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Olivier Noblecourt : « La situation marseillaise est brûlante au plan social »
Olivier Noblecourt, délégué interministériel à la prévention et à la lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes.
Le « monsieur pauvreté » du gouvernement était à Marseille vendredi pour lancer, avec les collectivités et acteurs de terrain, la déclinaison régionale de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté présentée, début septembre, par Emmanuel Macron. Pour La Marseillaise, Olivier Noblecourt dévoile les ambitions de l'État pour Marseille, une ville « brûlante au plan social ».
Dans quel contexte s'inscrit votre venue à Marseille aujourd'hui ?
Olivier Noblecourt : Nous sommes dans la période de mise en œuvre concrète du plan de lutte contre la pauvreté et qui porte sur trois sujets : la pauvreté en conditions de ville, notamment les plus jeunes et les familles monoparentales, comment concrètement on répond aux besoins d'accès à l'alimentation, à la santé, à la mobilité... On est sur une volonté très forte d'agir sur la situation des enfants les plus fragiles. Le deuxième grand axe, c'est l'investissement massif qu'on propose dans l'accompagnement vers l'emploi. Le constat est simple : on a augmenté les dépenses d'allocation pour les personnes aux minima sociaux mais on a supprimé tout ce qui permet aux gens de se construire un projet professionnel : nous allons vers un choc d'accompagnement vers l'emploi où l'on va augmenter massivement les moyens des collectivités, notamment les Départements, mais aussi Pôle emploi, des acteurs associatifs. Le dernier élément est la simplification de l'accès aux droits sociaux.
Comment allez-vous construire cette stratégie ici ?
O.N. : Pour mettre en œuvre tout ça, on a besoin que ce soit les acteurs de terrain qui s'engagent dans la stratégie. Nos concitoyens ne croient plus tellement aux politiques publiques. L'enjeu de cette stratégie est d'avoir un impact très concret. Pour que ça marche, il faut que ce soit les acteurs qui portent cette stratégie. Sous l'égide de la préfecture, je mobilise l'ensemble des collectivités locales, des associations, la CAF, Pôle emploi, les Missions locales...
À quelle échéance ?
O. N. : Dès 2019. Certaines régions se sont déjà engagées. L'État va proposer un cadre de contractualisation avec les collectivités pour renforcer les moyens sur le territoire. Le premier interlocuteur est le Département car il est le chef de file de l'action sociale, mais on souhaite travailler avec la Métropole et la Ville de Marseille. On ne va pas travailler en tuyau d'orgue chacun de notre côté mais faire en sorte de concentrer les moyens ensemble au même moment sur les mêmes priorités.
À Marseille justement, les besoins sont énormes avec un taux de pauvreté de 25 % et des écarts de 1 à 14 selon les quartiers. L'État sera-t-il au rendez-vous ?
O.N. : Il y a une volonté très claire de mettre le paquet et d'avoir une priorité sur les réalités marseillaises qui sont difficiles pour beaucoup d'habitants. J'ai une forte attente et exigence parce que la situation marseillaise est brûlante au plan social. On va prendre quelques priorités qui sont les principales urgences, on n'a pas la prétention de tout régler. Il y a déjà eu des annonces sur l'habitat et le logement, on va apporter une dimension éducative, sur l'enfance, le soutien aux familles et à l'emploi. Cela passe par des lieux de soutien aux familles qui sont dans le désœuvrement, développer l'offre de centres sociaux sur le territoire, de crèches dans les quartiers populaires, du soutien éducatif, accompagner l'emploi des jeunes... il y a déjà une action remarquable en la matière mais il y a nécessité d'avoir un meilleur continuum. Il faut qu'il y ait un avant et un après.
Vous parlez de centres sociaux et de crèches. Dernièrement, à Marseille, de telles structures ont ou ont failli disparaître, faute de moyens. Vous comptez donc en (r)ouvrir ?
O.N. : Absolument, il faut sauver ce qui doit l'être et remettre des moyens là où il faut. 400 centres sociaux sont programmés à l'échelle nationale. On va mettre des moyens supplémentaires, humains et financiers sur les centres sociaux, les crèches, l'équipement des lieux d'enfance...
Avec quels moyens ? Marseille est échaudée par les promesses financières de l'État sans lendemain. Avez-vous des garanties, surtout après les annonces envers les gilets jaunes qui bousculent l'équilibre budgétaire auquel le gouvernement est attaché ?
O.N. : Bien sûr. Vous imaginez bien que les réponses sociales apportées par le gouvernement à la crise des gilets jaunes sont complémentaires des réponses sociales qui sont dans la stratégie de lutte contre la pauvreté. On ne reprend pas sur la partie pauvreté ce qu'on a mis sur les gilets jaunes. Les moyens sont là. L'État table sur 8,5 milliards sur 4 ans au niveau national. Si je viens travailler avec les acteurs locaux c'est que j'ai des garanties. On va suivre de manière très ambitieuse et fine les moyens qu'on va déployer.
Le mal-logement est une conséquence de la pauvreté. Quels sont vos leviers par rapport aux suites du drame de la rue d'Aubagne ?
O.N. : On agit en complémentarité de ce que le ministre du Logement a annoncé il y a trois semaines à Marseille. Nous pouvons agir sur la création de maraudes dédiées au repérage et à l'accompagnement de familles qui sont, expulsées, à la rue pour organiser leur prise en charge. Mais aussi au niveau des centres d'hébergement qui ne sont pas adaptés à la vie d'enfants, des jeunes qui ont décroché de l'école et qui aujourd'hui tiennent les bars et sont sans accompagnement. Il y a une logique d'intervention forte.