Rob77 a écrit:Un exemple de pratique orale dans le cadre de mon boulot (je vous vois venir) : lorsque les gosses sont entré.e.s dans la classe, je lance un : "Bonjour à toutes et à tous,.
Mauvais exemple, àmha, ou bon exemple pour ce que je vais dire.
Pourquoi c'est un mauvais exemple : rien ne t'empêche de rentrer dans ta classe et de dire "Bonjour, vous pouvez vous asseoir". Cela correspond aux formes contemporaines de politesse (dans un cadre plus traditionnel, le "bonjour" n'est pas isolé et doit s'accompagner de "Madame, Messieurs, jeune homme, Mademoiselle, à tous, à tous et à toutes, à toutes et à tous, etc".
Pourquoi c'est un bon exemple : les liens que j'ai postés, qui sont très intéressants (et que personne n'a lus parce qu'ils sont longs
) sont issus de mouvances défendant l'écriture inclusive. Contrairement à certains, je pense que le débat d'idée est fondamental (pour soi-même !) et que cela n'a aucun intérêt d'exposer des opinions sans s'être confronté à des opinions contraires.
Ce que je n'aime pas dans l'écriture inclusive (hors point médian, que je refuse radicalement pour d'autres raisons), c'est qu'elle sexifie ce qui ne devrait pas l'être. Quand je rentre dans ma classe et que je salue mes élèves, je ne salue pas les filles et les garçons, les noirs et les blancs, les cathos, les athées et les musulmans, toute ces catégorisations ne m'intéressent nullement à ce moment là (elles peuvent être pertinentes à un autre moment). Je leur dit bonjour car ils sont mes élèves. Je ne rassemble pas des classes distinctes, je salue un ensemble uni que je refuse de voir comme un agrégat d'identités communautaires.
J'entends toutefois le discours de ceux qui (
cf. mes liens
)
démontrent (ce n'est pas une opinion) que le neutre-masculin n'est pas innocent ; honni soit qui mal y pense, mais beaucoup, malheureusement, pensent mal et, souvent, inconsciemment. C'est ce que les gens comme
Pearl — àmha ! — n'ont pas saisi : "je ne me reconnais pas comme misogyne, donc y'a pas de pb et je parle comme je veux". Sauf que 1) tu n'es pas conscient de tes représentations (phénomène standard d'
overconfidence) et que 2) tu ne parles pas dans le désert, mais à d'autres personnes qui n'ont peut-être pas les mêmes opinions que toi.
C'est pourquoi j'adopte une vision pragmatique et souple. De même que je me permets, non sans ironie, certaines libertés avec la norme en gallicisant certains anglicismes (louque pour look, mouque pour mooc, etc), je reviens à certaines règles qui furent d'ailleurs celles du français avant sa normalisation par Vaugelas et autres (accord avec le déterminant le plus proche du verbe ou avec la majorité), j'utilise la féminisation des noms de métiers, mais jamais je n'utiliserai le point médian, qui, à mon avis, défigure la langue française. Et qui, rappelons-le, n'est qu'une abréviation : j'ai expliqué mes réticences face à "bonjour à tous et à toutes", mais cette forme est acceptable sur le plan linguistique et ne me choque pas. "Bonjour à tou.te.s" est un barbarisme monstrueux pour quiconque respecte la langue et la culture.
On retrouve sans doute là le point le plus fondamental qui nous sépare,
Rob et moi : l'importance de la culture
vs. la primauté absolue du social.
"La société de surconsommation, fruit d'un capitalisme dérégulé, relève d'une logique compulsionnelle dénuée de réflexion, qui croit que le maximum est l'optimum et l'addiction, la plénitude." Cynthia Fleury