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La ville natale du tennisman Björn Borg est surnommée la « petite Jérusalem », car elle accueille quelque 25 000 chrétiens du Moyen-Orient, les Assyriens, majoritairement venus de Turquie, d'Irak et de Syrie à partir de la fin des années 1970. Véritable pilier de la ville, la communauté dispose de quatre églises orthodoxes syriaques, de deux équipes de foot professionnelles (Assyriska FF et Syrianska FC) et d'une chaîne de télévision sur Internet. Elle ne cesse de grandir. « Depuis le début du conflit en Syrie, en 2011, Södertälje a accueilli 4 000 réfugiés syriens » s'enorgueillit la maire social-démocrate, Boel Godner. Presque autant que la France entière, qui a ouvert ses portes à 5 000 d'entre eux depuis 2012.
Une longue tradition d'accueil
Pour beaucoup de Syriens en exil, la Suède fait figure de terre promise. En 2014, ce pays de 9,7 millions d'habitants a accepté 31 220 demandes d'asile, selon le ministère suédois de l'Intégration. Seule l'Allemagne en a accepté plus (48 000 en 2014, selon Eurostat). Relativement à sa population, la Suède est, de loin, le pays le plus hospitalier d'Europe (une demande d'asile acceptée pour 310 habitants, contre une pour 1 685 en Allemagne et une pour 4 585 en France). Les Syriens et les Erythréens qui posent le pied en Suède se voient automatiquement accorder un titre de séjour.
Cette politique est le fruit d'une longue tradition d'accueil des réfugiés. « Nous avons été épargnés par la seconde guerre mondiale et nous en avons tiré un sentiment de responsabilité », explique Boel Godner. En 1943, 7 200 juifs danois, fuyant l'occupation nazie, viennent s'abriter en Suède, pays neutre. Pendant la guerre froide, elle accueille des réfugiés baltes, puis croates, serbes ou bosniaques pendant les affrontements en ex-Yougoslavie (1991-1995). Le conflit en Irak, à partir de 2003, pousse plusieurs dizaines de milliers d'habitants à fuir leur pays (dont 11 000 ont rejoint la seule commune de Södertälje). A ces différentes vagues d'immigration s'additionnent les effets de la politique de regroupement familial et de l'immigration économique des années 1960 et 1970, qui font de la Suède un pays exceptionnellement métissé. Les habitants d'origine étrangère représentaient 15,4 % de la population en 2012, selon Eurostat (11,5 % en France).
Une prise en charge exemplaire...
Pour intégrer ces nouveaux arrivants, l'Etat et les communes mènent une politique généreuse. Durant les quelques mois d'examen de leur dossier, les demandeurs d'asile sont autorisés à travailler (en France, ils n'en ont pas le droit la première année). Ils bénéficient aussi d'une chambre en centre d'hébergement, d'une carte de paiement créditée de 8 euros par jour pour subvenir aux besoins de base (alimentation, vêtements) et de la couverture sociale en cas d'urgence. « J'avais besoin de lunettes, ils me les ont payées », témoigne Jacques Amja, Syrien qui a obtenu le statut de réfugié après huit mois et demi d'attente. Il y a un an, il a quitté Alep. « Je vivais sous les bombardements. Ma maison a été détruite », raconte-t-il. Alors il a pris, seul et au péril de sa vie, le chemin de l'exil. « J'ai payé 11 000 euros à un passeur. Nous avons traversé la Turquie, puis la Méditerranée dans une barque jusqu'à l'île grecque de Kalymnos. Ensuite, j'ai embarqué dans un avion jusqu'à Stockholm », confie-t-il. Maintenant qu'il a son titre de séjour, cet ancien tailleur, installé à Södertälje, bénéficie du « programme d'introduction », que les réfugiés sont encouragés à suivre. Ce cursus d'un an et demi mêle, à raison de quarante heures par semaine, cours intensifs de suédois, éducation culturelle et civique, et aide à l'insertion sur le marché du travail. « A chaque jour de présence, je touche 33 euros », précise Jacques. Quand il aura acquis une maîtrise suffisante de la langue, il espère trouver enfin du travail. « J'ai postulé pour être chauffeur de bus ou conducteur de métro », indique-t-il. Mais le chemin sera long pour décrocher un poste. « Il faut sept ans en moyenne pour qu'un réfugié trouve un emploi stable », indique Johan Shrikant Ward, expert des questions de migration à la mairie de Södertälje. « Nous avons le taux de chômage le plus élevé de Suède : 15 % ici, contre 8 % en moyenne dans le pays », déplore la maire. L'époque faste des années 1970, où les immigrés s'affairaient sur les chaînes de l'immense usine de camions Scania, est révolue. Les opportunités sont plus rares et les réfugiés, plus nombreux.