Information
Suspecté d'avoir percé la bulle sanitaire, Fabien Galthié face à la colère des Bleus
Le sélectionneur est la cible d'un profond agacement en interne, où beaucoup savent qu'il a percé la bulle sanitaire. Et la désignation, par Serge Simon, du préparateur physique comme patient zéro n'arrange pas l'ambiance.
« C'est la merde ! » Ce message reçu ce mardi en provenance de Marcoussis traduit de façon assez claire l'atmosphère crispée et pesante qui règne au domaine depuis plusieurs jours. « Ce que je pense de la situation ? On se fout le bordel tout seul, voilà. Si on se retrouve avec onze ou douze cas aujourd'hui, c'est qu'on a déconné quelque part », poursuivait une autre voix de l'intérieur. Le temps n'est pas à l'accablement à Marcoussis. On ne maudit pas le mauvais oeil, on ne blâme pas la faute à pas de chance ou la poignée de porte contagieuse. Le temps a tourné à l'énervement.
La désignation par Serge Simon, dans les colonnes de Midi Olympique, d'un des préparateurs physiques comme étant le patient zéro identifié agace profondément en interne, dans le staff comme parmi les joueurs. C'est un premier élément expliquant la montée de la tension au CNR. De l'avis général, le préparateur physique, certes premier cas avéré le lundi 15 février, n'a jamais enfreint le protocole et se retrouve à une place qui ne devrait pas être la sienne.
Si cette communication dérange, c'est aussi parce qu'elle dissimule autre chose. D'après de nombreuses sources en interne, la bulle a été percée par celui qui a été déclaré cas suspicieux ce même lundi 15, Fabien Galthié en personne, pendant la semaine de préparation à Irlande-France, alors que tout le groupe avait pour consigne de se calfeutrer entre les murs de Marcoussis.
Il n'est évidemment pas possible de relier cette infraction au protocole sanitaire à la déclaration du foyer épidémique au sein du quinze de France qui a touché onze joueurs (Dupont, Haouas, Vincent, Marchand, Baille, Dulin, Romain Taofifenua, Mauvaka, Pesenti, Ollivon, Villière) et quatre membres du staff (Galthié, le préparateur physique, Servat, Ghezal). En revanche, la sortie du sélectionneur contreviendrait au protocole discuté et négocié avec le ministère des Sports pour permettre la tenue du Tournoi à un moment où il était plutôt question de reconfiner le pays.
Contacté par nos soins ce mardi soir, Fabien Galthié nous a répondu : « Tous mes agissements sont conformes au protocole sanitaire. Je ne comprends pas ces accusations non justifiées. » En interne, le récit n'est pas du tout le même.
Le 14 février, Bernard Laporte écrivait sur Twitter : « Le protocole qui a fait ses preuves à la Coupe d'Automne des Nations sera encore renforcé. Nous serons exemplaires. » Si la bulle n'a pas été protégée par celui dont on attend qu'il soit irréprochable, la question de l'exemplarité en prend un sérieux coup. Parce que Galthié se trouve au plus haut niveau de la pyramide et qu'il a fondé une grande partie de son programme sur le respect dû au fameux cadre de vie, à la responsabilité attachée à la sélection. C'est lui qui a choisi de mettre toutes ces notions en scène au tout début de son mandat en laissant par exemple France Télévisions filmer et diffuser plusieurs de ses entretiens avec quelques joueurs sur ce thème. Ces images avaient fait beaucoup de tort à Wenceslas Lauret, le troisième-ligne du Racing, devenu le symbole du joueur réfractaire au cadre.
Aujourd'hui, en interne, on cite cette scène avec Lauret et on en veut à Galthié d'avoir lui-même transgressé ce pacte. On parle d'une loyauté blessée. Au ressentiment se mêle aussi l'inquiétude, pour les personnes touchées, d'infecter leurs proches, leurs propres familles, comme cela a pu être possible lors des quatre jours à la maison la semaine dernière. Depuis un an, chacun est prêt à accepter la part de risque non maîtrisable liée au Covid. Y ajouter la menace d'un risque évitable, c'est une autre histoire.
Sans connaître les conséquences qui pourraient découler de ce protocole brisé, difficile d'imaginer les traces que laissera cet épisode dans la vie de ce quinze de France et pour la suite du mandat de son sélectionneur. Jusqu'ici, tout allait bien. Cette équipe gagnait des coeurs et du crédit, gagnait à Rome et à Dublin. Certains lui promettaient le premier Grand Chelem français depuis 2010. À présent, au vu des différents retours, on ne sait plus que penser.
Laporte et Simon peuvent difficilement ne pas être au courant
Qu'a dit, de cet épisode Galthié, le président de la FFR Bernard Laporte à la ministre Roxana Maracineanu lors de leur entretien téléphonique de lundi ? Quel est exactement son niveau d'information concernant ce qui cristallise aujourd'hui le ressentiment général ? On peut supposer que la présence du vice-président et Covid manager Serge Simon dans le quotidien du quinze de France depuis le début du Tournoi peut difficilement laisser les deux patrons de la FFR en dehors de ce qui se dit et se partage. D'où l'agacement ressenti face à la désignation par Simon du préparateur physique comme le patient zéro.
Nous l'avons déjà écrit, la vision de joueurs chez le marchand de gaufres dans les rues de Rome nous avait alertés sur l'imperméabilité de cette bulle. Il est certain que les entraînements avec l'équipe de France à 7, dans les jours précédant le match contre l'Irlande, ne sont pas la seule raison possible de l'entrée du Covid dans le groupe France. Ses conséquences sont importantes. Et on ne peut que constater que plus ça ne va pas et plus la transparence semble se rétracter. Aucun communiqué de presse de la FFR n'a informé qu'au moins un des deux cas suspicieux mentionnés par la FFR lundi s'était transformé en cas positif. Il n'a pas été non plus précisé que tous les cas ne sont pas restés asymptomatiques, puisque nous savons qu'au moins une personne a dû être transportée pour un aller-retour à l'hôpital car elle ne se sentait pas bien.
Pendant ce temps, une équipe de France dépourvue de huit titulaires du début de Tournoi (Dupont, Vincent, Ollivon, Dulin, Villière, Baille, Marchand, Haouas) se prépare pour affronter l'Écosse dimanche dans des conditions plus que particulières (voir par ailleurs). Mardi, l'entraînement s'est déroulé en deux temps, sans contact et sans ballon. Du travail physique le matin et des répétitions à blanc de situations d'attaque et de défense l'après-midi. Quelques moments volés à cette bulle de nerfs.