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Guerschon Yabusele : Boston adore déjà son «ours dansant»
Surnommé l'«ours dansant» par Boston, tombé amoureux de lui, l'intérieur français sera, dès sa première saison chez les Celtics, l'une des attractions d'un candidat au titre.
Cette saison au TD Garden, sanctuaire des Boston Celtics, le basket sera remplacé par du ballet. Il y aura les arabesques de Kyrie Irving, ex-lieutenant de LeBron James, superstar débauchée de Cleveland, artiste du maniement du ballon. Mais aussi la danse de « l'Ours ».
Un « Ours dansant » ? C'est le surnom trouvé par l'un des assistants coaches des Celtics à Guerschon Yabusele. « Ça vient de Micah Shrewsberry en Ligue d'été, éclate de rire le natif de Dreux. Il était surpris que je bouge aussi bien avec mon gabarit. C'est resté, j'ai trouvé ça marrant et j'en joue. » Avec son profil d'intérieur de petite taille (généreusement listé à 2,03 m) à la carrure maousse (130 kg !) pourtant doté d'une mobilité d'arrière, Yabusele détonne.
Les débuts de l'ex-joueur de Roanne et Rouen au sein de la franchise la plus titrée de l'histoire (17 bagues), drafté en 2016 à la 16e place, sont pour la nuit prochaine, à la télé nationale, chez les Cavaliers de King James. Mais dès la présaison, Yabusele a marqué des points. Lors d'une victoire contre Philadelphie (113-96), il a compilé 7 points, 5 rebonds, 3 contres et 3 interceptions, faisant étalage de sa vitesse, de son explosivité et de son jeu de jambes de boxeur.
La boxe, une discipline qui explique un peu sa présence en NBA. « J'ai débuté quand j'ai commencé à marcher, souffle-t-il. Mon père, entraîneur pour la ville de Dreux, s'occupait de toute ma famille. J'ai commencé le basket vers sept ans. J'ai arrêté la boxe à dix ans. Ça m'a aidé pour la mobilité, les appuis. J'ai toujours été grand mais pas forcément musclé... »
À ses débuts, Guerschon Yabusele n'avait pas le profil pour la Ligue nord-américaine. Son entraîneur chez les jeunes à Roanne, Yan Fatien, se souvient de l'arrivée à quatorze ans, en 2009, du seul joueur NBA issu du centre de formation de la Chorale. « C'est une force de la nature, raconte l'entraîneur, désormais installé à Seattle. Et pourtant, quand je l'avais vu pour la première fois, en minimes, j'avais découvert un gamin un peu pataud, en surpoids. L'année d'après, j'ai rencontré ses parents et ç'a fait clic. Son père mesurait 1,96 m pour 125 kg, un monstre physique, sa mère était grande. À Roanne, ce n'était pas évident de recruter, on passait derrière tous les centres de formation plus huppés. On a fait un pari. »
La NBA est encore une chimère pour un joueur pas considéré comme un top talent de sa génération. La première année, ses dirigeants envisagent même de se séparer de Yabusele, qui « met le souk à l'école », sourit Fatien. Mais il s'accroche. Fatien voit le garçon pousser de dix centimètres en un été, commencer à s'affiner. « Il a mûri mentalement et développé un gros QI basket, reprend le technicien. On allait le chercher les midis à l'école pour l'entraîner. Il n'avait pas conscience de son potentiel NBA. On a eu une discussion à ses quinze ans et on le lui a mis dans la tête. »
Le garçon franchit dès lors les étapes en accéléré. Saisit sa chance en Pro B à Roanne, en 2014-2015 (8,6 points, 4,5 rebonds), en Pro A à Rouen en 2015-2016 (11,5 points, 6,9 rebonds, 29 minutes de moyenne). « Il a un physique à la Charles Barkley. Quand il est arrivé, je lui ai dit de s'en inspirer, se remémore Rémy Valin, le tacticien normand. Le rapport entre sa masse musculaire, sa puissance, sa vitesse et son explosivité est monstrueux. En plus, il sent le jeu, il est adroit à 3 points, et garde cette faculté d'aller tout détruire dans la raquette. C'est un profil assez unique. »
Que la NBA ne pouvait pas laisser passer, surtout dans le contexte d'un jeu toujours plus tourné vers la vitesse. Sans l'explosion de Draymond Green, coéquipier de Stephen Curry à Golden State, poste 4 de petite taille, Yabusele n'aurait pas été sélectionné si haut. « Les Celtics se projettent sur le jeu des Warriors, juge Fatien. Ce n'est pas un hasard si les Américains ont surnommé Guerschon "le Draymond français". »
En Chine, il a appris à avoir des responsabilités
Yabusele aurait pu rester en Pro A, mais les Celtics ont préféré l'envoyer en couveuse en Chine, aux Shanghai Sharks. Et puis, que valaient les 150 000 euros proposés par quelques clubs français face au 1,5 million de dollars du club de Yao Ming, et la perspective de mettre sa famille à l'abri du besoin ? Critiqué pour son choix, Yabusele n'a aucun regret. « L'année entre ma draft et mes premiers pas aux Celtics a été longue, car je ne rêvais que de jouer en NBA, sourit-il. Mais la Chine a été une formidable expérience. Le niveau n'est pas si faible. Ça m'a aidé d'avoir des responsabilités, d'évoluer avec Jimmer Fredette (ancien joueur NBA), et aussi d'être un peu isolé, pour m'habituer à ce qui m'attend en NBA. Et puis Shanghai est une belle ville, un peu européenne. J'allais souvent sur le Bund (promenade au bord du fleuve Huangpu). Mais maintenant que je suis à Boston, je compte bien y rester ! »
Les nombreux changements dans l'effectif des Celtics offrent une vraie chance à Yabusele de gagner un rôle important dans la rotation. Cela n'a pas échappé au nouvel « Ours » du Massachusetts, impatient de faire danser la NBA.