Betsamee a écrit:Etre juif est un mode de vie moralement vertueux (au niveau des interactions avec son entourage) et s'est toujours parfaitement insere dans les societes ou il a evolue, il est facile de rester juif tout en etant insere.
Je suis un peu sceptique sur ce point. Les Juifs se sont souvent bien peu insérés dans les sociétés où ils ont évolué, la principale raison étant que ces sociétés ne les toléraient qu'à la marge et les parquaient dans des ghettos. Le contre-exemple de l'Espagne d'avant la Reconquista est à la fois singulier et quelque peu enjolivé. Souvent, la mixité s'est restreinte aux élites.
Que se serait-il passé si les sociétés où vivaient des minorités juives les avaient mieux assimilés ? Une réponse historique est fournie par l'émancipation des Juifs européens consécutive à la Révolution Française. On a vu une forte adhésion d'une partie de la communauté juive (surtout l'élite, encore une fois) à la communauté nationale, mais celle-ci s'est heurtée à des écueils. Le cas du Capitaine Dreyfus est symbolique car il montre que l'émancipation des Juifs était une réalité (un Juif pouvait devenir officier de l'armée), mais n'allait pas de soi pour tout le monde (le montage antisémite dont il a été la victime).
Il faut aussi se souvenir que les débuts du sionisme réagissaient contre un plafond de verre montrant que cette émancipation n'avait pas réussi à aller jusqu'à l'égalité (France, Autriche, Allemagne), qu'elle n'avait pas commencé (Russie), mais
aussi contre la crainte d'une dissolution de l'identité juive par l'assimilation et l'acculturation. De nombreux intellectuels Juifs assimilationistes se sentaient de plus en plus Allemands, Français et Européens et de moins en moins Juifs. Ils ont d'ailleurs d'autant moins compris le délire antisémite qui s'est déversé sur la première moitié du XXème siècle.
Cette faculté d'insertion ne reniant pas son identité n'est pas forcément gagnée aujourd'hui non plus. Je connais pas mal d'exemples de réussite en cela parmi les universitaires que j'ai fréquentés, dont, comme tu l'écris justement, des Juifs se sentant profondément Juifs tout en étant athées. Je ne connais pas Ruby personnellement, mais, pour ce qu'il montre du lui ici, je le rangerais aussi parmi les Juifs insérés et restés Juifs.
Mais il me semble assister aussi à une montée communautariste. Pendant 8 ans, je suis passé pour aller bosser devant une yeshiva et le seul contact apparent des élèves et de leurs parents hors de la communauté était le rayon casher du Auchan en face. Ce n'est que mon regard, mais je ne les juge pas le moins du monde insérés. Un Juif pratiquant, aujourd'hui, ne peut pas s'inscrire en classes préparatoires aux grandes écoles car les devoirs y ont lieu systématiquement le samedi. C'est, à mes yeux, un frein clair à une véritable insertion.