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JORDAN, OPA SUR PARIS
Les Charlotte Hornets joueront en janvier 2020 à Paris le premier match de saison régulière NBA sur le sol français. Leur propriétaire star, Michael Jordan, a pesé de tout son poids pour faire aboutir ce projet qui coïncide avec le développement de ses intérêts en France.
Si, dans les mois qui viennent, vous croisez Michael Jordan dans les beaux quartiers de Paris ou du côté de l’AccorHotels Arena, pas la peine de devenir hystérique... L’ancienne superstar six fois titrée des Chicago Bulls, icône absolue de la NBA, a fait de la capitale française son lieu de villégiature privilégié. C’est pourquoi, le vendredi 24 janvier 2020, il y emmènera l’équipe dont il est propriétaire, les Charlotte Hornets, pour le premier match de saison régulière jamais disputé sur le sol français.
Depuis mercredi, Paris frémit. Son Hôtel de Ville a été habillé de grandes affiches verticales. « #NBAParis » et « Janvier 2020 », peut-on lire sur le parvis. Après dix ans d’attente, et un match quelconque de présaison en 2010 entre Minnesota et New York, la NBA revient en France.
Elle s’y installe sans doute pour deux ans, à l’AccorHotels Arena. L’affiche parlera tant au public français, dont deux compatriotes, Tony Parker et Nicolas Batum, jouent à Charlotte, qu’européen, puisque l’autre protagoniste sera Milwaukee, où évolue le phénomène athlétique candidat au titre de MVP, le Grec Giannis Antetokounmpo.
Pourquoi la NBA, implantée à Londres depuis 2011, où elle a disputé neuf matches de saison régulière, a-t-elle décidé de traverser la Manche ?
Nike, redevenu l’équipementier de la ligue en 2017, aurait pesé de tout son poids. « Il était temps de changer. Une lassitude s’était installée », glisse un membre de l’un des partenaires majeurs du raout annuel de la NBA en Europe. « Londres était un marché commode en termes logistiques et linguistiques, mais qui depuis les JO 2012, s’est révélé peu porteur. » Surtout en comparaison avec des territoires à la culture basket plus ancrée et mature comme la France ou l’Allemagne où la NBA pourrait se rendre en 2022, à Berlin. Et le Brexit ? « Pure coïncidence », assure-t-on chez NBA Europe, même si sa concrétisation compliquerait un retour à Londres.
« Les négociations ont démarré en février 2018, par une consultation, avant un dossier de candidature en septembre », révèle Nicolas Dupeux, directeur général de l’AccorHotels Arena, mise en concurrence avec Paris La Défense Arena (Nanterre). Mais l’ex-Bercy, rénové en 2015, dont le géant US AEG – qui contrôle l’O2 londonienne – est également actionnaire, a toujours eu la préférence de la NBA.
Jordan-PSG, un partenariat qui roule
« On a compris que c’était bon il y a un an, quand ils ont commencé à nous demander comment ça fonctionnerait, combien ça coûterait », raconte Jean-François Martins, l’adjoint aux Sports de la Ville de Paris, présent à Londres en janvier pour finaliser l’accord. « Mais la relation entre la NBA et Paris n’a jamais cessé. Un Français a longtemps dirigé la NBA Europe (Benjamin Morel, remplacé par Ralph Rivera). Paris s’est replacé sur l’échiquier sportif avec les JO en 2024. Et cela fait trois ans qu’on a développé une stratégie pour redevenir une ville basket. On a rénové l’AccorHotels Arena, créé ou fait renaître des terrains avec des street artists, soutenu la création du Paris Basketball (Pro B), et créé les conditions pour permettre la venue de LeBron James, Kobe Bryant et Michael Jordan... »
Jordan dont l’ombre plane plus que jamais sur la capitale, où il mit les pieds pour la première fois en 1985, l’année de la sortie de sa toute première chaussure, la « Air Jordan 1 », pour une exhibition presque passée inaperçue.
Cinq ans plus tard, en 1990, on frôlait déjà l’émeute lors de son retour à la salle Géo-André.
Plus que la venue incertaine d’un Tony Parker qui pourrait prendre sa retraite en fin de saison, c’est bien du côté de « His Airness » qu’il faut chercher la raison majeure du retour de la NBA en France. Deux sources proches du milieu des dirigeants NBA nous ont confirmé que le très influent propriétaire de cinquante-six ans a personnellement demandé au patron de la NBA, Adam Silver, de choisir Paris, devenu le cœur de la stratégie de développement de sa marque, Jordan Brand (une branche de… Nike), sur le Vieux Continent.
En 2015, on le voyait ainsi bras dessus, bras dessous avec la maire de Paris Anne Hidalgo pour inaugurer un playground à son nom : « Jordan Legacy ». Fin 2016, il prenait la Bastille en y installant la première boutique européenne frappée de son logo, qui orne également les maillots de l’équipe de France de basket. Jordan Brand a aussi lié son nom pour dix ans à l’un des tournois de basket de rue les plus cotés au monde, le Quai 54. « Paris est en plein boum sur le marché du sport et en même temps la capitale mondiale de la mode, du lifestyle et des cultures urbaines. Pour Jordan, l’équation est simple... », souffle Hammadoun Sidibé, fondateur du Quai 54.
Enfin, il y a le PSG... À l’occasion de la Ryder Cup, en septembre 2018, Jordan a privatisé, les uns après les autres, les plus beaux parcours de golf de la région parisienne pour y tester son swing, saisissant l’occasion pour lancer un partenariat inédit de trois ans avec le PSG, où son mythique Jumpman, logo le figurant en lévitation, en plein vol vers le panier, s’est fondu dans le blason du club de foot, s’y substituant à la Tour Eiffel… La tunique portée en Ligue des champions et les quatre-vingt dix produits de la gamme se sont révélés un succès monstre. Le club devrait dépasser le million de maillots vendus pour la première fois de son histoire, et a multiplié par près de cinq ses ventes sur le marché américain.
Faire venir ses frelons (Hornets) à Paris permettra à Jordan d’y renforcer encore son influence, d’afficher ses joueurs avec ceux du PSG – il y a fort à parier que celui-ci demandera à jouer à domicile le week-end des 25-26 janvier... –, tout en mettant son image au service de sa maison mère, la NBA.
« Le milieu a compris que Paris est aujourd’hui l’épicentre du basket en Europe, qu’on parle de merchandising, de droits télé, de digital… », résume David Kahn, ancien manager général de Minnesota devenu président du Paris Basketball, qu’il imagine un jour en Euroligue, dans la future arena olympique (8 000 places) de la porte de la Chapelle. « Pour Michael Jordan et sa marque, c’est une opportunité unique. Ce match démontre la capacité de la NBA à mettre en valeur ses franchises tout en servant ses intérêts propres, comme ceux de ses propriétaires. »