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L'analyse de Renaud Bourel après France-Australie : « Un quinze en phase ascendante, sûr de sa force »
Large vainqueur de l'Australie, dimanche, le quinze de France solde en beauté sa campagne préparatoire à la Coupe du monde. Il s'engage vers son Mondial armé d'une confiance rarement atteinte avant un grand événement.
À moins d'appartenir à une confrérie de platistes, et donc de douter de toutes les évidences par principe, ce que l'on sait ce matin, c'est que ces Tricolores sont prêts. Peut-être comme ils ne l'ont jamais été à l'orée d'une Coupe du monde, leur Coupe du monde, et d'un match d'ouverture grandiose. Est-ce la garantie qu'ils atteindront le dernier carré sans transpirer ? Absolument pas. Est-ce qu'on les préfère dans ces souliers-là plutôt que ceux, au hasard, des Anglais ? Absolument. Petite incise, au passage, à l'attention des complotistes cette fois : aucun joueur français n'a été maltraité au cours de ce dernier match.
Cet ultime test contre l'Australie devait permettre de mesurer une forme de montée en puissance après un revers en Écosse (21-25), au début du mois, et deux succès poussifs sur ces mêmes Écossais (30-27) puis contre les Fidji (34-17). Dimanche, les Français ont quitté Saint-Denis après avoir passé 41 points aux Australiens, Melvyn Jaminet (entré à la 69e) se chargeant d'envoyer le message par ballon-sonde, des 50 mètres de face, pour faire le tour de la planète. L'impression laissée par la performance globale n'est pas aussi fracassante que celle des Sud-Africains concassant les All Blacks sur la pelouse de Twickenham vendredi (35-7).
Elle pose néanmoins un quinze de France en phase ascendante, sûr de sa force et dont certaines individualités ont déjà pris rendez-vous pour les semaines à venir. De Penaud qui inscrit un nouveau doublé (56e et 74e) et propulse son compteur personnel à 29 essais en 44 sélections à un Antoine Dupont toujours prompt à électrocuter son équipe en phase de somnolence, d'une pénalité vite jouée à la main (53e) ou d'une merveille de passe-dé' au pied (57e).
Cadres et aspirants ont fait mieux que répondre présents
Il y a ceux, surtout, qui étaient dans le viseur de l'encadrement et jouaient leur place pour la grande soirée du 8 face aux All Blacks. À l'image de Jonathan Danty, colossal au milieu du terrain, alors qu'il marquait le pas, surtout sur ses fins de match, depuis un bon bout temps. De Matthieu Jalibert, bien sûr, propulsé leader de l'attaque française à la suite de la blessure de Romain Ntamack.
Le Bordelais a été d'une sobriété et d'une propreté remarquables avant d'allumer deux pétards dont il a le secret. Soulignons encore l'entrée de Cameron Woki, injecté en deuxième ligne (48e) histoire de pourrir la vie d'un alignement australien jusque-là assez tranquille et venu immédiatement cueillir deux munitions destinées à un autre. Cadres et aspirants ont fait mieux que répondre présents dans les temps et c'est encore plus rassurant.
L'ampleur de ce succès (41-17), le second plus large de l'histoire sur l'Australie après le 33-6 de novembre 2012, décrit l'écart qui existe à l'instant T entre les deux nations, mais il ne dit pas tout, non plus, du profil de la rencontre. Car il y a eu deux visages à cette équipe de France. L'enchanteur des trente dernières minutes : les solutions trouvées dans le dos des défenseurs adverses après le carton jaune de Vunivalu (52e), les espaces magistralement exploités, ces trois essais en vingt minutes venus hystériser un stade qui n'attendait que cela.
Et puis cinquante premières beaucoup moins emballantes. Tout avait pourtant commencé tambour battant, Danty plantant une première dague dans la cuirasse dorée des Wallabies (7e) derrière une impeccable combinaison en touche, avant que le rythme ne s'effondre d'un coup. Une mi-temps passée à taper dans le mur d'en face, à base de jeu à une, au mieux deux passes, sans parvenir à créer de véritables avancées. C'est qu'à force d'envoyer toujours ces gros caractères, on devient vite très lisible et, osons-le, un petit peu chiant.
Et puis à rebours du résultat final, on se dit qu'il faut aussi aimer ces manières de construire son match sans chercher à divertir. Cette ode à la lenteur qui dit à l'adversaire : « Nous, on a le temps. Et vous, vous avez quoi dans le ventre ? » Du déjà-vu dans ce mandat qui prévient les éventuelles terreurs nocturnes. D'autant que le poison de l'usure a fini par faire son office face à des Wallabies, il est vrai, franchement friables.
Des axes de progression connus
Ce qui fait penser que l'équipe de France devra quand même être capable d'autre chose, quand le ton va sérieusement monter en Coupe du monde, c'est qu'elle s'est fait une spécialité d'exploiter les ballons rendus par ses adversaires. C'est même une base de ses succès les plus probants. Or les autres semblent avoir pris le parti de la conservation, longue durée et lointaine. Les Néo-Zélandais avaient impressionné dans ce registre en dominant largement les Springboks (35-20), lors du Rugby Championship de juillet, avant que les champions du monde en titre ne leur rendent la pareille, à l'entrée de ce dernier week-end.
À onze jours du grand rendez-vous, croyez bien que l'encadrement tricolore ne découvre rien. Il est là où il voulait être et où il avait annoncé qu'il serait, il connaît ses axes de progression. Il lui tarde simplement, et nous avec, d'enfin basculer dans la compétition.