Information
Le tennis tricolore a encore touché le fond à Roland-Garros, mais des jeunes pousses constituent des lueurs d'espoir.
TENNIS Cela devient une ritournelle de printemps. Pour la deuxième fois en trois ans, après 2021, il n'y a plus aucun Français à l'appel du 3 e tour à Roland-Garros. Ils étaient 28 engagés dans les tableaux principaux en simple. En ce 40 e anniversaire de la victoire de Yannick Noah, Porte d'Auteuil, alors qu'aucun des 18 hommes engagés n'était tête de série (le numéro 1, Ugo Humbert, est 40 e ), on n'attendait pas grand-chose du tennis masculin et on n'a pas été déçu. Jeudi soir, le dernier rescapé Arthur Rinderknech, sans démériter, a logiquement été battu par Taylor Fritz, tête de série numéro 9. Le constat est implacable : le tennis français, en apnée, commence à manquer d'air. On retiendra comme bouffées d'oxygène, la petite résurrection de Lucas Pouille, 29 ans, ex-top 10 retombé au-delà de la 600 e place, issu des qualifications et battu au 2 e tour ou encore la remontada du vétéran Gaël Monfils, 36 ans, dans le dernier set de son 1 er tour gagné contre Sebastian Baez. Seule Caroline Garcia, 5 e joueuse mondiale pouvait éventuellement entretenir la flamme bleue. Mais en difficulté depuis le début de saison, elle n'a pas pu assumer le statut acquis l'an dernier, après avoir décroché un titre à Cincinnati, disputé sa première demi-finale de Grand Chelem à l'US Open et remporté le Masters. « Je me suis tendue énormément », a-t-elle avoué après son élimination dès le 2 e tour par la Russe Anna Blinkova. Une nouvelle fois, elle a été écrasée par le poids de l'attente. Triste rengaine.
Le tennis français touche le fond et creuse encore. « Le bilan n'est pas bon , a reconnu, vendredi, lucide, le directeur technique national, Nicolas Escudé. Mais cela n'a rien de surprenant puisqu'on n'a aucun joueur français dans le top 30. Il y a une remise en question qui a eu lieu mais il y a encore du travail. » Parmi les pistes lancées par la DTN : la remise du centre national d'entraînement (CNE) au coeur du jeu pour accueillir tous les joueurs, activer de façon plus efficace la détection ou passer plus de temps sur terre battue...
Une mission baptisée Ambition 2024
Il y a deux ans, le tennis bleu-blanc-rouge avait déjà réussi « l'exploit » de n'avoir aucun Français qualifié pour le 3 e tour. Une triste première depuis... 1968. Le douloureux bilan avait légèrement été adouci par les performances épinglées chez les juniors (quatre demi-finalistes et le titre pour Luca Van Assche). Ce dernier a fait son premier pas chez les grands cette année. Avec un certain succès. À seulement 19 ans, le 82 e mondial a balayé au premier tour l'ancien demi-finaliste de l'édition 2018, Marco Cecchinato, avant de tomber avec les honneurs et en quatre sets contre le redoutable terrien espagnol, Alejandro Davidovich Fokina (34 e mondial). Si l'autre promesse du tennis français, Arthur Fils, 18 ans, n'a pas franchi un tour (barré par le même Espagnol), il a déjà marqué de son empreinte la saison 2023. Deux demi-finales à Montpellier et Marseille en février et un titre à Lyon, juste avant les Internationaux de France, ont permis à la nouvelle attraction du tennis tricolore de bondir du top 300 à la 63 e place mondial, en seulement six mois. « Je ne me fixe aucune limite , confiait-il au Figaro , fin mars à Nice. Toujours avoir confiance en soi, peu importe les circonstances, ça vient de mes parents, la manière dont ils m'ont éduqué . » Grand et costaud (1,85 m, 83 kg), Fils attire les regards et électrise déjà les foules. Revers long de ligne laser, lourdeur du coup droit, service flashé à 222 km/h, il possède un gabarit des standards du top 10 au contraire de beaucoup de jeunes tricolores plus poids plume que poids lourd (ce qui est le cas de Van Assche, 1,77 m, 69 kg).
Derrière ces deux têtes de gondole, le géant Giovanni Mpetshi Perricard (2,01 m), demi-finaliste de l'édition junior contre Fils en 2021, 237 e mondial, n'a pas démérité à 19 ans pour sa première avec une défaite en cinq sets au 1 er tour contre le qualifié Genaro Alberto Olivieri. Derrière la génération 2004, Gabriel Debru, 17 ans seulement et vainqueur de l'édition passée chez les juniors, est annoncé également comme le futur du tennis français. À suivre. Chez les filles, en revanche, le creux générationnel devrait durer...
Ivan Ljubicic, ancien numéro 3 mondial et ex-coach de Roger Federer, est chargé de réaliser un état des lieux du tennis tricolore et de superviser le haut niveau des plus de 14 ans, filles et garçons confondus. Il doit aussi repérer les futures pépites dans une mission baptisée Ambition 2024. Celui qui est parvenu à remettre un certain Roger Federer au plus haut niveau alors qu'il traversait une période difficile, nous avait dressés un premier constat implacable ces dernières semaines : « Il y a quelque chose qui ne va pas. Avoir le numéro 1 français au-delà de la 40 e place à l'ATP, ce n'est pas normal. Ce n'est pas ce qu'on attend de l'une des plus grosses fédérations de tennis au monde, dans un pays où il y a autant de pratiquants et autant de terrains . » Nicolas Escudé assure : « Ivan (Llubicic) apporte son expertise du très haut niveau . » Le chantier est important mais les espoirs de renouveau existent. C'est déjà ça...
Le Figaro