Les voyous du poulet industriel, de Tricatel à Beulin
De quoi voler dans les plumes des voyous qui nous grugent, nous mentent et nous intoxiquent. Laminés par la concurrence déloyale de pays producteurs de volailles industrielles qui inondent le marché européen avec leurs immondices à bas prix, les éleveurs français dépérissent. M6 diffuse dimanche soir, dans l’émission Capital (1), un terrifiant reportage nous rappelant que si la France demeure le pays du poulet de Bresse et de quelques labels rouges de renom servis sur les bonnes tables, le gros du marché porte sur des volailles produites dans des conditions abominables pour répondre aux prix écrasés de la grande distribution.
Des hangars concentrationnaires français où les volatiles contaminés croupissent dans la vermine et leurs excréments jusqu’aux usines à poulets brésiliennes où l’on fabrique de la chair blanche comme des boulons, les caméras de M6 sont allées fouiller dans les tréfonds d’un système épouvantable. Le mythe du film de Claude Zidi, L’Aile ou la cuisse, avec Coluche et Louis de Funès découvrant horrifiés une machine, dans une usine dirigée par un certain Jacques Tricatel, moulant des poulets avec de la pâte sortant d’un tube s’est fait réalité. Que les pourvoyeurs de malbouffe se rassurent, notre époque n’a pas à rougir des fantasmes de la conso fiction de 1976, elle est pire. Saturé d’antibiotiques pour cause de promiscuité, le poulet industriel consommé à grande échelle rend certaines bactéries résistantes aux traitements médicaux et provoque de plus en plus de décès. Des faits graves, étayées par le témoignage de médecins et de scientifiques confrontés à des situations alarmantes.
Mais la bombe explose quand les enquêteurs de Capital, remontant la filière importatrice de poulets industriels brésiliens ou asiatiques vers la France, ruinant au passage les éleveurs français impuissants, arrivent jusqu’à l’usine Farmor, dans les Côtes d’Armor, en Bretagne. Alors qu’il se targue en plein salon de l’Agriculture 2014, de défendre les éleveurs français, les produits français et la filière agro alimentaire française, la caméra de M6 s’approche de Xavier Beulin, tout puissant président de la FNSEA, syndicat majoritaire chez les agriculteurs, pour lui soumettre un document prouvant que Farmor importe du poulet brésilien fabriqué par les usines Sadia. Le visage du leader syndical se crispe. Et pour cause : en tant que président de Sofiprotéol, holding dont dépend Glon-Sanders, c’est lui le patron de Farmor. Beulin bredouille alors quelques mots du genre « Nous ne faisons rien d’illégal » et tourne les talons. Les éleveurs aux abois qu’il est censé défendre apprécieront. Pris en flagrant délit de duplicité, le méchant industriel du film de Zidi, joué par Alain Guyomar, est conspué puis envoyé au diable. Aujourd’hui, Tricatel, c’est Xavier Beulin !
(1) Capital « Les secrets du poulet premier prix » – M6, dimanche 6 avril à 20h50.