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Son récit d’une agression antisémite avait suscité une vive émotion quelques jours après les attentats de Paris en novembre: un enseignant juif marseillais, soupçonné d’avoir tout inventé, sera jugé en avril pour «dénonciation mensongère», les expertises concluant à une probable «auto-mutilation».
Ce rebondissement survient dans un climat tendu dans la communauté juive de Marseille, une ville dont le président du consistoire a été jusqu’à suggérer récemment aux juifs de ne plus porter la kippa dans la rue. Cette recommandation polémique avait été formulée après l’agression d’un autre professeur juif, avérée celle-ci, survenue le 11 janvier. Un adolescent turc d’origine kurde avait revendiqué cette attaque à la machette, au nom de Daech, et avait été mis en examen.
Dans l’affaire de novembre, le parquet de Marseille, qui avait confié une enquête «particulièrement approfondie» aux policiers de la Sûreté départementale, a annoncé jeudi à l’AFP conclure à une probable «auto-mutilation» de ce professeur, Tsion Sylvain Saadoun.
La justice a notamment examiné les déchirures des vêtements du professeur, ainsi que les lésions de sa peau, qui ne corroboraient pas la version des faits présentée par la «prétendue victime d’une tentative de meurtre», pas plus que «l’expertise médico-légale», détaille le ministère public dans un communiqué.
Les premières constatations des pompiers qui étaient intervenus auprès de M. Saadoun ne collaient pas, elles non plus, avec sa version.
Le parquet, qui aurait également pu, si l’affaire le nécessitait, ouvrir une information judiciaire confiée à un juge d’instruction, a opté pour une procédure plus rapide, de comparution devant le tribunal correctionnel, fixée au 13 avril 2016. M. Saadoun risque six mois d’emprisonnement et 7.500 euros d’amende.
De son côté, ce dernier, qui avait été placé en garde à vue mercredi, «a maintenu ses déclarations dans les moindres détails», a précisé son avocate Me Karine Sabbah. «Il est vraiment désolé qu’on ne le croie pas».
«Au stade où en est cette procédure, nous n’avons aucun élément pour prendre position. Nous faisons confiance à la justice», a réagi dans un sms envoyé à l’AFP Michèle Teboul, la présidente du Crif Marseille-Provence.
-Vague d’indignation-
Quelques jours après les attentats de Paris et de Saint-Denis, le récit de l’agression supposée de M. Saadoun, ainsi que celle, la veille, d’une jeune musulmane voilée à la sortie d’une bouche de métro marseillaise, avait suscité une vague d’indignation.
Le président François Hollande avait appelé à «une terrible, impitoyable même, réaction».
«Ils m’ont demandé si j’étais juif ou musulman. Et quand j’ai dit que j’étais juif, ils se sont rués sur moi et m’ont jeté à terre, en me disant qu’ils allaient me faire souffrir et me tuer», avait raconté à l’époque le quinquagénaire à des journalistes.
Le professeur avait abondamment relaté sa supposée agression devant les médias, aux côtés de responsables de la communauté juive marseillaise.
Ils l’ont «tailladé avec deux couteaux» et lui ont montré une photo de Mohamed Merah et un tee-shirt de Daech, avait-il dit. «Puis un troisième homme est arrivé avec un autre scooter et a filmé la scène». Ces agresseurs étaient de «jeunes adultes d’une vingtaine d’années», avait-il aussi assuré.
En décembre, un instituteur de 45 ans avait déclaré avoir été victime d’une attaque terroriste dans sa classe de maternelle à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis): accusé de dénonciation de crime imaginaire, il a été relaxé début février en raison d’un vice de procédure, une décision dont le parquet a fait appel.
En juillet 2004, l’agression antisémite imaginaire d’une jeune femme de 23 ans, Marie Leblanc, dans le RER B, avait marqué durablement les esprits. La jeune femme avait été condamnée à 4 mois d’emprisonnement avec sursis pour cette dénonciation mensongère.
AFP