Hier, la prof principale d'une de mes classes de 4ème (qui me bordélise quand même assez souvent et qui compte quelques cas) m'a demandé d'aborder l'actualité avec eux, étant donné des réactions franchement débectantes qu'elle a entendu à l'occasion de la minute de silence, et qu'elle n'a pas réussie à stopper. Je ne voulais pas le faire avec eux, puis finalement je l'ai fait.
Je fais rentrer mes mômes, au sortir de la récréation de 15h. Ils sont, comme d'habitude, hyper excités.
Ce qui est en italique est de moi, ce qui est surligné est des élèves.
Le ton est donné dès l'entrée, avec un môme qui me dit : "je suis xxxxx (son prénom) Kouachi".
L'heure s'annonçait longue.
J'explique qu'aujourd'hui on ne fera pas un cours comme les autres jours.
Je lance le sujet, et là, 2 ou 3 gamin(e)s monopolisent la parole. J'instaure un tour de parole, les mômes, comme d'habitude, ont du mal à s'écouter, je dois hausser le ton régulièrement.
Première phrase lancée par l'une des gamines qui tenaient la veille des propos dégueulasses. (J'ai plus les propos tels quels, mais la teneur reste la même).
" Vous, vous êtes là vous parlez de Charlie Hebdo, ils ont insulté l'islam et le prophète, et vous parlez de liberté d'expression. Quand c'est Dieudonné, on interdit ses spectacles, quand c'est la Palestine et les sionistes, on en parle pas)."
"Tu parles de ce qui s'est passé cet été ?"
"Oui"
"Si tu sais ce qui s'est passer, c'est donc qu'on en a parler.
« Oui mais... ». Elle n'avait plus grand chose à dire, je reprends.
« Dieudonné, sur scène, ses propos relèvent de l'humour. Ce qui n'est pas acceptable et accepté, c'est qu'il exprime les mêmes en interview, de manière politique donc. »
Un autre intervient
"Ils l'ont juste boycotté et mis en prison pour une quenelle et des blagues sur les Juifs".
"Il n'est pas en prison. Les blagues sont sur scène, écoutez, allez sur youtube, et vous verrez qu'il dit les mêmes choses en dehors de scène. Vous comprendrez pourquoi il a été condamné et est interdit de spectacle."
J'insiste pour expliquer qu'ils ont fait des caricatures, de l'humour donc. Je leur explique qu'être blessé, se sentir insulté par ces caricatures, lorsque l'on est croyant, est tout à acceptable.
Réponse de la plus virulente : « Ça a fait rire qui ? » *5 Avec une certaine agressivité.
« Certains, pas tous, pas toi, et c'est ton droit le plus strict ».
Et là j’enchaîne "Cela justifie-t-il que l'on assassine des personnes ?".
Réponse de ma gamin "Non mais ils ont été prévenus, ils ont continué et ont insulté. Dieu comprend leur mort ».
J'explique calmement que sa réponse me choque.
Le débat se poursuit, avec d'autres, je m'évertue à déconstruire chacun de leurs arguments (je précise aussi que les propos nauséeux ne sont le fait que de 4 ou 5 élèves, ce qui est déjà trop, on est d'accord, les autres comprennent les choses plus convenablement)
Ex : "François Hollande et Marine Le Pen sont juifs".
"Non."
"Ah bon ?"
"Et non".
"Oui mais vous ...."
"C'est qui vous ?"
"Ben les Français, les chrétiens quoi".
"Tous les Français ne sont pas chrétiens. Toi, tu es née où ?"
"En France".
'Donc tu es française. Tu es musulmane ?"
"Oui".
"Donc tu vois, tous les Français ne sont pas forcément chrétiens".
Plus tard, alors qu'une autre élève a la parole, mon élève virulente envoie à un de ses camarades « Sale roumain ».
Je lui lance directement :
« Tu as vu ce que tu as dit ?
Imagine que je suis un extrémiste roumain, je suis blessé et insulté par tes propos.
Demain, je vais donc prendre une kalachnikov, et te fusiller.
« Dieu comprendre ta mort ? » »
« Non mais c'est de l'humour, c'était pour rire »
Je m'assois calmement, la fixe, et lui dit :
« Et ça a fait rire qui ? »
Elle baisse la tête, le reste de la classe rigole, certains lui disent « voilà, tais toi maintenant »
Elle finit par dire « non mais, non mais, c'est pas pareil... »
Elle n'avait plus rien à dire et a fini par reconnaître que tuer pour des dessins c'est quand même grave, même si les dessins sont blessants.
Une autre élève virulente resta sur son simili de position initiale, mélangeant tout et n'importe quoi (difficile à retranscrire tant je n'y comprenais pas grand chose moi même, à part que "caricaturer le prophète c'est mal et qu'ils l'ont mérité"). Malheureusement, j'ai pas pu la convaincre. Triste.
"XXXX Kouachi", a fini lui aussi par reconnaître que tuer pour des dessins était grave et n'importe quoi.
C'était une heure de classe éprouvante, les préjugés sont grands, l'ignorance est immense.
J'arrive quand même à y voir un peu de positif.