peezee a écrit:Jester, et on connait les raisons qui ont fait que maintenant l'EN demande un Master au lieu d'une Licence avant ? Un constat d'échec ? L'envie d'essayer autre chose pour le fun ^^ ?
L'argument officiel tient à la volonté d'améliorer le niveau de formation des futurs enseignants. Ce qui est parfaitement discutable.
L'argument officieux, àmha, consiste à créer deux voies d'entrées officielles dans l'EN. Le master sans le concours permet de devenir contractuel, puisqu'il s'agit d'un master enseignement. Le concours permet de devenir enseignant fonctionnaire. Ces deux voies d'entrées officielles permettent d'accroître la différenciation/division entre les différentes composantes du corps enseignant. A terme, je crois que cela prépare la suppression pure et simple du concours, et le statut de l'enseignant.
Les conséquences indirectes sont :
- élimination des classes populaires de l'enseignement, ou du moins accroissement des difficultés pour persévérer dans l'enseignement supérieur. Avant, à la fin de la licence, on passait directement par le concours, qui se faisait en une année. Donc il fallait 4 années post bac pour devenir enseignant. Maintenant, il faut tenir une année de plus sans rémunération. Même boursier, la vie n'est pas facile financièrement lorsque l'on ne peut décemment travailler à temps plein pour envisager des projets personnels qui engage l'existence sur le plus ou moins long terme (quitter le domicile familial, contracter un prêt pour une bagnole, payer un permis de conduire...), sans compter la simple volonté de sortir de temps à autres et de consommer.
- Un bordel monstre dans les différentes universités pour monter un master supplémentaire. Il faut trouver des enseignants compétents (pas toujours faciles), des locaux, du budget. Sans compter que le mode d'évaluation du concours a changé depuis la réforme de la masterisation des concours. Ce qui a donné une année T1 post masterisation chaotique, une année T2 encore boiteuse, une année T3 chaotique (2 concours ouverts la même année, des écrits de la seconde session ayant lieu juste avant les oraux de la première...), une année T4 encore plus chaotique (les admissibles de la seconde session précédente préparant les oraux d'un concours tout en étant sur le terrain, en établissement, ce qui implique de trouver des jours correspondants entre ceux d'enseignement, et ceux de formation.../ces mêmes admissibles peuvent passer pour plus sûreté les écrits de la nouvelle session, qui en H-G ont changé... sans compter les difficultés liées à un nouveau cheuvauchement des 2 concours).
Pour T5, il est possible encore que le bordel soit important.
Minute personnelle :
J'ai vécu de l'intérieur l'année T2 et l'année T3. On aimait à se qualifier de "génération sacrifiée" (légère exagération...).
La difficulté sociale de persévérer une année de plus en fac avant d'être salarié, je l'ai vécue.
Ma famille étant tout juste trop riche pour être pauvre, et malheureusement trop pauvre pour être riche. La première fois que j'ai passé le concours, la pression sociale fut forte. Il fallait que je continue de payer mon permis, que je paie l'année universitaire, le titre de transport qui va bien, ainsi que les dépenses alimentaires (sans compter les loisirs, qui de fait, n'ont pas tellement existé).
J'ai donc bossé l'été précédent 3 semaines (ce qui a miné aussi mes révisions, puisque les joyeux UMPistes avaient choisi de faire passer les écrits en novembre alors qu'ils avaient lieu en début d'année civile jusque là, obligeant les étudiants pauvres à choisir entre financement et concours). J'ai été "sauvé" par une bourse occasionnelle pour les étudiants passant un concours de l'Enseignement, en milieu d'année (la secrétaire a gardé l'information bien longtemps...). Sans elle, j'aurais dû retravailler à deux ou trois mois des oraux.
Le hasard (sujet de merde) et mon incompétence firent que je me suis vautré à un oral, qui me coûta l'admission pour 4 points (la barre était à 105 points - gagnables via 4 notes sur 20 coefficient 3 -, et j'en avais 101).
L'année d'après, j'ai pu tenir bien plus facilement, en me salariant comme pion à mi temps. 20 heures tout de même perdue sur le temps de révision (heureusement, j'avais la moitié du boulot de fait). J'ai réussi mon concours en étant pris 150ème environ.
D'autres n'ont pas eu ma "chance", car j'étais loin d'être le plus à plaindre. Je pense à une camarade de formation, mère de famille, qui devait jongler entre son gosse de 3 ans, les factures (donc un boulot sur toute l'année) et le concours. Elle n'y est pas arrivée, et je ne peux m'empêcher d'avoir un peu honte de lui parler de ce que je fais aujourd'hui, alors que j'ai eu la chance de pouvoir me consacrer davantage au concours qu'elle. Que fait-elle aujourd'hui ? ............................. contractuelle. Repasser le concours en externe est pour elle économiquement impossible désormais.
Faut quand même se rendre compte de ce que ça coûte, socialement, la masterisation des concours pour ceux qui ne sont pas gosses de riches. L'égalité des chances, on se torche avec.
Au passage, la masterisation des concours fut l'une des raisons pour lesquelles certains gauchistes malfaisants en sont arrivés à bloquer des universités...
Modifié en dernier par Rob77 le 16 Juil 2014, 00:03, modifié 4 fois.