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Le Medef, la CGPME et l’UPA ont envoyé aux syndicats un document détaillant leurs propositions de réforme de l’Unédic. Le patronat veut limiter les avantages des seniors, renforcer les contrôles, revoir le calcul des allocations et faire varier la durée des droits selon le niveau du chômage.
La négociation sur l’assurance-chômage peut enfin vraiment démarrer. Après trois réunions centrées sur la seule question spécifique des intermittents et un quatrième rendez-vous, mi avril, marqué par l’attentisme , les discussions vont s’accélérer et rentrer dans le vif, ce jeudi, au siège du Medef.
Mardi, le Medef, la CGPME et l’UPA se sont réunies pour finaliser leurs propositions communes de refonte du régime, fragilisé par une dette cumulée record de 26 milliards d’euros. Mardi soir, ils ont fait parvenir aux syndicats un document de 9 pages, dévoilé par « l’Opinion » et dont « Les Echos » ont aussi obtenu copie (voir ci-dessous). Cette première ébauche d’accord est par définition appelée à fortement évoluer, le patronat y forçant volontairement le trait pour ensuite l’assouplir, approche classique de négociation. Mais il n’en est pas moins riche d’enseignements sur les pistes sur la table et les leviers à l’étude pour dégager quelques 800 millions d’euros d’économies par an sur le régime, comme le gouvernement s’y est engagé auprès de Bruxelles.
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Elles passeront forcément, pour tout ou partie, par un recul des droits. D’autant que si les syndicats espèrent bien trouver des recettes nouvelles, le document patronal se garde bien d’évoquer la piste de la surtaxation des contrats courts. Il y a quinze jours, pour calmer la grogne des étudiants et rassurer sa majorité parlementaire, Manuel Valls a annoncé qu’il inclurait cette mesure dans le projet de loi El Khomri , laissant aux partenaires sociaux la responsabilité de fixer, dans le cadre des discussions Unédic, le niveau et les modalités de cette surtaxation.
Mais le patronat, qui l’a vécu comme une déclaration de guerre, reste vent debout contre et décidé à faire reculer le gouvernement. La CGPME et le Medef sont allés jusqu’à menacer de quitter la table des discussions sur l’assurance-chômage si l’exécutif ne recule pas dans les semaines qui viennent.
Les seniors dans le collimateur
Outre les intermittents du spectacle, qui doivent conclure ce mercredi soir au ministère du Travail , leur propre négociation avec le patronat de leur secteur, les seniors sont aussi dans le collimateur du patronat pour leurs avantages spécifiques. Aujourd’hui, les plus de 50 ans bénéficient de jusqu’à trois ans d’allocation, contre deux ans pour les autres. Or le fort taux d’activité des 50-55 ans et le passage de 60 à 62 ans de l’âge légal de départ en retraite ne justifie plus, pointe le patronat, de telles mesures.
Dans un rapport publié en janvier sur les comptes de l’assurance-chômage, la Cour des comptes dressait le même constat et préconisait de ne maintenir la durée maximale de trois ans d’indemnisation que pour les plus de 55 ans, ce qui représenterait une économie de 450 millions d’euros. Dans son document, le patronat pousse le curseur jusqu’à 59 ans... pour mieux le rabattre ensuite. Cette piste, discutée de longue date avec les syndicats réformistes, aura alors de bonne chance d’aboutir.
Des mécanismes de stabilisateurs automatiques
Les principales mesures portées par le patronat, et les plus structurelles, portent sur une modification des modalités de calcul du montant et de la durée de l’indemnisation. Pour « corréler l’indemnisation avec la situation effective sur le marché du travail », le patronat, Medef en tête, propose de faire varier, à la hausse ou à la baisse, le ratio « jour cotisé : jour indemnisé » « selon les variations du taux de chômage constatées sur deux trimestres consécutifs ».
En clair, plus le taux de chômage serait élevé, plus la durée d’indemnisation serait longue, et vice-versa. Le document évoque par exemple, au-delà de 12 % de chômage, 1,2 jour de droit à allocation par jour de travail cotisé. Sous 8 % de chômage, on tombe à 0,8 jour. De tels mécanismes de stabilisateurs automatiques sont en place, sous différents formes, dans des pays étrangers, comme les Etats-Unis ou la Suisse.
Contrer les comportements d’optimisation
La refonte du montant des allocations est plus complexe. Elle vise notamment à contrer un effet pervers de la convention actuelle, dont les mécanismes de cumul allocation et activités partielles ont engendré chez les employeurs des comportements d’optimisation du système avec des logiques de « permittence » (aller-retour permanent entre des contrats précaires et les revenus de complément à l’Unédic) dénoncées cet automne par une étude de l’économiste Pierre Cahuc pour le Conseil d’analyse économique.
Plutôt que de se baser sur le salaire journalier pour déterminer le montant de l’indemnité, le camp patronal envisage de prendre pour référence « le salaire moyen mensuel perdu », en insistant sur la nécessité « de revenir aux fondamentaux de l’assurance-chômage qui consiste à verser un revenu de remplacement, et non un revenu de complément ». Pour de nombreux chômeurs, cela pourrait déboucher sur une allocation journalière en recul, mais potentiellement versée sur une durée plus longue (en gardant la limite actuelle de 24 mois hors seniors).
Une forme de dégressivité
Cette piste « remplace » celle, un temps évoqué, de rendre les droits dégressifs, dont l’efficacité fait débat et à laquelle les syndicats s’opposent unanimement. Le document patronal évoque toutefois une forme de dégressivité, mais sous le seul angle de la sanction pour les chômeurs ne remplissant leurs obligations de recherche active d’emploi. En la matière, pour « réaffirmer une logique de droits et devoirs qui passent par un suivi plus poussé du demandeur d’emploi, mais aussi un contrôle de la recherche d’emploi renforcé », le document patronal appelle à « renforcer les équipes de conseillers dédiés au contrôle de la recherche d’emploi » et à revoir le régime de sanctions en cas de manquement constaté doit être revu « pour être plus progressif, mieux appliqué, et donc plus juste ».
Le document patronal appelle enfin l’Etat à prendre ses responsabilités pour réduire le déficit du régime : en revenant sur les conventions d’assurance-chômage pour les transfrontaliers, en particulier avec la Suisse et le Luxembourg, qui coûtent cher au système français ; en gelant la lourde contribution annuelle de l’Unédic au fonctionnement de Pôle emploi, manière d’appeler l’Etat à remettre lui-même au pot ; en supprimant le système d’ « opting-out » des employeurs publics, qui reportent lui aussi sur l’Unédic des dépenses qui devraient être du domaine public. Ces dernières pistes sont défendues de longue date, entre autres, par l’Institut de l’entreprise.