Gastibelza a écrit:
Sans remettre en cause le phénomène de la bobologie qui existe indiscutablement et qui encombre les urgences, il faut quand même souligner que déterminer que quelqu'un pouvait ne pas venir aux urgences, c'est un jugement de médecin, pas de patient, et réalisé après examen. Je veux dire par là que la douleur, l'inquiétude voire même l'anxiété (on n'a pas tous le même rapport à la souffrance physique) font que le raisonnement peut être perturbé.
Désolé pour le pavé, mais il y a beaucoup à dire...
C'est souvent vrai, on est bien d'accord. Quand je dis qu'il faut éduquer la population, c'est aussi la faute des médecins ! Par exemple savoir qu'un rhume simple ça ne sert à rien de venir consulter son généraliste. Mais il y a aussi des abus aux urgences pour de situations chroniques (et donc non urgentes), qui clairement contribuent au dépassement des capacité d'accueil de certains.
Tu as une permanence de médecine générale au bout du 15 jusque minuit, tous les jours de la semaine. Il peut donner un avis, et décider si tu dois te rendre aux urgences ou pas, et peut t'orienter vers le médecin de garde (ou SOS médecin dans les grandes villes). Mais beaucoup l'ignorent. Il y a plein de pistes pour améliorer ça et améliorer la communication autour de ça (numéro unique, etc) encore faut-il les mettre correctement en place.
Pour ce qui est des enfants, à fortiori en bas âge, on est toujours beaucoup plus indulgent et le sentiment d'angoisse et d'être dépassé même pour des choses peu graves est souvent très bien compris par les équipes. Il vaut mieux toujours pêcher par excès dans ces cas là.
Rob77, t'es à côté de la plaque. Je ne suis absolument pas concerné, je suis installé depuis 3 ans, pas généraliste, et dans une spécialité à plateau technique qui ne peut que s'exercer qu'en ville. Par contre quand je lis des inepties que les politiques essayent de faire passer dans l'imaginaire collectif pour masquer leurs fautes, ça m'énerve, oui. Et aussi parce que je trouve notre système de santé solidaire admirable, et que j'ai une pensée pour les pauvres jeunes en formation qu'on va envoyer au casse pipe.
Bien sur qu'il manque des médecins. J'peux même te dire que dans 10 ans ça sera pire. Encore une fois, est-ce la faute des médecins ? Non. C'est 30 ans de politique sanitaire désastreuse, avec des politiques qui ont réagit 10 fois trop tard, mais qui tente de faire porter le chapeau à quelqu'un d'autre plutôt que d'assumer leurs erreurs.
Où sont les généralistes ? Ils font autre chose (médecine du travail, médecin de la sécu, médecin salarié dans un hopital, en ehpad, ce n'est pas les postes qui manquent !). Une profession dévalorisée, de moins en moins respectée, avec un taux de suicide très élevé (ça doit arriver pas loin derrière les flics et les agriculteurs), ça n'attire plus grand monde.
Les médecins généralistes ne sont pas fonctionnaires. Ils ne sont pas payés par l'état (non je te vois venir, l'assurance maladie rembourse voir avance les frais pour les patients, elle ne paie pas les médecins). Ils n'ont pas de congés payés, ils ont 90 jours de carence au moindre pépin, pas de congés maternités. Rien à voir avec le statut de prof. Figure-toi que parmi ceux qui ne s'installent pas en libéral veulent justement un poste salarié. Car beaucoup, conséquence en partie de la féminisation, ne veulent pas travailler 90h par semaine et ne pas voir leur famille. Bref, de plus en plus de médecins en formation voudraient des postes salariés. Problème, à 25 balles la consultation et à 35 heures hebdomadaire, il faut 2 à 3 salariés pour remplacer un libéral. Et là, les collectivités locales et l'état se rendent compte qu'ils n'ont pas les moyens. Qu'une maison de santé pluridisciplinaire pour un bassin de moins de 10000 habitant, c'est un gouffre financier au tarif rémunéré. Alors on organise un peu de doc bashing pour dire que c'est la faute des méchants docteurs.
Les déserts médicaux sont avant tout des déserts tout court. La médecine isolée n'a plus court, tu as besoin d'examens complémentaires. Hors tu ne peux pas installer des cabinets de radiologies et de biologie dans tous les villages de France. Si au lieu de fermer des lignes SNCF et des hôpitaux de proximité on re-densifiait les réseaux de transports, on résoudrait en parti certains problèmes d'accès au soins. Envoyer un médecin qui vient tout juste de finir sa formation, donc avec peu d'expérience, exercer une médecine de campagne qui n'existe plus tout seul dans un village, c'est l'envoyer au casse pipe. Le malade devra de toute façon se déplacer pour faire une radio, une écho, de la biologie, ou aura besoin d'un accès à un plateau technique. Ou alors il sera moins bien soigné que les autres. On a besoin des petits hôpitaux de proximité pour jouer ce rôle, que l'état s'acharne pourtant à fermer. Ton médecin de campagne à Lizy sur Ourcq, tout seul, il va galérer, puis il va faire de la merde, et ensuite il va démissionner parce qu'il va se rendre compte que sa vocation, ce n'était pas ça.
Pour le financement des études, tu as encore lu ce qui t'arrangeait. J'ai dis que l'argument était nul et non avenu parce que former un étudiant en médecine faisait économiser des sous à l'état. Ca n'en coûte pas sur la durée totale du cursus.
T'en as beau avoir rien à battre, le médecin en formation, lui non. Encore une fois, il n'est pas salarié de l'état, il est libre. Ca a beau t'emmerder viscéralement, c'est le cas. Et si tu rajoutes des contraintes à un métier qui n'est déjà plus attractif alors qu'on l'attend en belgique, au luxembourg, en suisse, et au canada, où il pourra faire de la meilleure médecine et prendre le temps qu'il faut si nécessaire car mieux rémunéré, et bien il va le faire. Il te restera les moins bons, et les médecins qui fuiront un pays où la situation est encore pire. Tu pourras les envoyer dans un village comme bon te semble.
Pour ce qui est de ton anecdote, c'est étrange. Il y a normalement soit un médecin de garde jusque minuit, soit SOS médecin. Peut-être qu'il existe des maillages du territoire où ce n'est pas le cas, mais ce n'est pas normal.
Encore une fois, je n'ai pas mis toute la responsabilité sur la population. Ce n'est pas le message. Mais c'est quand même une donnée du problème. Que tu sous estimes sans doute beaucoup. Parce que toi tu es raisonnable et pas égoïste. Et que t'as peut-être encore un peu de respect pour ton médecin.
Bref, du temps médical, il en manque, mais il y en a aussi beaucoup de mal utilisé. Qu'on arrête les rémunérations aux forfait, qui rajoutent du déclaratif, de l'administratif, qui sont grotesques dans leur critères et qu'on revalorise simplement la consultation. Qu'on arrête les certificats en tout genre pour adhérer à un club de bilboquet et que les fédérations prennent un peu de responsabilités. Qu'on communique plus sur les pathologies bénignes souvent surmédicalisées en France. Qu'on explique aux gens que parfois il faut mieux se déplacer un peu pour être correctement pris en charge, et qu'on leur donne les moyens de le faire. Et surtout qu'on structure mieux le territoire et ses transports, parce que ce n'est pas un médecin de campagne isolé qui va sauver Lizy sur Ourcq.