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IL VIVENT OÙ TU VIENS EN VACANCES; À Callelongue, le temps suspendu des anciens et néo-cabanonniers; Dernier hameau avant les calanques, Callelongue perpétue l'esprit des Marseillais amoureux de la mer. Malgré l'affluence touristique parfois difficile à absorber pendant l'été, la légèreté demeure.
Assises de chaque côté d'une grande table en bois, Verranne et Maëlys, deux voisines trentenaires, dégustent café, brioche et confiture, tout en papotant à l'ombre de la tonnelle qui recouvre la traverse de Callelongue (8e). "C'est comme ça tous les matins, sourit Maïlys. Ici, on vit un peu en communauté, avec chacun son cabanon." Arrivée "un peu par hasard" dans ce petit paradis situé au bout du monde, terminus de la route du littoral et départ de nombreuses promenades, cette Toulousaine ne le quitterait pour rien au monde. "C'était en 2019. Je venais de trouver un nouvel emploi à Marseille. J'ai vu une annonce de location de cabanon sur le site Leboncoin. J'ai débarqué avec mon camion, ma moto, ma guitare... Et depuis je vis ici !", raconte en riant la jeune femme.
Au printemps, cette cadre dans une grande entreprise a donné naissance à son premier enfant. Son amie attend le sien pour bientôt. "Il va bientôt y avoir six enfants à l'année ici", comptent, ravies, les deux copines, qui ont déjà aménagé leur intérieur en conséquence : "On a chacune 24 m², avec une petite mezzanine. On peut vivre à quatre. Ça suffit. Ici, de toute façon, on vit dehors presque toute l'année." Leurs deux bateaux sont amarrés quelques mètres plus bas, dans le port. "Ils sont là, juste en bas, montre Verranne, depuis la route devant chez elle. Pour vivre ici, il faut un bateau. Sinon, l'été, il y a trop de monde." Dès les beaux jours, alors que les randonneurs s'attaquent à la colline qui mène à la calanque de Marseilleveyre, elles grimpent dans leur petit navire, direction la grande bleue et la liberté.
50 personnes à l'année
"Callelongue, résume Yves Riva, le président de la société nautique, c'est le petit bateau dans le port, la pêche, la pétanque, et les apéros !" "Et la baignade tous les jours, des sorties paddle en commun, les repas ensemble...", ajoute Verranne, qui précise : "Et l'hiver, c'est la coinchée et les fléchettes." Une cinquantaine de personnes vivent dans ce petit hameau à l'année, quatre fois plus l'été, "et très peu de gens ont la télé", souligne la future maman. Les jeux vidéo ne sont guère plus prisés.
Des triplettes de boules à la main, Baptiste, 12 ans, Théo, 12 ans, et Maxence, 9 ans, se dirigent vers le terrain de pétanque du centre nautique, "la place du village", précise Guy Barotto, le président du CIQ. "Les écrans, c'est un peu quand il fait très chaud. Mais sinon, ici, on joue à la pétanque, on se baigne, on se cache... Il y a des jours, on voit à peine les parents de la journée", se réjouissent nos trois jeunes inséparables.
À Callelongue, les générations se succèdent, mais la machine à souvenirs ne change pas. "Enfants, on se baignait à la petite plage du port, puis, quand on a su nager, on allait un peu plus loin, au quai. On partait aussi souvent se promener à la calanque de Marseilleveyre ou on montait aux grottes, juste au-dessus", se remémore, avec nostalgie, Michèle, 81 ans, qui passe désormais six mois sur douze dans son cabanon. Après avoir offert le café à la tablée, sa voisine d'en face, Dany, 66 ans et "six générations de cabanon", raconte : "Nous, c'était le goûter de la grand-mère de Marinette. Elle vivait ici et elle adorait les enfants. Elle nous emmenait tous goûter au vallon, à l'entrée des grottes. On adorait aller avec elle. On partait aussi nager à la Baie des singes ou aux Goudes à pied, ou sur l'archipel de Riou." Quelques décennies plus tard, c'est avec son fils et sa petite fille que cette jeune retraitée profite du cabanon familial. "C'est mon arrière-grand- père qui l'a loué le premier. On l'a gardé et, petit à petit, on l'a amélioré."
Le cabanon se modernise : eau, électricité, tout-à-l'égout
Au fil des ans, ces cabanons, pour la plupart aménagés dans les bâtiments de l'ancienne usine de produits chimiques Weiss qui a fermé en 1884, ont gagné en confort. "Quand j'étais petite - je viens ici depuis 1954 - on partait chercher l'eau aux Goudes, avec la voiture et les bidons", se souvient Michèle.
Dany, 66 ans, s'en amuse encore : "Nous, on allait chercher l'eau à la citerne, mon père avait installé une pompe à eau et on se lavait dans une grande bassine. Et les toilettes, elles étaient dehors, il fallait y aller avec un seau."
Astiqué avec soin - "Je suis maniaque", dit-elle -, sa maisonnette dispose aujourd'hui de deux jolies pièces, a l'eau, l'électricité et le tout-à-l'égout. Elle n'en a pas moins gardé son âme et pour rien au monde, Marie, sa petite-fille de 6 ans, ne manquerait "l'été au cabanon de mamie".
Piliers de la calanque, Guy, le président du CIQ et Yves, celui de la Société nautique, ont à coeur "de maintenir l'esprit Callelongue, qu'on se connaisse tous, les plus anciens, les plus jeunes...".
Repas des cabanonniers, concours de boule adultes et enfants, paella, loto... Toutes les occasions sont bonnes pour se retrouver. Et, tant pis, si parfois, ça "taille". "On a même un muret dédié à la taillade !, plaisante Guy. On s'assoit là, au-dessus du port, on regarde les gens passer et on critique. Et quand l'un de nous passe, on lui demande : 'Tu t'en vas ou tu reviens ?', pour pouvoir le critiquer quand il part. Mais, attention, ce n'est jamais méchant."
À ce moment-là, passe justement Monique, dite "la chariote", qui revient des courses avec son chariot. Aussitôt, la conversation s'engage. On parle de tout, de rien, pour le plaisir de parler. Mais midi approche et le soleil commence à taper fort. Il est temps d'aller prendre l'apéro au bar resto de La grotte, face à la mer, si près, si loin de Marseille.
La Provence