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Le discours ambigu de LFI critiqué y compris au sein de la gauche
Malaise|Jean-Luc Mélenchon et quelques-uns de ses Insoumis refusent d’appeler au calme.
Pierre Maurer
Les Insoumis franchissent-ils la ligne rouge ? Depuis la mort du jeune Nahel, tué par un tir policier mardi, Jean-Luc Mélenchon et une partie de ses troupes refusent d’appeler au calme face aux violentes émeutes qui s’étendent dans le pays. « Les chiens de garde nous ordonnent d’appeler au calme. Nous appelons à la justice », a réagi dès mercredi soir sur Twitter le triple candidat à l’élection présidentielle.
De quoi offrir un angle d’attaque au gouvernement, à la majorité, et aussi à tous ceux qui se classent à droite et à l’extrême droite de l’échiquier politique. « Tous ceux qui crachent sur la police et sur la justice sont aussi les complices moraux des exactions qui sont commises », a ciblé le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti.
« Pas des émeutes, mais des révoltes »
« Les élucubrations contre LFI ne masqueront pas la responsabilité de ceux qui ont créé cette situation », a répondu le tribun dans un tweet vendredi, après la troisième nuit de violences, réclamant un « plan de justice partout ». Dans la soirée, Jean-Luc Mélenchon s’est longuement expliqué dans une vidéo de seize minutes diffusée sur sa chaîne YouTube. Conscient des critiques à son égard, il y martèle à plusieurs reprises que lui et les Insoumis « ont toujours été contre toute stratégie de violences ». Mais pour lui, « appeler au calme » serait « être la brosse à reluire » du gouvernement qui, selon lui, ne s’intéresse pas assez « aux causes » de la situation.
S’adressant aux jeunes, l’ancien candidat à la présidentielle leur demande « de ne pas toucher » aux écoles, aux bibliothèques, aux gymnases… mais ne va pas plus loin. Ce qui là aussi suscite des réactions. « Jean-Luc Mélenchon, chef autoproclamé de ces meutes de délinquants, pose les règles : pas touche aux écoles, aux bibliothèques et aux gymnases. Donc pour le reste pas de problème… », a ainsi dénoncé Éric Ciotti, le patron de LR. « Ça veut dire quoi, que tout le reste, on peut le brûler ? », a aussi demandé Bernard Cazeneuve. Pour l’ancien Premier ministre, « quand il y a un tel niveau de violence, on ne peut pas ne pas appeler au calme, au motif que la révolte est belle ».
Mais le gouvernement, la droite et les opposants à la Nupes ne sont pas les seuls à s’en prendre à Jean-Luc Mélenchon. Ses alliés sont eux aussi très critiques. « Je ne mettrais pas tous les Insoumis dans le même panier, lâche un dirigeant communiste. Il y a des réponses mesurées de certains, comme la députée Raquel Garrido. Mais la réaction de Mélenchon ou celle, encore pire, de Louis Boyard sont irresponsables et symptomatiques du fait qu’ils ne connaissent pas ces territoires », critique ce cadre du PCF. « Ce ne sont pas des émeutes, ce sont des révoltes », avait affirmé le député LFI Louis Boyard sur BFMTV jeudi.
Samedi matin sur Franceinfo, le secrétaire national du Parti communiste, tout en revenant sur les causes de la colère dans les banlieues, a fermement condamné toutes les violences. « En République, aucun commerçant, aucun élu, aucun pompier ne doit être blessé par des actes de violences comme ceux que l’on vit depuis plusieurs jours », a insisté Fabien Roussel. « Nous, la différence, c’est qu’on a des élus de terrain qui savent faire les choses. Pas mal de nos maires sont avec les habitants, en colère de ce qu’il s’est passé vis-à-vis de Nahel, mais aussi en colère de voir leurs voitures brûler, les salles de sport en feu… Il faut prendre les deux sujets à bras-le-corps. LFI donne le bâton au gouvernement pour se faire battre, ils ne comprennent pas ce qu’il se passe », termine le communiste cité plus haut.
Chez les écologistes aussi, un cadre fait part de son hébétude : « Je ne comprends pas le truc de Jean-Luc, leur positionnement. Bien sûr qu’il faut manifester ; mais pas comme ça. Il faut condamner les émeutes… C’est un vrai truc dangereux ce qu’il se passe. »
L’embarras de Faure
Avis partagé chez les socialistes, où la position du créateur de la Nupes gêne. « Dangereuse et irresponsable ! », assène un député PS pro-Nupes. « C’est terriblement mal pris en interne », confie un baron du parti. Au sein des Roses, on reste prudent avec les mots employés, tout en appelant au calme. « Faure (patron du parti) a du mal à se positionner. C’est normal, il était dans l’hémicycle pour voter la loi de 2017. Plus ça va, plus il est coincé », note un cadre.
Pour les figures du quinquennat Hollande, comme Jean-Christophe Cambadélis, ancien patron du PS, la position des Insoumis est intenable. « La gauche ne peut pas être la formation des fauteurs de troubles. Il ne peut y avoir l’idée que plus on casse, plus on est dans le vrai, vilipende celui qui demeure membre du bureau national du PS. C’est le stade suprême de la radicalité. »
Le Parisien