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S'agissant des tissus religieux, aucun argument ne tient la route face à cette mise en garde de Mona Eltahawy, aucun : «Les femmes du monde occidental portant un voile contribuent à asservir les femmes ailleurs dans le monde pour lesquelles le port du voile est une contrainte.»
Il faut une forte dose de cynisme ou de bêtise, voire des deux, pour revendiquer de se couvrir toujours plus alors qu'au même moment des images nous proviennent des zones libérées de Daech, où l'on voit des femmes brûler leurs geôles de tissu en étreignant des combattantes kurdes et arabes tête nue.
Certains médias, notamment anglo-saxons, ont fait part de leur étonnement devant la polémique française du Burkini. Pour Christophe de Voogd, il s'agit pourtant bien d'une véritable crise sur fond de mécompréhension du libéralisme.
Bien sûr, il y a plus grave dans l'actualité qu'une tenue de bain: des attentats aux quatre coins du monde à la répression turque, en passant par les nouveaux bruits de botte en Ukraine et l'apocalypse syrienne, il y a d'autres motifs d'inquiétude. Et l'on s'étonne d'ailleurs que nos principaux médias audiovisuels continuent à égrener les marronniers entre deux comptages de médailles olympiques et passent bien vite sur les tragédies de l'heure. Besoin de respirer après les horreurs de juillet?
Mais de ce qu'il faut désormais appeler «la crise du Burkini», il est en revanche partout question depuis l'épisode du parc aquatique de Marseille, début août.
A tort, comme le pensent notamment nos amis anglo-saxons, qui s'étonnent que la France craigne de «perdre son âme» (New York Times) pour un bout de tissu? Goût du débat aussi fiévreux que stérile, comme notre peuple les aime tant? Nullement: si l'affaire fait si grand bruit, c'est qu'elle soulève des questions fondamentales: place de l'Islam dans la société, condition de la femme, laïcité, règles du vivre-ensemble, le tout dans le contexte très tendu du terrorisme islamiste. Bref tous les ingrédients de ce que le grand sociologue Marcel Mauss appelait un «fait social total» donnant à voir les valeurs et les règles fondamentales d'une société.
Mais il s'agit d'abord d'une question de logique. L'on reste pantois, dans un pays qui se prétend si cartésien, devant l'argumentation pro-burkini, et notamment devant le parallèle établi avec les maillots couvrant de la Belle Epoque. L'on reconnaîtra ici un raisonnement par analogie: le burkini (A) est aux musulmanes d'aujourd'hui (B) ce que le maillot couvrant (C) était aux Françaises d'autrefois (D). Et un parfait exemple de ce que les spécialistes de l'argumentation appellent une fallacy, une perversion des faits et/ou du raisonnement. D'abord parce que le choix des échantillons comparés n'est pas valide: les baigneurs masculins de 1900 se couvraient également, ce qui n'est nullement le cas des compagnons torse-nu des femmes «burkinisées». C'est donc bel et bien un enjeu d'égalité entre sexes qui est posé aujourd'hui, comme le disent justement des voix de gauche comme celle de Laurence Rossignol ; et comme l'oublient curieusement d'autres discours tenus aussi à gauche: ont-ils abandonné leur logiciel égalitaire? Ensuite parce que la norme vestimentaire des baigneurs (hommes et femmes) a profondément évolué avec les canons de la pudeur. Se réclamer des années 1900 pour des «progressistes» affichés ne manque pas de sel: faudrait-il donc, au nom de la même analogie, accepter la peine de mort, le service militaire de 3 ans, l'interdiction du vote féminin, de la contraception, de l'avortement et de l'homosexualité? Régressions qui, il est vrai, ne déplairaient pas à certains promoteurs du burkini…
Sur le fond, c'est-à-dire sur le règles françaises du vivre ensemble, l'on entend des arguments fragiles dans le plaidoyer des «burkinophiles» et même des «burkino-tolérants». Sans doute ces derniers, souvent d'inspiration libérale - tout comme l'auteur de cet article - semblent tenir un cas d'école. John Locke, le père du libéralisme, n'a-t-il pas plaidé pour la tolérance, dans un texte sidérant d'actualité sur les vêtements religieux dans l'espace public?
«Le port d'une chape ou d'un surplis ne peut pas plus mettre en danger ou menacer la paix de l'Etat que le port d'un habit ou d'un manteau sur la place du marché»
Mais Locke apporte un correctif capital qui concerne la signification politique de tels vêtements:
«Il est dangereux qu'un grand nombre d'hommes manifestent ainsi leur singularité quelle que soit par ailleurs leur opinion. Il en irait de même pour toute mode vestimentaire par laquelle on tenterait de se distinguer du magistrat [comprendre l'autorité civile] et de ceux qui le soutiennent ; lorsqu'elle se répand et devient un signe de ralliement pour un grand nombre de gens…le magistrat ne pourrait-il pas en prendre ombrage, et ne pourrait-il pas user de punitions pour interdire cette mode, non parce qu'elle serait illégitime, mais à raison des dangers dont elle pourrait être la cause?» (Essai sur la Tolérance, 1667)
Or cette dimension politique est indiscutable dans le port du burkini. Celui-ci n'a rien à voir avec la tradition musulmane multiséculaire, qui prescrit au contraire le respect des coutumes du pays d'accueil, surtout hors du «territoire de l'Islam» (dar al-islam). Il faudrait enfin entendre les nombreuses voix musulmanes qui ne cessent de le rappeler. Etrange «tradition» vestimentaire d'ailleurs, qui n'a pas 20 ans d'âge et qui, comme la burqa, a fait soudain son apparition sous nos cieux longtemps après l'arrivée des populations d'origine maghrébine.
S'il est donc possible de s'opposer au burkini même dans une perspective libérale, cela vaut a fortiori dans une approche «républicaine». La «République», version française de la démocratie libérale, est plus autoritaire et plus assimilatrice que le modèle anglo-saxon. D'où les incompréhensions réciproques. Notre tradition juridique met ainsi en avant avec rigueur, et parfois avec excès, l'impératif de «l'ordre public», notamment en matière d'expression religieuse (article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et loi de 1905). L'on sait que les arrêtés anti-burkinis se fondent sur cette notion. D'autre part, la République n'a jamais été synonyme de multiculturalisme. Son principe - qui constitue le sens profond de la laïcité à la française - a été édicté pour l'émancipation des Juifs par Clermont-Tonnerre dès 1790: accorder tous les droits aux membres des minorités en tant qu'individus, leur refuser tout droit en tant que groupe. Nier cet héritage serait prendre 1968 pour 1880, et confondre Jules Ferry avec Daniel Cohn-Bendit. On peut le déplorer ; on peut souhaiter un autre modèle ; mais sans commettre de contre-sens sur l «esprit des lois».
Le plus grave pourrait bien concerner l'Islam lui-même, pris en otage par la dérive sectaire du salafisme. Dire, comme certains médias, que le burkini a pour but de «permettre aux femmes musulmanes de se baigner», c'est tomber dans l'amalgame que l'on prétend dénoncer. En France, tant au regard de la tradition républicaine que des prescriptions islamiques, «les femmes musulmanes» ne sont pas assignées à une tenue vestimentaire obligatoire. Ni en ville, ni à la plage. Gare à la «burkinisation» insidieuse des esprits.
gob a écrit:volontaire ou pas le gosse ?
car Boko Haram a déjà fait cela avec des fillettes qui ne savaient pas qu'elles transportaient des explosifs ( actionnés a distance).
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