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Claude Hermant, figure de l’ultradroite identitaire lilloise et ancien indicateur de la gendarmerie et des douanes à Lille, a enfin été auditionné par la sous-direction antiterroriste de la PJ (Sdat) dans le cadre de l’instruction sur les attentats de janvier. Il a été placé en garde à vue ce mardi matin, en même temps que son épouse Aurore Hermant-Joly, gérante de la société par laquelle avaient transité des armes qui se sont retrouvées entre les mains d’Amedy Coulibaly, l’auteur de l’attaque contre l’Hyper Cacher et de l’assassinat de la policière de Montrouge, Clarissa Jean-Philippe. Le couple est soupçonné d’être impliqué dans le réseau qui a fourni des armes au terroriste, notamment un fusil d’assaut CZ et quatre pistolets Tokarev retrouvés dans l’épicerie de la porte de Vincennes et dans l’appartement loué par le jihadiste à Gentilly (Val-de-Marne).
Jusqu’ici, aucun lien direct n’avait pu être établi entre Claude Hermant et Amedy Coulibaly. Depuis le 23 janvier, l’identitaire de 52 ans, à la carrure de catcheur, tenancier d’une friterie à Lille était en détention provisoire, au centre d’une information judiciaire ouverte à Lille pour un «trafic d’armes en bande organisée», qui à l'époque n'avait pas de lien direct avec la tuerie de l'Hyper Cacher. En mai et en septembre, des informations selon lesquelles il était un informateur des gendarmes dans ce même trafic d’armes, ont filtré dans la Voix du Nord et Mediapart. Dans le dossier, cité par la Voix du Nord, un mail du 21 novembre 2014 des gendarmes l’autorisait à travailler sur un trafic d’armes franco-belge à Charleroi : «Salut Claude, nous avons vu avec notre hiérarchie, nous sommes partants pour les deux dossiers que tu nous as présentés (armes-Charleroi…).» L’information judiciaire a été ouverte dès le 7 mai 2014, six mois avant ce mail, et huit avant les attentats de Paris.
Un indic de la gendarmerie
Depuis, c’est secret défense. Les gendarmes sont-ils passés à côté de Coulibaly ou de ses fournisseurs alors qu’ils avaient le nez dessus ? C’est ce que sous-entend Claude Hermant, qui assure n’avoir fait que travailler pour son pays. Il avait glissé en guise d’indice entre deux gardes à vue en mai à des journalistes de la Voix du Nord qu’il ne serait pas «le prochain Marc Fievet», du nom d’un ancien douanier français infiltré chez les narcotrafiquants, lâché après avoir été arrêté au Canada, et incarcéré onze ans. Une enquête de Mediapart, parue en septembre, est venue confirmer des informations de la Voix du Nord selon lesquelles Claude Hermant était un indic de la gendarmerie, et qu’il avait donné aux gendarmes une piste sur un réseau de vente d’armes qui a servi à alimenter Amedy Coulibaly. Un adjudant cité dans le dossier indique selon le journal en ligne qu’Hermant est «informateur immatriculé depuis 2013».
«Nous allons voir ce que les enquêteurs vont nous dire, glisse Maxime Moulin, conseil de Claude Hermant. Mais pour l’instant, rien de nouveau. Les informations sur la société gérée par son épouse sont connues de longue date.» Il ironise : «On s’intéresse à une piste qui est dans le dossier depuis janvier. Soit on a cherché longtemps, et on a une information qui n’a pas encore été portée à notre connaissance. Soit on entend mon client onze mois après, et c’est un peu tard. Qu’il soit auditionné, c’est dans la logique des choses. Mais je suis surpris que ça arrive si longtemps après les faits.» Le fait que le parquet n’ait pas nié le contenu des mails qui ont filtré, mais aussi ce secret défense qu’on lui oppose dans le dossier lillois, donnent selon lui du crédit à la version défendue par Claude Hermant : «S’il n’y avait pas de lien avec la gendarmerie, il n’y aurait pas de secret défense.»
Ancien mercenaire
«On a un PV dès le mois de janvier qui fait le lien entre Charlie Hebdo et ma cliente», ajoute Guillaume Ghestem, l’avocat d’Aurore Hermant-Joly. Dans le procès-verbal : la trace d’armes retrouvées dans l’Hyper Cacher, et dans l’appartement d’Amedy Coulibaly, passées par la société d’Aurore Joly. «Si on a attendu si longtemps, je suppose que c’est parce qu’ils ont des éléments qui permettent de démontrer que ma cliente n’est pas si impliquée. Sinon, cela aurait été fait depuis janvier.»
Quand Claude Hermant a été arrêté en janvier, il était vendeur de frites occasionnel à Lille le jour, et surveillant d’internat dans un centre médico-pédagogique de la région trois nuits par semaine. Sa friterie, la Frite Rit, dont le fonds appartient à sa compagne, était le QG de militants de l’ultradroite locale. Le week-end, il animait des séances de paintball dans la campagne lilloise. Il a été un des organisateurs d’une manif identitaire à Lille en octobre 2001, avec Serge Ayoub, le chef de Troisième Voie, mouvement dissous après l’assassinat du militant antifa Clément Méric. Ce fils d’un mineur communiste et d’une femme au foyer est ancien membre du service d’ordre du FN, ancien para et ancien mercenaire au Congo et en Croatie. Il a été responsable de la sécurité de la controversée Maison du peuple flamand de Lambersart, près de Lille, ouverte entre 2008 et 2012, repaire d’identitaires, avec laquelle il organisait des «camps Arès», du nom du dieu grec de la guerre, avec réveils la nuit, marches forcées, techniques de survie et messes