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Eben Etzebeth « JE NE VEUX PAS ÊTRE VU COMME UNE SUPER STAR »
Le deuxième-ligne sud-africain, présenté hier après-midi au siège du RC Toulon, a accordé une interview à « L’Équipe » jeudi, à l’occasion de sa première soirée en France. Il est revenu sur son choix de jouer en Top 14 et ses ambitions dans le Var. De notre envoyé spécial
Arnaud Requenna Toulon – Pour sa première soirée toulonnaise, jeudi, Eben Etzebeth n’a pas connu de dépaysement. Dans un restaurant du Mourillon où nous l’avons retrouvé, il s’est attaqué à de solides côtes de bœuf tout en discutant en afrikaans, sa langue maternelle, avec Marcel Van der Merwe, le pilier droit du RCT.
Les deux hommes sont tombés dans les bras l’un de l’autre : sur ses sept sélections avec les Springboks, Van der Merwe en a connu six avec Etzebeth juste derrière lui. Ça tisse des liens. Très vite, le récent champion du monde avec l’Afrique du Sud, fantasme de Mourad Boudjellal depuis des années, a demandé des renseignements sur le club pour ne pas perdre de temps. « Premier numéro de téléphone que tu dois récupérer, celui de Justine, la team manager », a répondu Van der Merwe.
Welcome @EbenEtzebeth ! Notre champion du Monde est arrivé 朗 pic.twitter.com/BiaY5aJind
— RCT - RC Toulon (@RCTofficiel) November 28, 2019 Arrivé du Cap trois heures plus tôt à l’aéroport de Marseille, où le président Boudjellal l’attendait, Eben Etzebeth est de bonne humeur. Il évoque sa villa face à l’océan au Cap, la nécessité pour lui de vivre le plus souvent près de la mer, « même si je ne surfe pas car je suis trop lourd ! ». Belle gueule, voix grave, il a accordé sa première interview de joueur toulonnais (il le sera officiellement dimanche) à L’Équipe, avant d’être présenté au siège du club, hier. Entre-temps, il a pris possession de sa maison en bord de mer.
« Vous êtes le septième Springbok champion du monde à rejoindre le RCT (*)... C’est agréable d’arriver à Toulon après des gars comme Bryan (Habana), Bakkies (Botha), Victor (Matfield)… J’ai bien sûr discuté avec eux de Toulon, du club. Et aussi beaucoup avec Duane (Vermeulen), avec qui je joue en sélection, qui n’avait pas encore gagné la Coupe du monde lorsqu’il jouait ici. Au Japon, pendant le Mondial, j’ai croisé de nombreux ex-Toulonnais comme Wilkinson, Nonu… On a échangé et j’ai écouté tout ce qu’ils me disaient.
Ce n’est pas votre première expérience à l’étranger, vous avez joué au Japon après la Coupe du monde 2015. Pourquoi la France, pourquoi Toulon cette fois ? J’ai effectivement joué au Japon en 2015. Mais, depuis longtemps, quand j’étais un plus jeune joueur et que je regardais les matches de Toulon, c’était l’équipe qui me plaisait, avec toutes ces superstars. On ressentait quelque chose dans ce groupe, qui a remporté trois fois la Coupe d’Europe de suite (2013,2014,2015). Je me disais que faire partie de cette équipe spéciale devait être quelque chose. Pour ce nouveau départ d’Afrique du Sud, j’ai pensé que ce serait la meilleure destination pour moi à l’étranger.
Les gens à Toulon aiment, adorent plutôt, les joueurs rudes comme vous. Bakkies Botha, par exemple, était un dieu à Mayol… Oui, je sais ça. J’ai compris que les supporters ici aiment les gars comme Bakkies, Duane, d’autres Sud-Africains. C’est bien, et je suis heureux de m’inscrire dans cette lignée au RCT.
Le rugby français, actuellement, est en quête d’identité. Quand on voit jouer les Springboks, qu’ils gagnent ou qu’ils perdent, ils sont toujours les mêmes… Définitivement. Chez les Springboks, traditionnellement on joue physique. Il y a deux, trois ans, on perdait beaucoup de matches, on n’était pas bons, mais on a gardé notre ligne. La France, puisque vous en parlez, est une bonne équipe qui peut bien jouer, trouver son style.
Tout le Top 14 attend de vous que vous jouiez comme un grand Springbok, physique, rugueux. Vous savez cette impatience ? Je comprends ça, évidemment. Tous les gars de la sélection, pendant la Coupe du monde, parlaient de cette attente de nos nouveaux clubs, que ce soit Handré Pollard à Montpellier ou moi. On savait exactement ce qu’on attendait de nous en France : être performants, montrer à nos nouveaux clubs le meilleur de nous-mêmes en restant nous-mêmes.
Qu’avez-vous fait depuis le succès en Coupe du monde, le 2 novembre ? Beaucoup de célébrations ! Mais j’ai aussi passé beaucoup de temps en famille, avec mes parents et mes frères, ma petite amie, car je savais qu’un mois plus tard je partais pour Toulon. J’ai passé du bon temps, c’était sympa mais, maintenant, je reprends le business. Il me tarde de rejouer, dès le week-end prochain.
Qu’attendez-vous de cette expérience toulonnaise ? Gagner des titres ? Oui. Pendant le Mondial, et après, j’ai suivi le parcours de Toulon, son classement en Top 14, le Challenge européen. Je m’attends à jouer des matches durs chaque week-end, avec l’objectif de jouer le Rugby Championship l’année prochaine avec les Springboks. Je ne suis pas là seulement pour jouer, mais pour gagner. Ça va être bien, j’en suis persuadé.
Pas mal ce maillot non @EbenEtzebeth ? 朗 pic.twitter.com/S2DHlsvPJe
— RCT - RC Toulon (@RCTofficiel) November 28, 2019 Vous avez seulement 28 ans et vous venez de remporter la Coupe du monde. Toulon, ce sera pour vous des vacances, du bon temps ? Non, non, non (il rit). Je veux évidemment continuer à jouer pour l’Afrique du Sud, jusqu’en 2023, pour essayer de gagner une autre Coupe du monde. Donc, il faut que je conserve mon niveau. Je ne suis pas fatigué. Mais je veux également remporter d’autres trophées. Je vais m’engager à fond et essayer d’aider Toulon à remporter le Top 14 et, pourquoi pas plus tard, la Coupe d’Europe.
Vous connaissez quelques deuxième-ligne du Top 14 ? (Ennuyé.) Euh… Pas beaucoup… De nombreux joueurs passés par Toulon – on pense en particulier à Carl Hayman – ont découvert que le Top 14 n’est pas un Championnat très rapide mais une guerre hebdomadaire. Je comprends très bien ce qu’ils veulent dire. J’ai vu que, effectivement, le jeu ici est assez lent, mais très physique, dur.
Avez-vous une appréhension quelconque avant cette aventure toulonnaise ? Non. La seule chose qui m’anime, c’est une grande excitation de montrer ce que je sais faire. Je suis très excité à l’idée de rencontrer les joueurs, puis de commencer à m’entraîner la semaine prochaine et de jouer.
Vous étiez un grand joueur lorsque vous avez signé à Toulon, en décembre 2018. Vous êtes désormais champion du monde et la superstar du Top 14. Est-ce une responsabilité particulière ? Je ne veux pas trop penser à ça, je ne suis qu’un joueur parmi d’autres du Top 14. C’est une responsabilité, peut-être, mais je ne veux pas être vu comme une super star. Je veux juste commencer à jouer pour Toulon, récolter beaucoup de victoires et un ou deux trophées, être le meilleur pour l’équipe.
Le titre de champion du monde a-t-il changé quelque chose pour vous ? Oui. Déjà, il a rendu heureux de très nombreux Sud-Africains. On les a croisés très joyeux.
Est-ce le plus fort de vos trois titres de champion du monde (1995, 2007, 2019) comme certains anciens l’affirment ? Je l’ai entendu dire, oui. (Exalté.) Pour moi, c’est un moment où la vie et le rêve se rejoignent. »
(*) Victor Matfield, Bakkies Botha, Juanne Smith, Dannie Rossouw, Bryan Habana, J.P. Pietersen. Duane Vermeulen a été champion du monde après son passage au RCT (2015-2018).