boodream a écrit:Rob77, encore une fois, l'anglais, non genré, n'est pas parlé dans des sociétés où le sexisme n'existe pas.
-> Et donc ? En quoi cela invaliderait-il le fait que l'anglais est une langue dont la pratique semble (je ne la connais pas assez pour être définitif) moins sexiste que la nôtre ?Que la langue soit sexiste est très difficilement contestable. Qu'il soit important que cela évolue me parait parfaitement évident également.
-> C'est dans ce sens que je pratique l'inclusif.Qu'on fasse de ce combat un véhicule de démantèlement, cela me dérange.
-> Ce n'est pas MA démarche. Je pense qu'en narrant mes péripéties de l'année j'ai largement prouvé que j'agissais essentiellement (et en y mettant un poil en jeu ma santé) au service du social à l'intérieur duquel j'inclus également la lutte féministe. N'y vois aucune forme d'agressivité à ton encontre, c'est justement parce que je partage, il me semble, une partie de tes convictions politiques, y compris concernant les discriminations, que je me permets de te répondre. Comme d'autres l'ont expliqué mieux que moi, il existe d'autres biais pour remettre en cause le sexisme latent. On peut par exemple bannir la règle de masculin qui l'emporte sur le féminin, cela fait sens.
-> Je ne prends pas ton message comme une attaque. Il est intéressant parce qu'il expose des arguments, c'est pour cela que je prends la peine de répondre. L'écriture inclusive n'est pas l'horizon ultime. Une langue non genrée où l'on remet en cause de la règle du masculin qui l'emporte sur le féminin me va très bien. Pas dit que cela plaise à la vénérable académie française... On ne m'enlèvera pas de l'idée que pendant qu'à la Sorbonne, ou à Science Po, on adopte l'écriture inclusive tout en organisant des colloques sur les racisés, on ne s'interroge pas sur la reproduction sociale qui sévit dans ces écoles.
-> Je suis plutôt d'accord. Cela étant dit, je ne fréquente pas des masses les colloques sur les "racisé.e.s" et je ne pense pas que l'on puisse décemment me reprocher de ne pas m'interroger sur la reproduction sociale à laquelle participe l'école. Maintenant, dans un esprit un brin taquin, j'aimerais quand même rappeler que ce n'est pas moi qui ai ouvert ici ce colloque. Je préfèrerai nettement causer de la politique de classe de Saint Macron. J'ai fait une école de journalisme, publique, réputée plus "sociale" que les autres. Nous étions deux enfants d'ouvriers. La réalité est là. Les profils issus de ce qu'on appelle (de manière raciste à mon sens) la "diversité" étaient des CSP++, pour la plupart aussi macronistes que les Young Leaders du MEDEF qui ont un poster de Rokaya Diallo dans leur chambre.
Parler, le plus tôt possible, de charge mentale, parce que moi le premier, et encore aujourd’hui, je suis coupable sur le sujet en tant qu'homme, me semble être pédagogiquement autrement plus utile qu'uberiser la langue. Même si j'entends fort bien que cela n'est évidemment pas ton objectif.
Le racisme, le sexisme, ou n'importe quelle discrimination, est induite par le manque de mixité: sexuelle, ethnique et sociale. Combattre cela, c'est selon moi détruire les cases et les cloisons, pas en créer une infinité.
-> Un féminisme qui oublie la lutte des classes, cela ne me va pas, de même que la lutte contre le racisme made in LREM. Je l'ai déjà dit, je mets le social au dessus de tout. Cela étant dit, le patriarcat a me semble-t-il (je ne suis pas assez documenté sur le sujet) une existence antérieure au capitalisme, ce qui doit lui donner un poids plus conséquent dans l'analyse et la lutte contre les formes d'oppression. Ce progressisme qui discrimine me rend fou parce que le véhicule des inégalités subies, concrètes, est exactement cette discrimination et cette essentialisation a priori. Au lieu de dénoncer la discrimination qui ne considère pas l’être humain, on catégorise nous mêmes. Ca m'attriste très profondément.
-> Ce progressisme n'est pas le mien. Et je ne pense pas que l'écriture inclusive créée une catégorie. Maintenant oui, on peut juger que c'est systémique et que "men are trash", "white are trash" etc.
Pour moi, c'est récupérer la rhétorique de classe marxiste et l'utiliser pour segmenter la société afin qu'elle ne sache ni ne souhaite plus opposer de résistance collective aux intérêts privés agacés par l’intérêt général (les Etats).
-> Quand des mouvements de lutte de ce type oublient la lutte des classes (Clinton qui fait de son sexe un argument de campagne, Obama qui utilise sa couleur de peau -> en cachant le fait que soient deux personnes issues de la bourgeoisie), ils deviennent des alliés de la domination capitaliste.Mes petits cousins, "racisés", habitant en banlieue, défavorisés sur tous les plans, encore ados, sont capables de m'expliquer qu'il y a trop d'impots en France. Qu'est ce que tu veux faire? Le Marché a gagné. L'aliénation est volontaire. Et même le progressisme déclaré nourrit le Marché.
-> Pas d'accord. L'aliénation n'est pas volontaire, elle est le résultat d'une construction sociale intégrée dans la dialectique capital/travail. Tes cousins sont abreuvés de discours issus de l'idéologie dominante qui possède les principaux canaux de communication. Le marché à l'heure actuelle a gagné. Mais une victoire ne peut jamais être définitive.
-> Le syndicalisme a conscientisé mon père. L'université et la rencontre que j'y ai faite de Bourdieu m'a amené à me conscientiser. Les luttes auxquelles j'ai participées également et tout particulièrement la dernière. Cela est le résultat de déterminations qui nous échappent, mais quand on en prend conscience, il est plus aisé de lutter contre elles.
On perdra de nombreuses luttes contre le marché, mais il n'est pas dit que l'on soit toujours vaincu. Rien n'est fini et définitif.