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Gabin Villière
LE TOURBILLON PERMANENT
Ailier au profil atypique, Gabin Villière multiplie les tâches sur le terrain. Une caractéristique et un caractère qu’il assume et que tout le monde lui conseille de garder. Thomas Perotto
Voilà donc un garçon qui vous fiche le tournis dès que vous cherchez à le pister et comprendre ce qu’il fabrique sur un terrain. Son poste, ailier, et sa zone dévolue, le couloir gauche, ne sont en fait que des prétextes. L’international français (3 sélections, 25 ans) est tout l’inverse du finisseur calfeutré le long de sa ligne de touche. Multitâche, homme à tout faire, tourbillon permanent, tel est Gabin Villière. « Quand on a un peu moins de ballons d’attaque, il faut trouver d’autres secteurs où on peut participer et être utile à l’équipe », avoue timidement l’intéressé.
« Son profil, hyper-déterminé, hyper-combatif, est différent des autres, souligne l’ancien ailier des Bleus Vincent Clerc (lire ci-dessous). Il a une grosse activité, il est partout. Il ne lâche pas sa proie quand il a décidé quelque chose. » Capable de marquer des essais (7 toutes compétitions confondues cette saison), l’ailier toulonnais étonne surtout par sa capacité à se muer en gratteur, en premier soutien à des endroits inattendus, en réceptionneur sur les coups d’envoi, en plaqueur de dernier recours.
« Chez nous, c’est une consigne. On lui demande d’énormément bouger, il peut utiliser son punch, son raffut et créer des déséquilibres. Physiquement, il est très fort car très sec », décrypte Julien Dupuy, son entraîneur au RCT en charge des skills et du jeu d’attaque.
Lors de la finale de la Coupe d’automne des nations, le 6 décembre (22-19, a.p.), une action résume le personnage : sur une touche mal négociée par l’alignement français à la 68e minute, Villière se retrouve à capter le ballon après une déviation brouillonne de Rodrigue Neti. Dans la foulée de son passage par le sol, l’ailier file se replacer dans le côté fermé. Vingt secondes plus tard, il est déjà à la réception d’un jeu au pied de pression de son demi de mêlée Baptiste Couilloud. Il plaque l’Anglais Anthony Watson, se met vite très bas sur ses appuis pour poser ses mains sur le ballon et récupérer une pénalité. Royal.
« Ce n’est pas une demande particulière des entraîneurs, expliquait-il dans L’Équipe après la finale perdue face au quinze de la Rose. C’est un peu mon profil de joueur qui veut ça. J’aime bien courir, aller chercher des espaces, couvrir le fond du terrain, aider les gros dans les rucks parce que ce n’est pas évident pour eux d’enchaîner les tâches et de rester lucides. » Quand politesse et hyperactivité se rejoignent…
Une volonté de toujours faire quelque chose
Face aux Italiens ce week-end, à 14 reprises, il s’est invité dans ces fameux rucks (voir infographie page 21) pour gêner les sorties de balles italiennes ou favoriser la libération des siennes. « Il y va de manière intelligente. On voit qu’il a travaillé la lecture des bords de rucks. Il aime ça. C’est un profil qui change un peu du paysage rugbystique traditionnel à ce poste, c’est vrai », nous expliquait l’automne dernier Nicolas Leroux, l’entraîneur adjoint de l’équipe de France à 7, où Villière s’est aguerri en 2019. « À sept, tous les joueurs sont obligés d’aller dans les rucks, ajoute son ancien coéquipier Pierre Mignot. Gabin aime ça. C’est un combattant, il est hargneux, il adore le contact. Et il ne faut pas aller se chamailler avec lui car il a du répondant. »
Son énergie débordante se traduit sur la pelouse par une volonté de toujours faire quelque chose. Le Toulonnais de 25 ans ne sait pas rester en place. Il cherche des yeux le ballon, tente d’accompagner le mouvement, en retrait de la ligne d’avantage, prêt à se précipiter dans un ruck ou se proposer à hauteur. « C’est quelqu’un de très généreux sur le terrain, reconnaît Dupuy. On discute assez souvent de rugby, on échange un max sur son rôle. Il a besoin de bouger, mais il est très simple à entraîner. Sa progression est fulgurante. »
Offensivement, il n’est pas en reste non plus. Son passé de septiste et son rôle d’électron libre sur le terrain lui permettent de négocier les ballons de relance ou les changements de possession avec aisance. « Dans ce cas-là, il faut être capable de vite basculer et d’être excité à l’idée de jouer ces ballons, explique Villière. Ces actions peuvent mener assez facilement à des essais en quelques passes car la défense n’est pas toujours prête et bien placée. »
Face à l’Italie, cette fois pendant la Coupe d’automne des nations fin novembre (36-5), il avait marqué son premier essai en bleu sur un ballon perdu par l’alignement adverse et une course tranchante en plein milieu de la défense. Être prêt à être partout, tout le temps. Le tourbillon permanent n’a pas fini d’étonner.
L'Equipe