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SCH, dans la ferveur du stade; Le 22 juillet prochain, le rappeur marseillais se produira au Vélodrome. Il se confie à deux mois de l'événement
Il met du noir comme un gothique, porte les cheveux longs, les lunettes et les bijoux clinquants. Dès son arrivée sur la scène rap en 2015 avec sa mixtape A7, SCH se démarque. Voix grave et phrasé reconnaissable, il soigne ses rimes comme son look et peaufine, projet après projet, un univers très stylisé, entre fiction et introspection. Aujourd'hui, son rap noir et hargneux en fait un des artistes les plus intéressants de la scène française. Fort de ses certifications et d'une Victoire de la musique, Julien Schwarzer, de son vrai nom, se produit le 22 juillet à l'Orange Vélodrome. Un "accomplissement" pour l'enfant de Marseille. On l'a rencontré dans le temple du football.
De "A7" en 2015 à "Autobahn" en 2022, vous avez tracé votre route step by step. C'est votre stratégie ?
Oui, c'est du step by step, on a essayé d'avancer au fur et à mesure des projets et essayer d'amener un peu plus de créativité à chaque fois. Grosso modo c'est la force tranquille, avancer doucement et aller crescendo.
Vos disques se sont démarqués par des choix artistiques forts, notamment avec ce projet "JVLIVS" qui est annoncé comme une trilogie.
Quand on a décidé de faire une trilogie, c'est parce qu'on avait envie de changer un petit peu le format classique du rap. On avait envie de mettre la musique au service de l'image, d'essayer de nouvelles choses. C'était motivant et ça a été un accélérateur d'inspiration.
Pour quand le troisième volet est-il prévu ?
C'est dans les tuyaux. Je suis actuellement dans la conception et dans la production des titres. Mais je ne peux pas me prononcer sur une éventuelle sortie.
Avec ce personnage de Julius, sorte de double fictif, vous développez un univers très influencé par le film de mafieux. D'où cela vous vient-il ?
J'ai toujours beaucoup aimé le cinéma, je n'ai jamais trop regardé de films de romance, j'ai toujours été attiré par les thrillers, les films sur la mafia, et puis, l'environnement fait que ça s'y prête. Je suis Marseillais, je suis né à Marseille, on a une ville chargée d'histoires, on a des connaissances, des gens avec qui on a grandi qui se sont retrouvés dans des galères. C'est une chance ou une malchance quelque part mais ce qui en découle musicalement, c'est juste de la logique. Je pense que si j'étais né ailleurs, je n'aurais peut-être pas proposé ça. Mais ici, c'est ce que l'inspiration m'a donné.
À ce propos, Marseille est en proie à une terrible guerre des gangs liée au trafic de drogue. Vous, vous abordez ce thème de façon très esthétisante et cinématographique. Que diriez-vous à ceux qui pourraient vous reprocher de véhiculer une certaine image de ce "marché noir" et de Marseille ?
Je pense que pour avoir regardé pas mal de Tarantino, de Scorsese et tous ces films de la même trempe, ça ne m'a pas fait devenir un braqueur ou un tueur en série. Je pense que ça doit rester dans l'ordre du divertissement. Et c'est bien pour ça qu'on livre des projets où l'histoire est fictive parce que, pour être assez proche de tout ce qui se passe dans ma ville, pour avoir - moi comme d'autres personnes - perdu des amis dans tout ce merdier, j'aurais du mal à glorifier ça. En revanche, au même titre que des réalisateurs le font dans leur film, c'est inspirant en termes d'esthétisme et de narration. Je ne vois pas pourquoi on pourrait me reprocher telle ou telle chose. Après, on sera toujours face à des éternels mécontents et des éternels frustrés qui considèrent qu'on encense et que quelque part on donne à manger, on donne de la confiture aux cochons, mais ce n'est pas vraiment ce dont je me préoccupe, en vrai. Je suis vraiment préoccupé par l'art au service de cette musique et la haute couture musicale, entre guillemets, que l'on peut amener au travers de ça.
La grosse actualité, c'est ce concert au Vélodrome le 22 juillet. D'où vous est venue cette idée ?
Pour un Marseillais, je pense que c'est une logique. C'est quand même un projet ambitieux mais je pense qu'il faut se fixer de grands objectifs. Ce n'est pas la peine d'avancer sans avoir de rêves et d'envies surréalistes. Donc, ça part d'une envie surréaliste et, finalement, ça se concrétise. À force de travail, on a fait en sorte que ça puisse être un projet qui vive.
En juin 2022, pour son concert au Vélodrome, Jul est arrivé en scooter. J'imagine que vous allez soigner votre entrée ?
(rires) C'est le fruit de beaucoup de discussions actuelles. On va essayer de faire en sorte que l'entrée soit mémorable.
Que représente pour vous le stade ? Vous êtes un fervent supporter de l'OM ?
Je crois que la première fois que je suis venu au Vélodrome, je devais avoir 7-8 ans et puis, il y a eu la loge avec Bande Organisée. J'ai plein de bons souvenirs. Je suis un fervent supporter de l'Olympique et de l'histoire du stade aussi. On a le plus beau club et le plus beau stade de France et même du monde. C'est un accomplissement.
Avant ce concert au stade, quel est votre meilleur souvenir ?
Mon meilleur souvenir en vérité il est récent, c'est en 2021 quand on gagne contre le PSG et qu'on vient de sortir Bande Organisée. C'est un alignement des planètes, on aurait dit que tout était fait pour que le morceau vive.
Entre le match aller à l'Accor Arena à Paris (le 24 mai) et le match retour à domicile (le 22 juillet), lequel vous met le plus la pression ?
Mon coeur balance... Après, ne serait-ce qu'en termes d'affect, c'est vrai que le stade Vélodrome, ça reste la cerise sur le gâteau et la clôture de la tournée que l'on a commencée l'an dernier. Et puis en termes de show, c'est celui qu'on va essayer de rendre le plus abouti et le plus poussé parce que la configuration s'y prête. Donc, le Vélodrome, ça reste la plus grosse échéance que j'ai à court terme. Même si Bercy est aussi une date super importante.
Que pouvez-vous nous dire sur ce concert qui s'intitule "Decennium" ?
J'ai commencé à faire de la musique dans ma chambre et à poster mes premières vidéos en 2013. On est en 2023, ça fait 10 ans. On va essayer de faire un concert qui retrace ces 10 ans. On va essayer de raviver les souvenirs des fans de la première heure. J'ai des textes à réapprendre (rires). 2h30, ça en fait des morceaux. On va tenter d'allier nostalgie, surprise et mise en scène.
Justement, quel était votre parcours avant de faire du rap ?
J'avais le parcours d'un jeune qui ne savait pas trop ce qu'il allait faire de ses dix doigts. Je n'avais pas de bagages scolaires, je n'ai pas vraiment de diplômes. J'ai fait un peu tout ce que les jeunes font dans mon environnement : un peu de débrouille, un peu d'intérim, un peu de ci, un peu de ça pour vivoter, et puis la musique, ça m'a sauvé.
Est-ce que des rappeurs vous ont donné envie de rapper ?
Bien sûr. Au-delà des artistes américains, à Marseille, il y a IAM, la Fonky Family, Psy 4 de la Rime, Freeman... À Paris, je pense à Arsenik, NTM, à tout un tas d'artistes, et je vais en oublier... S'ils n'avaient pas existé, je ne serai pas là, c'est certain. D'ailleurs, je les remercie, quelque part, ils font un peu partie de ma famille et je fais un peu partie de leur descendance artistique. Aujourd'hui, je suis fier que ces personnes-là m'encensent ou relèvent que SCH c'est cool. C'est une belle reconnaissance pour moi.
À votre tour, vous avez participé, en tant que jury, à l'émission de Netflix "Rhythm + Flow". Quelle expérience en tirez-vous ?
À l'heure où le travail en studio et la scène prennent énormément de temps dans ma vie, c'est un sas de décompression qui fait du bien, au final. Je découvre de nouvelles choses, je me prête au jeu d'essayer de trouver la pépite de l'an prochain, avec des artistes que j'apprécie (Shay, Niska, Ndlr). Quand j'étais jeune, je regardais The Voice en me disant que ce serait bien qu'il y ait un jour une compète rap et finalement j'en fais partie. Dans l'absolu, c'est que du kif, une belle expérience, une reconnaissance.
En parlant de reconnaissance, vous avez reçu la Victoire de la musique de l'album le plus streamé en 2022, pour "JVLIVS Tome 2". On se souvient de votre discours sur la place du rap dans cette cérémonie. C'était important d'en parler ?
Je n'ai pas grand-chose à dire de plus. Les gens connaissent les Victoires de la musique et savent comment cette cérémonie fonctionne. Je ne dénigre personne quand je fais ce discours, je mets uniquement le doigt sur un constat que je fais. Et j'ai jugé qu'il fallait en parler, on n'en avait pas parlé avant. J'en ai parlé et puis on avance. J'espère que ça aura fait son chemin tout de même. Après, je n'avais aucune ambition stratégique avec ce discours.
Vous êtes né en 1993, l'année où l'OM remporte la Ligue des champions. Aujourd'hui, le club n'a plus remporté ce titre mais il est en course pour la qualification à cette compétition. Et les rappeurs marseillais ont envahi le stade, avec les concerts de Soprano, Jul et le vôtre. Qu'est-ce que cela vous inspire ?
Pour répondre à ça, avant tout, je vais te dire une phrase qu'il faudra mettre en gras c'est : "À jamais les premiers". Maintenant, pour parler de la suite, en fait, c'est juste un bel alignement des planètes pour moi. J'avais un peu oublié mais, l'année de mes 30 ans, je vais faire un Vélodrome et ça fait trente ans qu'on a soulevé la coupe. Et puis, je suis content que des artistes marseillais remplissent des stades, comme le football peut le faire, dans la même ferveur. C'est cool et c'est une belle reconnaissance du public.
Vous avez déjà eu une expérience du stade grâce au concert de Jul auquel vous avez participé. C'était donc une sorte de mise en jambes. Est-ce que vous vous demandez comment faire mieux que lui ?
Non, je ne suis pas dans ça et on sait tous que dans le rap français, personne ne fera mieux que Jul. Je pense que ça ne doit pas être un moteur, sinon ça pourrait rendre la musique terne. Jul et moi, on est de la même géographie, de la même ville, moi je suis fier de voir qu'un mec de chez moi a vendu autant de disques que Johnny Hallyday. Je n'ai aucun regard envieux sur Jul, on ne fait pas la même musique, quelque part, on ne se télescopera jamais avec nos arts respectifs. La seule chose que je constate en regardant la carrière de Jul, c'est que je suis fier pour lui. Et au même titre que je le suis pour lui, il l'est pour moi. Il a contribué quelque part à ce qu'en 2021, je prenne un second élan (avec le titre Bande Organisée, Ndlr). Donc, je lui suis reconnaissant pour ça et je suis fier de ce qu'il représente dans le coeur des Marseillais et des Français.
À deux mois du grand jour, c'est beaucoup de pression ?
Je suis lié à l'envie de faire bien. Je n'ai pas de pression négative, c'est vraiment une pression positive parce que j'ai envie de faire le plus beau show que je n'ai jamais fait. Je me mets un peu de pression de ce côté-là mais je ne suis pas angoissé. Je suis dans un état d'esprit où je me dis que je serai content après les 2h30 de show quand je serai dans ma loge, que je regarderai ma famille et que je leur dirai : "C'est bon, c'est fait". Là, je pourrai me dire que j'ai fait mon petit bonhomme de chemin.
Comment vous y préparez-vous, en perdant 15 kg comme Jul ?
(rires) Je n'ai pas 15 kg à perdre, c'est une chance, après je fais du sport tout le temps. Je sors d'une opération des croisés sans être footballeur (rires). Je remets ma jambe à niveau pour pouvoir fouler la pelouse...
Vos pronostics pour la fin de saison de l'OM ?
Deuxième ça serait bien ! Si les cousins de Lens trébuchent, ça peut jouer en notre faveur. Après, premier ou dernier en vérité, c'est la ferveur de l'Olympique qui est importante.
Le 22 juillet à l'Orange Vélodrome.
Tarifs 45, 57 et 69€. Voir l'interview vidéo sur laprovence.com.