mercredi, l’Anti-Defamation League, principale organisation américaine de lutte contre l’antisémitisme, a indiqué avoir recensé 312 incidents antisémites entre le 7 et le 23 octobre, dont 190 «directement liés» à la guerre entre Israël et le Hamas. Soit une hausse de 388 % par rapport à la même période l’an dernier.
Quasiment aucun Etat du pays n’est épargné. A New York, un homme de 19 ans a été inculpé de crime de haine après avoir attaqué un étudiant de l’université Columbia qui accrochait sur le campus des affiches de soutien à Israël, et une femme a été frappée au visage dans la gare de Grand Central. A Salt Lake City (Utah), le rabbin Sam Spector a été obligé d’arrêter un service qu’il dirigeait en raison d’une alerte à la bombe. A Détroit (Michigan), un étudiant juif a été agressé. Et en Californie, un homme a été arrêté pour avoir proféré des menaces de mort devant un restaurant israélite de Los Angeles. Dans l’allocution solennelle prononcée à son retour d’Israël, Joe Biden a mis en garde contre l’importation du conflit et de la «haine» aux Etats-Unis. «Nous ne pouvons pas rester silencieux, les bras croisés […] Nous devons, sans équivoque, dénoncer l’antisémitisme. Nous devons aussi, sans équivoque, dénoncer l’islamophobie», a-t-il déclaré. Dans tout le pays, les forces de l’ordre ont renforcé la sécurité autour des institutions qui sont au cœur de la vie juive, comme les synagogues et les écoles.
Au Royaume-Uni, Sunak débloque des fonds
Une vague sans précédent. Entre le 7 et le 25 octobre, le Community Security Trust (CST), une organisation caritative dont le but est d’assurer la sécurité de la communauté juive, a enregistré au moins 704 incidents antisémites à travers le pays. «Comparé à des périodes de conflits précédents impliquant Israël, ces statistiques sont sans précédent», note l’organisme, qui a notamment recensé 32 agressions physiques, une quarantaine d’atteintes aux biens et de profanation et plus de 70 menaces directes. Sur la même période l’an dernier, le CST avait enregistré 96 incidents antisémites, soit une hausse de 633 % sur un an. L’explosion est plus marquée encore dans la capitale, avec une hausse de 1 353 % par rapport à 2022, selon les chiffres publiés le 20 octobre par Scotland Yard. Les actes islamophobes, eux, ont augmenté de 140 %.
Face à cette explosion, le gouvernement britannique a annoncé dès le 12 octobre un renforcement des mesures de sécurité et débloqué trois millions de livres sterling supplémentaires (3,45 millions d’euros) pour le CST, qui travaille en étroite coopération avec la police pour sécuriser les bâtiments et événements de la communauté juive. Cette somme doit notamment financer des gardes supplémentaires durant les horaires d’ouverture des écoles juives et autour des synagogues le vendredi et samedi. «Il n’y a pas place pour l’antisémitisme dans notre société et nous ferons tout notre possible pour l’éradiquer, et là où il est présent, nous le combattrons avec toute la force de la loi», a prévenu le 16 octobre le Premier ministre, Rishi Sunak, après des manifestations en soutien aux Palestiniens marquées par plusieurs incidents.
En Allemagne, étoiles de David et cocktail Molotov
En Allemagne, les étoiles de David dessinées sur les maisons habitées par des citoyens de confession juive réveillent de profonds traumatismes. Un acte perpétré à trois reprises au moins à Berlin, a indiqué la police de la ville dans un communiqué du 14 octobre. D’autres tags antisémites ont été relevés par la police berlinoise, dont un sur la façade d’un bâtiment de l’administration du Sénat, dans le quartier Wilmersdorf, et un autre sur les vestiges du mur de Berlin, dans le quartier de Friedrichshain. «Berlin est la ville de la liberté et de la diversité. La haine d’Israël et l’hostilité envers les juifs n’ont pas leur place ici», a martelé le maire de la capitale, Kai Wegner.
Dans la nuit du 17 au 18 octobre, deux cocktails Molotov ont été lancés contre une synagogue de Berlin, sans faire de blessés. La semaine précédente, entre le 7 et le 15 octobre, l’Association fédérale des centres de recherche et d’information sur l’antisémitisme avait comptabilisé 202 incidents antisémites à travers l’Allemagne, contre 59 au cours de la même semaine en 2022. «Il doit y avoir une tolérance zéro à l’égard de l’antisémitisme en Allemagne», a martelé dimanche dernier le chancelier Olaf Scholz, lors de l’inauguration d’une synagogue à Dessau, dans l’Est du pays. Le même jour, plusieurs milliers de personnes ont participé à Berlin à une grande manifestation en solidarité avec Israël et contre l’antisémitisme.
Espagne : «Israël assassin»
Comme l’Allemagne, l’Espagne aussi s’est réveillée devant des tags d’étoiles de David. La plus grande synagogue de Madrid, située au cœur du quartier de Chamberí, a ainsi été profanée par un tag «Palestine libre» à côté d’une étoile juive barrée. La Fédération des communautés juives d’Espagne a rapporté que des graffitis anti-Israël avaient été également trouvés dans les villes catalanes de Besalú et Gérone, ainsi que dans un parc de Madrid. Dans l’enclave espagnole de Melilla, sur la côte nord du Maroc, une manifestation pro-palestinienne a dégénéré. Un groupe de manifestants s’est rassemblé devant une synagogue aux cris de «Israël assassin», tout en brûlant un drapeau israélien et en insultant des commerçants juifs.