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Le monde est au bord de la récession, alerte le FMI
L'inflation, la guerre en Ukraine et les confinements récurrents en Chine feront fondre la croissance mondiale en 2023.
FINANCE « En bref, le pire est à venir et beaucoup de gens auront le sentiment d'être en récession en 2023. » En une phrase choc, le dernier rapport du Fonds monétaire international exprime toute l'inquiétude de l'organisation qui veille sur l'économie mondiale.
Depuis avril, les perspectives économiques mondiales se sont « considérablement détériorées, et le ralentissement de l'économie s'est intensifié », indique le document publié mardi, en ouverture des assemblées du FMI et de la Banque mondiale, à Washington. L'économie mondiale, qui se remettait peu à peu des effets de la pandémie et restait confrontée à des problèmes de logistique dans de nombreux secteurs, fait face à un enchaînement de chocs inhabituel. Lequel fait planer des « nuages orageux » sur l'économie mondiale.
Jamie Dimon, l'influent patron de la banque JPMorgan, partage cette vision, un peu plus appuyée . Il y a des raisons très très sérieuses susceptibles de pousser les États-Unis et le monde - l'Europe est déjà en récession - dans une sorte de récession d'ici six à neuf mois », estimait-il lundi sur CNBC.
La pression inflationniste est « plus forte que prévu », en particulier dans les pays en développement. Elle a déclenché un resserrement rapide des politiques monétaires, assorti d'une remontée violente des taux, « parallèlement à une forte appréciation du dollar américain », détaille le FMI.
Ces actions se répercuteront sur l'économie en pesant sur la demande et finiront par réduire progressivement la hausse des prix. L'inflation mondiale, égale en moyenne à 8,8 % cette année, avec un pic à 9,5 % au troisième trimestre, commencera à refluer dès fin 2022. Toutefois, elle restera élevée plus longtemps que prévu et ne redescendra à 4,1 % qu'en 2024, s'inquiète le Fonds.
L'institution redoute aussi que les banques centrales calibrent mal leurs réactions. « Trop resserrer les politiques monétaires, mais aussi ne pas suffisamment le faire, pourrait renforcer l'ancrage de l'inflation. L'histoire nous le rappelle, cela ne pourra que rendre la lutte contre l'inflation encore plus chère », avertit Pierre-Olivier Gourinchas, chef économiste du FMI.
L'économie mondiale souffre par ailleurs des confinements répétitifs pratiqués par la Chine dans le cadre de sa politique « zéro Covid ». Ils entraînent un ralentissement « pire qu'attendu » de la deuxième puissance économique mondiale, laquelle souffre aussi des faiblesses de son secteur immobilier.
« Il ne s'agit pas d'un choc passager »
S'y ajoutent les lourdes conséquences économiques de la guerre en Ukraine. Celle-ci « a conduit à une grave crise énergétique en Europe, qui augmente fortement le coût de la vie et entrave l'activité. Le prix du gaz en Europe a été multiplié plus de quatre fois depuis 2021. Et il ne s'agit pas d'un choc passager », souligne Pierre-Olivier Gourinchas. Qui rappelle que « le conflit a également poussé les prix des denrées alimentaires sur les marchés mondiaux ».
Dans ce contexte, s'il ne modifie pas ses estimations de croissance établies en juillet pour l'année 2022, le FMI revoit à la baisse de 0,2 % ses prévisions pour 2023. Le PIB mondial ne devrait progresser que de 2,7 % au mieux l'an prochain. La probabilité que sa croissance tombe sous les 2 %, voire qu'elle s'abaisse à 1 %, est loin d'être négligeable, redoute Pierre-Olivier Gourinchas.
C'est d'autant plus inquiétant que, « même si le PIB reste en croissance, de nombreux foyers à travers le monde auront le sentiment d'être en récession, à cause de la hausse du coût de la vie », a expliqué la semaine dernière la directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva.
Tout semble parti, en outre, pour qu'un tiers de l'économie mondiale enregistre l'an prochain deux trimestres consécutifs de baisse du PIB, ce qui s'apparentera techniquement à une récession.
Sur l'ensemble de 2023, les trois plus grandes économies, États-Unis, Union européenne et Chine, continueront de stagner. Le Fonds voit deux grands pays européens, l'Allemagne et l'Italie, en récession. Il est par ailleurs plus optimiste pour le Royaume-Uni que d'autres observateurs qui, comme l'agence de notation financière Fitch, la voient en récession en 2023.
Quant à la Russie, pour laquelle le FMI annonçait en juillet une chute de PIB de 3,5 %, elle devrait subir une contraction limitée à - 2,3 % en 2023, grâce à la résistance de ses exportations de pétrole et de sa demande interne.
Mais, même si cela ne se traduit pas dans leurs taux de croissance, qui résistent, ce sont les pays les moins développés qui devraient souffrir le plus. Ils subissent la force du dollar, qui alimente inflation et fuite des capitaux, insiste le FMI.