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"Connus pour leur radicalisation", assure François Molins, les deux hommes de nationalité française "aussi méfiants que déterminés", "sont fichés S depuis 2016 et 2015". Mahiedine Merabet et Clément Baur ont partagé la même cellule en détention il y a deux ans.
Le premier, dont le casier judiciaire porte 12 condamnations pour des faits de droit commun (vols aggravés, violences...), a été condamné à 3 ans de prison ferme en 2013 pour trafic de drogue. Lors de son incarcération, il a rencontré Clément Baur, dont le casier porte deux mentions, condamné le 19 janvier 2015 à quatre mois de détention pour détention et usage de faux documents.
Dans le viseur de la DGSI depuis plusieurs semaines
Selon François Molins, Clément Baur s'est converti en 2007 à l'islam, "au contact d'hommes issus de la communauté tchétchène à Nice". La radicalisation de cet homme de 23 ans a été signalée par ses proches en mars 2015, dès sa sortie de prison. Depuis, l'homme multipliait les points de chute et les fausses identités, en utilisant notamment celle d'un djihadiste tchétchène.
La radicalisation de Mahiedine Merabet a également été confirmée par ses proches, qui ajoutent avoir eu connaissance de sa proximité avec Clément Baur, indique le magistrat. Les deux hommes, arrêtés "dans le cadre d'une enquête en flagrance ouverte le 12 avril par la section antiterroriste du parquet de Paris", étaient dans le viseur des services de renseignement français depuis plusieurs semaines.
"Je vis d'amour et d'eau fraîche", "Je médite. Salut"
Mahiedine Merabet était introuvable depuis une perquisition administrative menée en son absence à son domicile de Roubaix le 7 décembre 2016. Les enquêteurs avaient trouvé un drapeau du groupe terroriste État islamique et "de la documentation djihadiste sur un ordinateur", relate le magistrat. L'homme devait se faire notifier une assignation à résidence, mais il n'a jamais regagné son domicile. Par contre, chez lui, les policiers ont fait la connaissance de Clément Baur, qui utilise déjà une fausse identité.
La trace de Mahiedine Merabet est retrouvée le 4 avril. Dans un enveloppe adressée aux policiers du commissariat de Roubaix, l'homme a placé sa carte d'identité et une carte bancaire. "À cause de vous, je n'en ai plus l'utilité", écrit-il notamment dans un courrier joint. Puis il ajoute de mystérieuses phrases: "On se rencontrera", "Je vis d'amour et d'eau fraîche", "Je médite. Salut".
"L'appartement conspiratif" localisé
Le lendemain, une enquête préliminaire visant l'homme de 29 ans est ouverte. Puis, quelques jours plus tard, il cherche à entrer en contact avec le groupe terroriste État islamique et à lui transmettre une vidéo d'allégeance. Dans cette vidéo interceptée par la DGSI le 12 avril, François Molins affirme qu'apparaissent "un fusil, un drapeau de l'EI, des dizaines de munitions disposées pour former l'expression 'loi du talion', une Une d'un quotidien daté du 13 mars 2017 [sur laquelle apparaît François Fillon], ainsi qu'un montage composés d'images d'enfants victimes de bombardement et des versets coraniques appelant à la vengeance".
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À partir de là l'enquête s'accélère. Ce mardi, les enquêteurs de la DGSI ont réussi à localiser l'"appartement conspiratif" où se trouvent Mahiedine Merabet et Clément Baur, poursuit le procureur de Paris. Le logement étudiant est "loué depuis le 1er avril par Clément Baur et payé en liquide". L'interpellation des deux suspects est effectuée dans la foulée.
TATP, tenues de chimistes et cagoule
Lors de perquisitions menées ce mardi dans l'appartement, les enquêteurs sont tombés sur un arsenal imposant: des armes de poing, dont un fusil-mitrailleur, deux pistolets automatiques, des dizaines de cartouches, un pistolet silencieux, des sacs et boites de munitions, ou encore un couteau de chasse. Les policiers découvrent aussi de nombreux produits permettant de fabriquer une bombe ou en tout cas de la matière explosive en quantité importante.
François Molins évoque notamment "trois kilos de TATP [de l'explosif artisanal], de l'acétone, de l'eau oxygénée, de l'acide sulfurique", mais aussi "des tenues de chimistes, des mèches, des pétards, des boulons et une grenade artisanale". Les enquêteurs ont également mis la main sur "un drapeau de Daech, un coran, une cagoule noire, un masque de carnaval de type 'anonymous' et une perruque". Enfin, dans l'appartement était accroché un plan de la ville de Marseille et des photos "d'enfants morts, victimes de bombardements", affirme le magistrat.
La garde à vue des deux suspects se poursuit ce mardi soir. Elle peut atteindre les 96 heures, puisqu'il s'agit d'une enquête portant sur des faits de terrorisme.