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Il est mort après avoir participé à un concours de shooters : sa fille témoigne
Renaud P. est mort samedi après avoir participé à un concours de shooters, des petits verres d’alcool fort, dans un bar clermontois. Sa fille, qui était à ses côtés lors de la tragique virée, a accepté de témoigner hier soir.
Julie s’installe dans la cuisine de la maison familiale, à Cébazat, sous le regard protecteur et ému de plusieurs de ses proches. D’une voix faible, le visage fatigué, cette étudiante de 21 ans va parler pendant plus d’une demi-heure. « Je n’ai pas de haine, pas de désir de vengeance, prévient-elle. Mais il y a des choses que je veux dire ».
1. La soirée dans le bar. Julie devait initialement passer la soirée de vendredi avec quatre amis. Son père s’est joint au petit groupe au dernier moment. « Il se sentait seul, il n’allait pas bien, je lui ai donc proposé de venir avec nous ». Après avoir mangé des pizzas chez Renaud P., et bu « quelques verres de vin », tous prennent la direction vers 22h30 d’un bar à shooters du centre-ville clermontois. « On voulait essayer », explique Julie. Comme trois des jeunes qui l’accompagnaient, Renaud P. a d’abord consommé une série de quatorze cocktails. L’ambiance monte dans l’établissement bondé. « Il a commencé à être un peu euphorique, raconte sa fille. Il a alors vu la grande ardoise, au-dessus du comptoir, sur laquelle était inscrit le record du nombre de shooters consommés dans une même soirée. Il fallait faire plus de 55. Il a relevé le défi ».
Le quinquagénaire se fait servir trente verres de plus. Qu’il engloutit, selon plusieurs témoins, en l’espace une minute, sous les encouragements des autres clients. « Mon père était fier, se souvient Julie. À ce moment-là, le patron lui a dit qu’il était à douze shooters du record ». Encore une fois, Renaud P. se laisse tenter. Et boit tout. « Il a payé, dit sa fille, puis il s’est assis sur la banquette. J’avais l’impression qu’il somnolait ».
2. Fatal coma éthylique. Le buveur à l’imposante carrure – il pesait 120 kg – est alors sorti du bar et « chargé » dans la voiture d’une amie de Julie, direction Cébazat. Pendant le court trajet, il ronfle abondamment. « Pour moi, il dormait », confie la conductrice, âgée de 18 ans. Mais une fois à destination, la situation se dégrade. Renaud P. commence à vomir. Policiers et secours sont alertés. Lorsqu’ils arrivent, vers 1h50, l’homme est en arrêt cardiaque. Julie revient en catastrophe. « Les pompiers ont réussi à relancer son cœur après une demi-heure de massages. Là, je me suis effondrée. Je m’étais imaginée qu’il allait rentrer chez lui, peut-être vomir un coup et se lever le lendemain avec un mal de crâne, mais c’est tout… ». Transporté au CHU, Renaud P. décède samedi soir.
3. Interrogations. Alors que l’enquête des policiers de la sûreté départementale se poursuit, l’étudiante affirme que Renaud P. « n’avait pas une santé parfaite, mais il allait plutôt bien. En tout cas, il n’avait pas de gros problème. Sans vouloir exonérer son père – « ces verres, personne ne les a mis dans sa bouche » – la jeune fille s’interroge, comme ses proches, sur l’éventuelle responsabilité du gérant du bar. « Il y a des trucs, comme l’ardoise affichant le record, qui incitaient à la surenchère, c’est évident. Je n’exclus pas de déposer plainte plus tard. Mais là, au fond de moi, j’ai d’abord besoin de savoir pourquoi mon papa est parti ».
Le gérant démenti
Hier, dans colonnes, le patron du bar concerné affirmait avoir « arrêté » Renaud P. après « une trentaine de shooters » au prétexte qu’il « buvait trop vite ». Sa version est démentie par la fille de la victime, mais aussi par une photo prise ce soir-là par un autre client. Sur ce cliché que nous nous sommes procuré, on distingue clairement cette inscription sur une ardoise noire : « Record garçons : Renaud, 56 shooters ». Preuve que le quinquagénaire était bien allé au terme de son défi.