Information
En terrain conquis à la Fête de la Rose de Frangy, Montebourg trace son chemin en «homme libre»
Près de 1 400 personnes se sont réunies samedi pour soutenir la candidature de l’ancien ministre de l’Economie à l’élection présidentielle.
Venir à la Fête de la Rose, c’est un peu comme retrouver des amis qu’on a perdus de vue depuis longtemps. De grandes embrassades, des tutoiements envoyés à tour de bras, et des «mais comment ça va ?» à n’en plus finir. Frangy-en-Bresse, une commune de Saône-et-Loire forte de ses quelque 600 habitants, reçoit chaque année ce grand raout politique. Et forcément, à huit mois du premier tour de l’élection présidentielle, la 49e édition prend un tour particulier. Pour ce «très bon cru», selon les organisateurs, qui revendiquent 1 400 participants, Arnaud Montebourg, qui a lancé sa candidature à l’élection présidentielle de 2022 en dehors du PS, est accueilli comme une rock star. «Ma maman est amoureuse de vous», lui lance une admiratrice, attablée devant son morceau de poulet.
Montebourg salue un à un les participants. Il en reconnaît une bonne partie. Beaucoup regardent leur champion avec des cœurs dans les yeux. Viviane Falcon, socialiste «depuis toujours», observe la scène, amusée. A 66 ans, cette ancienne institutrice est venue seule : ses amis ne partagent pas ses opinions politiques. Elle ne jure que par Montebourg et ne trouve pas de mots assez durs pour taper sur Anne Hidalgo, pourtant candidate officielle du PS. «Le peuple de Paris a été chassé de la capitale, il ne reste que les élites», assène cette habitante de Chalon-sur-Saône. Elle s’agace : «Le parti s’effondre, mais nous, on existe».
«La gauche a encore des choses à dire»
Un peu plus loin, assis à l’ombre, sous le barnum, Bernard Colin croque dans son sandwich. La Fête de la Rose, c’est une institution pour lui. «Je viens tous les ans depuis 1973», annonce-t-il fièrement, un béret sur la tête. «Ah non, rectifie le militant. J’ai dû louper une ou deux éditions». Cet ancien ouvrier menuisier a adhéré au parti dès sa création, en 1973. Il y est resté 39 ans. Lui aussi déplore que les partis de gauche ne soient «plus aussi puissants qu’à l’époque». Bernard Colin formule un rêve. «Je ne voudrais pas mourir avant de voir la gauche revenir au pouvoir. Alors, je viens à la Fête de la Rose pour me convaincre qu’elle a encore des choses à dire», sourit l’ouvrier à la retraite.
A quelques pas de là, les cuisiniers s’affairent. C’est le rush. Josette Boudier les regarde d’un air envieux, elle aurait aimé donner un coup de main. «Je suis venue pour les aider, mais ils n’ont pas besoin de moi. Ils ont pris un traiteur», regrette cette habituée de 81 ans. «Dans le temps, on faisait un poulet à la crème, quel régal ! Je me souviens, on coupait les tomates, c’étaient toujours des bons moments», se remémore-t-elle. Si elle glissera, à coup sûr, un bulletin de vote Arnaud Montebourg en avril, c’est parce qu’il veut «remonter les usines». «On en a marre de les voir fermer les unes après les autres, il faut redonner du travail aux gens», raconte Josette Boudier, qui a travaillé toute sa vie auprès de son mari plombier.
Cliquer pour voir l'image
A l’heure du café, le soleil tape fort. Arnaud Montebourg monte sur scène pour s’adresser à ses «chers amis», dans un discours qui durera quarante minutes. Si l’ancien ministre de François Hollande martèle qu’il est un «homme libre», «sans parti politique», «sans baron local, sans apparatchik», il reste un «homme de gauche». Les derniers mots de son allocution sont d’ailleurs à destination du «peuple de gauche», qu’il appelle à le rejoindre. Et les personnages auxquels il fait référence ne font aucun doute. Il cite, tour à tour, François Mitterrand, Pierre Mauroy et Jean Jaurès. Montebourg prend aussi appui sur des dirigeants actuels. Il loue par exemple l’action du démocrate Joe Biden aux Etats-Unis et du socialiste Pedro Sánchez en Espagne qui, tous les deux, ont augmenté les salaires dans leur pays. Une décision qu’il souhaite lui aussi prendre s’il est élu président de la République.
«Notre vrai parti, c’est la France»
A la tribune, Montebourg parle industrie, école, République, hôpital, souveraineté nationale… Un classique pour celui qui se félicite que bon nombre de ses propositions aient été remises au goût du jour par la crise sanitaire. «Les Français se passionnent pour les idées, pas pour les individus», explique-t-il. Une façon de répliquer aux demandes de rassemblement à tout prix de la gauche. Dans les sondages, Arnaud Montebourg stagne sous la barre des 5 %. Mais qu’importent les prévisions, le candidat veut y croire : «Nous ressentons une dynamique, elle est là», affirme-t-il, presque persuadé. Le pari qu’il fait de s’extraire des logiques partisanes trouve un écho chez certains. «Comme beaucoup de gens, je suis déçu des partis politiques, mais Arnaud fait le pari de s’adresser directement aux Français. Notre vrai parti, c’est la France», jure Didier, 70 ans, habitant de Château-Chinon, dans la Nièvre.
Pour la France, Montebourg a un projet : c’est la «Remontada». «Quoi de mieux pour la Remontada que le terrain de football de Frangy-en-Bresse ?», ironise l’ancien ministre de l’Economie. Entre le village de Saône-et-Loire et le Parti socialiste, c’est une longue histoire d’amour. François Hollande, Jack Lang, Claude Bartolone, Benoît Hamon y sont déjà passés. La députée socialiste locale, Cécile Untermaier, se souvient d’une «grande effervescence autour de la venue de Ségolène Royal en 2006» mais aussi «d’années plus difficiles». Il y a fort à parier que l’édition 2021 se situe quelque part entre les deux.
Libération