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Raphaël Glucksmann dit non au Front populaire aux conditions de LFI : « Il n’y a pas eu d’accord »
INFO L’OPINION. L’entourage de Raphaël Glucksmann annonce son intention de quitter les discussions sur la constitution d’un « Front populaire » dès ce mardi matin s’il y a un alignement total sur les positions de LFI. « Place publique a signé un texte comme quoi la totalité des partis de gauche ferait le maximum pour lutter contre l’extrême droite. Mais ce n’est pas aux dépens de nos principes fondamentaux », fait savoir l’entourage de l’eurodéputé Place publique
Peu avant 22h30, l’élan décisif. Des centaines de jeunes militants s’engouffrent dans la rue des Petits-Hôtels (Paris, Xe), habituellement si paisible. Une forêt de drapeaux aux couleurs des Jeunes écologistes, des Jeunes insoumis et de Générations, le micro-parti de Benoît Hamon. Ils sont venus tout droit de la place de la République, où l’on entend désormais jour et nuit que « la jeunesse emmerde le Front national ». Un détail qui n’en est pas un, les bataillons de PS et de Place publique n’ont pas pris part à la cavalcade des autres écuries de gauche. Ont-ils été échaudés d’entendre le refrain « Et non, Glucksmann n’est pas un camarade » ? Une brèche dans l’unité.
Après le souffle de la dissolution, la foule manifestante veut s’offrir un grand frisson aux dernières heures du jour, sous les fenêtres du siège des Verts où sont réunis en conclave les responsables de l’ex-Nupes. « Et la jeunesse exige le Front populaire ! Et la jeunesse exige le Front populaire ! », s’époumonnent-ils dans la rue. Avant de reprendre en chœur : « Trouvez un accord ! Ne nous trahissez pas ! » Leurs clameurs sont-elles arrivées jusqu’aux oreilles des grands chefs à plume ? La pression doit se faire entendre, dégripper les appareils politiques, bousculer les tambouilles internes. A l’intérieur, Marine Tondelier (Ecologistes), Manuel Bompard (LFI), Olivier Faure (PS) et Fabien Roussel (PCF) sont sommés de s’entendre pour faire barrage à la poussée prévisible du RN aux législatives des 30 juin et 7 juillet.
« Marqueur de rupture ». Plus de six heures après le début de la réunion, et alors que le PS et Place publique avaient boudé la première phase des négociations, les messagers de l’union se sont mis d’accord sur les termes d’un communiqué commun. « Faire Front populaire, ça, on est d’accord », annonce tout sourire la secrétaire nationale des écolos, Marine Tondelier, avouant tout de même qu’il « reste beaucoup de travail » pour formaliser ce cartel électoral. A son tour, le coordinateur de LFI Manuel Bompard confirme son intention de « travailler à des candidatures communes au premier tour pour défendre un programme de rupture ». Un « marqueur de rupture », porteur des acquis de la Nupes et donc, de la stratégie adoptée aux législatives de 2022, c’est la grande satisfaction du négociateur LFI, Paul Vannier. Et certainement, la condition sine qua non posée par le patriarche Jean-Luc Mélenchon, très actif bien que physiquement absent des conciliabules.
Comment les quatre composantes historiques de la gauche ont-elles réussi à acter en une demi-journée ce qu’elles n’ont pas su faire (ou voulu) faire aux européennes ? Un petit miracle se serait-il produit ? A croire que la diplomatie prime de nouveau entre ces gauches si souvent présentées comme étant « irréconciliables ». A quatre jours des élections européennes, dans un café place de la Bastille, Olivier Faure se montrait encore prudent sur l’ampleur du « feu d’artifices unitaire » à prévoir pour l’après 9 juin : « On ne répare pas tout en quelques heures d’un trait de plume après s’être battus comme des chiffonniers. Pour faire un pas de fourmis, il faut parfois des années de discussion et de confiance », confiait-il, tout en espérant que les dissidents insoumis sortent du bois, à commencer par François Ruffin et Clémentine Autain.
« Interruptions de séances ». De fait, la campagne des européennes aura laissé des séquelles. Pour Raphaël Glucksmann, il est aujourd’hui inconcevable de s’allier avec des insoumis, dont il dénonce « les outrances et les invectives », et réprouve les positions en matière internationale. En vérité, l’eurodéputée Aurore Lalucq, la négociatrice missionnée par Place publique est tombée dans un piège hier en fin de journée. « Aurore n’aurait jamais dû être seule à représenter Place publique, elle s’est retrouvée dans une situation intenable. En quelques minutes, elle a vu le capital politique de Raphaël partir en fumées. Elle sait qu’elle a fait une grosse erreur en signant le communiqué », rapporte un conseiller de Raphaël Glucksmann.
Tout juste 24 heures après avoir réalisé un score de 14 %, la tête de liste PS-Place publique voit lui échapper ce « cap clair », dont il espérait être « le garant et le gardien ». C'était sans compter l’expérience d’Olivier Faure et consorts. Le chantage est on ne peut plus simple : « quiconque fait échec à l’union sera tenu pour responsable de l’arrivée de Jordan Bardella à Matignon ». Haro, donc, sur les fossoyeurs du Front populaire, engoncés dans leur pudeur morale vis-à-vis de Jean-Luc Mélenchon et son « antisémitisme résiduel ».
« On a bien senti qu’il y avait du flottement dans l’air entre le PS et Place publique. Ils ont demandé de nombreuses interruptions de séances. Aurore Lalucq a essayé de créer des clivages artificiels, notamment sur l’Ukraine », relate un cadre insoumis en première ligne dans les discussions. « On l’a senti au bord du craquage », ajoute un autre.
Auprès de l’Opinion, ce mardi matin, l’entourage de Raphaël Glucksmann se montre très clair : « Il n’y a pas et n’y aura pas d’accord avec LFI. Place publique a signé un texte comme quoi la totalité des partis de gauche ferait le maximum pour lutter contre l’extrême droite. Mais ce n’est pas au dépens de nos principes fondamentaux. On a posé des conditions, s’ils ne sont pas d’accord, on ne fera pas partie de ce truc ». D’ailleurs, Aurore Lalucq n’avait même pas été conviée à la réunion programmatique ce mardi matin. Elle a l’instruction de quitter la table des négociations en cas d’alignement complet sur les troupes de Jean-Luc Mélenchon.