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Une ambition en partage
Entre Lyon, qui rêve de remporter un premier titre, et Toulon, revenu de nulle part pour assumer son statut, cette finale, dont le RCT partira favori, préfigure une belle promesse de jeu. patrick Sowden
Avant une finale, c’est la règle, chacun y va de son pronostic. Et à ce jeu-là, il n’y a pas vraiment de match : Toulon est le grandissime favori. Si Christophe Urios a estimé dans les colonnes du Progrès qu’il miserait bien une petite pièce sur une équipe que son UBB a balayée le week-end dernier en Top 14 (42-10), sa voix ne risque pas de couvrir le chœur qui voit l’armada toulonnaise remporter enfin la Challenge Cup après trois échecs en finale (2010, 2012 et 2020).
Les voix lyonnaises (le club en espère entre 4 000 et 5 000) auront elles aussi de la peine à se faire entendre dans un Stade-Vélodrome où les habitués de Mayol vont se déplacer en masse. Ils en ont l’habitude lors des grandes occasions ; la dernière fois, c’était le 23 avril, pour y battre Toulouse.
À l’avantage du terrain s’ajoute celui de l’expérience. Lyon va disputer sa première finale (après deux échecs dans le dernier carré du Top 14 en 2018 et 2019) et tenter de décrocher un premier titre.
« Une victoire validerait beaucoup de travail depuis plusieurs années, a estimé Pierre Mignoni (lire page 25), qui vit ses derniers moments au LOU après sept ans passés au club et qui avait fait de cette compétition un objectif dès le début de la saison. Un titre, c’est important dans la construction d’un club. Ce serait top pour l’avenir. Cela permettrait aux joueurs, à qui je répète souvent qu’ils sont capables de faire des choses incroyables, de prendre encore plus conscience de leur potentiel. »
D’un côté, Lyon veut transcrire son ambition en lettres d’or sur un palmarès ; de l’autre, Toulon rêve d’ajouter un nouveau chapitre à sa riche histoire. S’il a perdu ses trois finales de Challenge, le RCT a remporté les trois qu’il a disputées en Champions Cup (2013, 2014, 2015). Un sacre et il rejoindrait Bath, le Leinster, les Northampton Saints et les Wasps, seuls clubs à avoir remporté les deux coupes d’Europe.
“C’est kiffant, deux clubs français face à face dans un stade magnifique !
Pierre Mignoni, manager du LOU
Mais avant d’entrer dans les livres, il y a un match à jouer. Et là encore, la dynamique est toulonnaise. Depuis trois mois, les joueurs de Franck Azema, qui a remplacé Patrice Collazo en octobre, volent.
Après un début de saison catastrophique – en début d’année, sur la Rade, on se préoccupait davantage de maintien que d’honneurs –, les Toulonnais renversent tout avec la force et la soif de vivre de ceux qui savent d’où ils reviennent.
Les individualités – et il y en a dans cette équipe ! – ont retrouvé leur stature de leaders à l’image d’Etzebeth et Carbonel qui veulent partir par la grande porte, de Villière dans la continuité de son Tournoi des Six Nations, du guide Ollivon revenu de sa blessure ou de Kolbe, retrouvé et qui tiendra sa place ce soir. Toulon, tombeur de l’ogre Saracens en demi-finales de Challenge, est sur une série de six victoires en Top 14 et sera en phase finale s’il s’impose face au Racing 92 lors de la dernière journée. Qui aurait pu imaginer une telle remontée il y a quelques semaines ?
Dans le top 6 depuis le début de saison, le LOU en a été chassé d’un coup de pied au cul par... Toulon le 2 avril à Gerland (10-43), de quoi alimenter une envie de revanche. Un « traumatisme », de l’aveu même des Lyonnais, qu’ils ont su surmonter avant une rechute à Bordeaux, le week-end dernier, qui a rappelé l’instabilité d’une équipe dont les individualités (Tuisova, Berdeu, Couilloud, Taofifenua ou le dynamiteur Niniashvili) sont capables de renverser n’importe quel adversaire pour peu qu’elles jouent au diapason. Pour eux aussi, la phase finale est encore envisageable, mais il faudra pour cela une victoire bonifiée face à La Rochelle lors de la dernière journée.
C’est une finale « et une finale, ça ne ressemble à aucun autre match, résume Pierre Mignoni. Avec Toulon, j’en ai perdu quand on était favoris, et inversement ». Mignoni et Azema ont pris soin chacun de leur côté d’amener leur équipe au jour J, à l’heure H avec le maximum de décontraction « pour ne pas jouer la rencontre avant le coup d’envoi », dixit le manager lyonnais, qui balaie la pression du résultat : « Jouer ce genre de match, ce n’est que du bonheur, que du plaisir ; c’est kiffant, deux clubs français face à face dans un stade magnifique. »
L'Equipe