par JPP REVIENS » 19 Oct 2015, 16:01
Contrairement à beaucoup, je ne pense pas que les étrangers soient un réel problème pour notre championnat.
A partir du moment où la règle est d'avoir 70% de JIFF à chaque match (donc joueurs issus de la formation française et potentiellement sélectionnables), les quelques stars présentes au coup d'envoi peuvent servir à apporter de la confiance, de l'expérience et des conseils aux joueurs français/jeunes joueurs.
Le véritable problème est le même que celui rencontré au foot il y a quelques années : la formation et le bagage technique des jeunes joueurs. Notre système de formation délaisse totalement la partie technique du jeu (jeu au pied, technique de passe, qualités individuelles) au profit du physique et des "fondamentaux" : mêlée, touche, défense, discipline...
Résultat : nous avons des mastodontes disciplinés, mais qui ne savent pas évaluer une situation de surnombre offensif ou défensif, des joueurs incapables de faire une passe après contact etc.
Autre souci : le TOP 14. Avec son niveau homogène (et très compliqué), ses déplacements sur des terrains pourris tout au long de l'année (dont une quinzaine de matchs joués l'hiver) et les impératifs économiques liés à la qualification pour la coupe d'Europe ou pire, la descente, les clubs ont tout intérêt à minimiser les risques et viser la victoire étriquée plutôt que de prendre le pari du jeu, jugé plus risqué.
Il y a de manière générale un problème de culture et de formation de nos entraîneurs, totalement franco-français, encore englués dans un rugby de terroir aux valeurs ancestrales (grosse conquête, on gagne à domicile, on bazarde les matchs à l'extérieur), qui ne tire pas nos joueurs vers le jeu. Le jeu à la main est vu comme un risque, alors qu'il est 100 fois moins risqué de conserver le ballon sur plusieurs temps de jeu (à condition d'avoir le soutien et le système de jeu adéquat), que de balancer des chandelles à tout va, qui rendent 80% du temps le ballon à l'adversaire.
En TOP 14, le culte de la chandelle et du moindre risque passe, car en face on a une équipe qui va 90% du temps vous rendre également le ballon. Quand, en revanche, au niveau international on tombe face à des relanceurs de génie et des équipes préparées et organisées pour vous punir sur les ballons de relance... on en prend au minimum 40.
A mon sens, pour sortir le XV de France de ses difficultés il faudrait :
- Revoir notre système de formation : création de pôles régionaux sous contrat avec la Fédération, dans lesquels les jeunes joueurs prometteurs (14 à 18 ans) feraient 50% de leur temps avec leur club formateur et 50% avec la FFR pour travailler des aspects de technique individuelle et collective. Avec l'appui et le recrutement de consultants techniques extérieurs (anciens joueurs professionnels, techniciens étrangers)
- Revoir le fonctionnement de notre élite : ramener le TOP 14 à 12 clubs, supprimer à minima les barrages (au profit de simples demies finales / finale) pour gagner des jours/semaines de travail avec l'équipe nationale.
- Resserrer le championnat sur moins de journées, pour disposer d'une plage complète de travail pendant le tournoi des VI nations
- Placer les joueurs "élites" sous contrat avec la Fédération : 70% du salaire payé par le club, 30% par la Fédération. Une quarantaine de joueurs identifiés comme faisant partie du groupe France sont disponibles à 70% pour leur club (matchs et entraînements) et à 30% de la saison pour l'équipe de France (donc possibilité de sauter des matchs de clubs au profit de stages avec l'équipe de France + matchs).
- Faire venir des consultants extérieurs auprès du XV de France pour un suivi toute l'année des joueurs concernés par ce contrat élite : jeu au pied, technique individuelle, diététique, programme physique, coaching mental. On les suit toute l'année au sein de leurs clubs respectifs avec une journée tous les 15 jours/3 semaines pour faire un bilan et leur donner des exercices supplémentaires sur les points faisant défaut. Il faut que les joueurs prennent conscience de l'investissement et du devoir que représente le statut de joueur international.
- Pour le sélectionneur au début du mandat : définition de ce groupe de 40 joueurs, révisable UNE FOIS au cours du mandat (ajout/retrait de joueurs annoncé aux clubs plusieurs mois avant le changement). Annonce d'un projet de jeu complet aux joueurs concernés en début de mandat avec feuille de route individuelle et collective + lancements de jeu.
On évite les turnovers incessants et les essais de joueurs en cours de mandat (l'équipe de France doit se mériter sur le long terme, on ne peut pas être international après 3 bons matchs de club...). On fixe un vrai socle de joueurs qui va travailler et progresser collectivement pour arriver à maturité lors de la coupe du monde, tout en ayant un vrai vécu commun et des références (matchs vécus ensemble, vie de groupe) sur lesquels s'appuyer.
La vie c'est long, surtout vers la fin.