Squall a écrit: C'est positif donc ?
Positif pour qui ? Je suis sûr que c’est positif pour quelqu’un, au moins sur le court terme.
J’imagine que tu voulais dire « est-ce que c’est globalement positif, au sens général, est-ce que cela va améliorer la vie matérielle des gens, notamment ceux qui sont le plus dans le besoin ?».
Dans ce cas, la réponse est pour moi négative pour les raisons suivantes.
Déjà, rappelons que notre société n’a jamais été aussi riche dans ses possibilités : nous sommes capable de faire beaucoup plus aujourd’hui avec beaucoup moins. C’est somme toute logique, puisqu’en 70 ans nous avons fait d’innombrable progrès, tant dans le savoir, que dans les méthodologies de production... et non l’inverse.
Nous consommons plus de ressources naturelles aujourd’hui qu’hier, et demain, malheureusement encore plus. Il y a aura un problème de manque de ressource dans le futur, mais nous sommes présentement pas impacté économiquement puisque nous en prenons davantage qu’hier.
Malgré cela, nous n’avons pas été capable au niveau du système de répondre à la pauvreté, aux inégalités… Pire, il semblerait que ces maux augmentent.
Il y a donc un paradoxe manifeste entre ce qu’on peut matériellement faire aujourd’hui, et ce qu’on en fait.
De cette observation, nous pouvons convenir que nous avons avant tout un problème de redistribution, d’affectation de la richesse créée. La richesse et ses possibilités, elle, ne manque pas.
Fort de ce constat, nous pouvons analyser l’efficacité d’une baisse d’impôt sur les sociétés. On rappellera que l’impôt est une allocation de ressource, il ne s’agit pas d’une perte absolu de la richesse créée, qui elle, on l’a vu, n’a cessé de croître (également en rapport sur population).
Pour que la baisse de l’impôt soit une mesure positive pour l’intérêt général, cela sous-entend qu’aujourd’hui, il y a un transfert de richesse des plus pauvres vers les plus riches via l’impôt. Soit parce que l’impôt est prélevé davantage chez les pauvres que chez les personnes aisés, soit parce que l’impôt est reversé sous une forme ou sous une autre davantage vers les personnes aisées que vers les personnes pauvres.
On parle ici de l’impôt sur les sociétés, c’est-à-dire un impôt directement prélevé sur ceux qui détiennent la richesse. En effet, aujourd’hui, la richesse appartient pour grande partie au capital, bien plus qu’il y a quelques décennies : la part de la richesse reversée au capital est plus élevée.
On notera d’ailleurs aussi, que de plus en plus d’entreprise se financent sur les marchés financiers, là où avant, il y avait d’autres modèles (Nationalisation, banque)… Parce que la capital peut s’accumuler, là où les bas salaires sont consommés à flux tendu, nous constatons une concentration de la richesse. Parce que l’activité économique se décide sur un marché, c’est-à-dire que celui qui dispose le plus de capital décide davantage de l’économie, nous arrivons à une situation où quelques très gros acteurs dictent leur lois.
Aussi, une grande entreprise pourra choisir quel prestataire choisir, et pourra faire jouer la concurrence entre ces derniers pour influencer le prix. De là en résulte la relativité de la valeur. La valeur n’est plus absolu, elle est relative au rapport de force entre les acteurs. Cela ne peut pas être autrement après tout, mais c’est très prononcé actuellement.
C’est ce qui explique pourquoi nous sommes dans cette situation absurde, où nous constatons d’énorme progrès d’un point de vue matérielle, mais une dégradation dans les faits de l’existence de bien des individus.
Les impôts représentent donc un élément exogène au marché. C’est-à-dire que indépendamment du poids de l’entreprise, elle devra s’acquitter d’une partie de la richesse créé. Je mets de côté volontairement pour l’instant le fait que les grandes entreprises peuvent trouver des parades et la présence du multiples marchés … On y reviendra.
Parce que les acteurs ne font pas le même poids, une baisse d’impôt ne produira pas les mêmes effets pour tout le monde. Prenons l’exemple de 10 petites entreprises qui se battent entre elles pour gagner un marché auprès d’une grande entreprise. Une baisse d’impôt de 20 % ne va pas améliorer de 20 % la situation de toutes les entreprises. Les petites entreprises en concurrence, vont pouvoir baisser de 20 % leur prix de vente auprès de la grosse, qui elle à la fois verra le prix de la prestation baisser, mais aussi ses impôts.
Elle est donc gagnante à double titre là où les petites entreprises n’ont rien gagné. Pire, sur le court terme, pour peu qu’une partie des 20 % d'impôts lui était redistribué sous une forme ou sous une autre par l’état, elle est perdante (sur le long terme cela va de nouveau s’équilibrer – l’équilibre étant un nivellement vers le bas de la « santé » des petites entreprises).
La baisse d’impôt sur les sociétés ne résout donc aucun problème d’intérêt général. Par contre, il est sur le court terme positif pour les milliardaires comme Trump.
Pour les différents marchés et les parades, comme l’a dit Rob, puisque les capitaux sont libres de bouger, les capitaux iront aux mieux disant, même si cela n’est pas qu’une histoire d’impôt. C’est donc avant tout un problème pour les hausses d’impôts.
Si on veut s’attaquer à la pauvreté et autres graves problèmes de ce type, il n’y a pas d’autres moyens que de se réapproprier collectivement l’activité économique.