Dragan a écrit:
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Les efforts engagés depuis 2003 pour faire converger les retraites du public et du privé sont largement insuffisants. Une série d'avantages dont bénéficient toujours les fonctionnaires rend l'équilibre du régime de retraite fragile et non pérenne. La Cour présente différents scénarii, dont un qualifié de «Big Bang».
Dans un rapport volontariste sur le régime de retraite des fonctionnaires, dix ans après le précédent, la Cour des comptes juge que les réformes engagées depuis 2003 restent insuffisantes. Elle reconnaît que les efforts pour faire converger les régimes de retraite du public avec le privé sont réels, notamment sur les âges de départ et le taux de remplacement des pensions par rapport aux rémunérations d'activité. Mais la Cour juge cette convergence «partielle et fragile». Résultat, les sages de la rue Cambon estiment qu'en termes de soutenabilité financière des régimes, «le point d'équilibre apparent n'est pas durable». Dit autrement, il sera difficile de payer les pensions publiques dans le futur sans réaliser de nouvelles réformes.
Plusieurs différences majeures subsistent. Primo, les cotisations ne sont toujours pas assises sur la même base. Alors que les salariés du privé cotisent sur la totalité de leur salaire, les fonctionnaires continuent à ne cotiser que sur leur traitement indiciaire, c'est-à-dire sans englober toutes les primes. Un dispositif qui avantage fortement les hauts fonctionnaires pour qui les primes constituent 55% à 60% de la rémunération... mais très peu les enseignants (pour qui les primes ne dépassent pas 11%) ou les professeurs des écoles (5% à 6%).
Le retour à l'équilibre financier n'est pas durable
Secundo, les retraites des fonctionnaires restent calculées sur les six derniers mois de traitement alors que celles des salariés le sont sur les 25 meilleures années. Si cette règle n'implique pas aujourd'hui des taux de remplacement substantiellement différents, elle pourrait contribuer à creuser l'écart dans les années à venir, alerte la Cour. Concernant les avantages familiaux, si certains sont favorables aux fonctionnaires, d'autres non. Tout ne va pas toujours dans le même sens, note la Cour. Enfin, si on entend souvent que le taux maximum de liquidation est de 75% pour les fonctionnaires contre seulement 50% dans le privé, en réalité le différentiel n'est pas de 25% mais beaucoup plus réduit, précise la Cour.
En fait, la vraie différence public/privé se joue surtout avec une catégorie bien particulière de fonctionnaires, la «catégorie active», au nombre de 700.000, qui bénéficient d'avantages spécifiques (policiers, pompiers...). Par exemple, ils partent en moyenne en retraite 4 ans plus tôt.
Du fait de ces avantages spécifiques à certaines catégories et de l'évolution démographique, les régimes de retraite des fonctionnaires vont continuer à peser sur les finances publiques. Le retour à l'équilibre du régime des fonctionnaires de l'État n'est envisageable qu'au prix du maintien d'un taux de contribution élevé, pesant sur les dépenses de l'État. Pour la Fonction publique hospitalière et la Territoriale, il faudra impérativement relever les taux de cotisations, à règles inchangées, pour rester à l'équilibre, prévient la Cour.
Scénario socialement difficilement acceptable
Pour prévenir ces risques, la Cour a envisagé différents scénarii dont le plus radical alignerait le régime des fonctionnaires sur celui des salariés du privé, non seulement pour les nouveaux agents mais également pour les agents en poste. Un vrai Big Bang qui serait, reconnait la Cour, socialement difficilement acceptable, techniquement difficile à mettre en œuvre et ne deviendrait rentable qu'au bout de... 17 ans!
Du coup, la Cour a examiné d'autres évolutions possibles, plus aisées à mettre en œuvre, sans remettre en cause l'existence même des régimes de la fonction publique. Elle identifie ainsi sept leviers en vue d'ajuster progressivement certains paramètres de calcul des pensions des fonctionnaires, comme l'allongement de 5 à 10 ans de la période de référence -ce que François Fillon voulait faire dans la réforme de 2003-, l'élargissement de l'assiette des cotisations et de calcul des pensions par l'intégration d'une partie des primes -ce qui a commencé à être fait dans la réforme de 2003-, la suppression de certaines bonifications, l'évolution de différentes règles relatives aux catégories actives, l'harmonisation progressive des droits familiaux et conjugaux. Enfin, la Cour formule différentes recommandations afin de renforcer la gouvernance des régimes et leur pilotage financier.
Le paradoxe avec la cour des comptes, c'est qu'elle est souvent dans une logique purement financière, se refusant à faire des bilans politiques tout en proposant des solutions qui le sont.
A la lecture de ce compte-rendu, on se rend compte de quoi ?
1) Depuis des années, on recule l'âge de la retraite en promettant de sauver le système. Cf l'actuel argument de campagne de Sarkozy au cours de laquelle il se vante d'avoir sauvegardé le système après avoir sauver le monde de la crise des subprimes (je n'invente rien). On voit aujourd'hui que ce n'est pas le cas. Donc, demain, il y a aura d'autres sauveurs (voir les programmes de Juppé et Fillon), avec le même constat alarmiste pour, au final, ne rien changer au problème. On va évoquer que les gens vivent plus vieux alors que l'espérance de vie, pour la première fois depuis 60 ans, a baissé en 2015. Mais surtout : l'espérance de vie
en bonne santé, elle, stagne depuis des années voire diminue. Résultat : les gens partiront de toute façon quand ils n'en peuvent plus de travailler mais avec une pension plus petite et les chômeurs séniors resteront au chômdu plus longtemps. On soulagera le système de retraites tout en aggravant l'assurance chômage et en pénalisant la consommation, donc la croissance.
2) Ce rapport ne fait aucune distinction dans ce qu'elle appelle la retraite des fonctionnaires. Une analyse plus fine fait apparaître que le système des retraites de la fonction publique territoriale est bénéficiaire. Celle qui ne l'est pas, c'est celle de la fonction publique d'Etat. Comment pourrait-il en être autrement alors que depuis des années,
l'Etat supprime des postes ? Les dirigeants au pouvoir donnent des gages à Bruxelles en diminuant le nombre de ses fonctionnaires, en dévalorisant le service public mais se plaint ensuite qu'il n'y ait plus personne pour payer les cotisations.
3) Au final, ce problème est le même que celui de la Sécu. Oui, faire en sorte que chacun puisse profiter d'une retraite en bonne santé et avec une pension suffisante, ça coûte des sous. Tout comme ça coûte d'être en bonne santé. Mais le déficit des retraites, ce n'est même pas 0.2 % du PIB. On titre, en une des journaux, que le déficit atteint des milliards d'euros pour effrayer le lecteur. Mais qui a le réflexe de rapporter ça au budget de l'Etat et des richesses produites en France en une année ?
Le plus scandaleux dans tout ça, c'est qu'on évite, encore une fois, d'évoquer le vrai problème qui plombe les comptes publics, sécu et retraites : le chômage et la consommation. Si demain, on passe à une période de plein-emploi avec un chômage de 3 ou 4 %, il n'y a plus aucun déficit. Sauf que nos politiques savent très bien qu'ils n'ont aucune marge à ce niveau-là. Mener une politique d'investissement et de relance de l'économie leur est interdit par Bruxelles. Tout ce qu'ils peuvent faire, c'est flexibiliser le marché du travail, développer le temps partiel subi et les petits boulots, comme en Allemagne ou en Angleterre et favoriser les épargnes complémentaires privées. Avec d'un côté, ceux qui sont en CDI, qui gagnent confortablement leur vie, qui sont mieux soignés et partiront tranquillement à la retraite. Et le reste condamné à galérer toute une vie puisque ce n'est pas avec des temps partiels qu'on prépare sa retraite.
En résumé, la cour des comptes ne fait pas de politique mais un peu quand même quand il s'agit de proposer des solutions qui touchent au modèle de société que l'on souhaite, sujet qui devrait être débattu démocratiquement.