par fourcroy » 20 Fév 2022, 12:01
J'ai suivi votre discussion et je suis dans l'ensemble sur la même ligne qu'Aristote2.
Sur le constat qu'on peut être (mauvais) prof avec un bon niveau académique, mais des soft skills insuffisants ou inadéquats et que le système ne s'en préoccupe pas, l'un des points soulevés par Gaby, je rejoins l'accord général.
Je m'oppose en revanche fermement à l'idée qu'il suffise d'avoir le niveau d'un bon élève pour enseigner (je ne parle là que du niveau académique, pas des qualités pédagogiques). J'ai réfléchi avant de répondre car mon expérience concerne presque exclusivement le post-bac, avec une immense majorité à bac + 2 et que les problématiques à bac + 2 ne sont pas les mêmes qu'en CE1. Depuis 20 ans, la grande majorité des profs de CPGE, qui enseignent donc à un assez modeste niveau bac + 1/+ 2, sont recrutés avec l'agrégation dans un bon classement (comme avant) + une thèse. Toute l'année, je me sers de ce que je connais au-delà du programme ; cela me permet d'insister sur ce qui est important et ne relève pas simplement des limites imposées par le programme, d'avoir des idées de problèmes et de résolution de problèmes. Je compense le fait que je ne suis pas exceptionnellement fort par des connaissances postérieures au niveau enseigné.
La même analyse s'applique au second cycle. Vu le niveau actuel de recrutement du Capes dans les matières scientifiques, les enseignants les plus faibles sur un plan technique n'ont juste pas le niveau pour être bons en première-terminale. Ils savent faire les exercices, mais n'ont pas toujours le recul ni la compréhension nécessaire pour répondre à coup sûr aux interrogations des élèves de manière pertinente. Pour les bases, ça va, mais dès qu'on monte en gamme pour faire réfléchir les élèves au-delà de l'application directe, il faut un niveau nettement supérieur.
Concernant l'école primaire et le collège, je n'y ai jamais enseigné et mon expérience directe est celle du confinement, que j'ai vécu avec mes neveux, que j'ai suivis en maths (à l'époque, CM2, 5ème, 2nde). En CM2, il y avait un bouquin suivi par l'instit. Elle n'allait jamais voir les fins de chapitre avec les problèmes de recherche (vu ce que j'ai vu du suivi, je pense qu'elle n'avait pas le niveau pour çà). Je ne dis évidemment pas qu'il faut être bac + 3 en maths pour être un bon instit en CM2, mais qu'un instit qui ne comprend pas les maths et domine juste les routines calculatoires est incapable de mener une recherche en classe sur un problème ouvert.
Je ne parle pas que des maths. Un instit de primaire doit avoir un très bon niveau en français. Une excellente orthographe (ma propre instit de CE2 en avait une déplorable et elle confondait à et a — seuls les élèves dont les parents avaient, eux, le niveau pour corriger ses conneries, on fait un bon CE2...) Quant aux figures de style, sans aller en chercher de très complexes, c'est essentiel, contrairement à ce qu'avance Gaby. Non qu'il soit pertinent d'en enseigner le nom en CE1, bien sûr, mais il est plus qu'utile d'en avoir une conscience claire pour indiquer aux enfants qu'il y a ici de l'ironie, là une répétition qui produit un certain effet, etc.
Bref, je suis aussi péremptoire que Gaby (qui l'est à l'extrême) pour affirmer exactement le contraire. Comme ce n'est pas personnel, je relève une autre idée que l'on pourrait creuser car elle me semble a priori pertinente: différencier le recrutement maternelle-CP et celui du cours élémentaire et du cours moyen.
"La société de surconsommation, fruit d'un capitalisme dérégulé, relève d'une logique compulsionnelle dénuée de réflexion, qui croit que le maximum est l'optimum et l'addiction, la plénitude." Cynthia Fleury