par JPP REVIENS » 02 Nov 2011, 17:17
Pour te faire plaisir, et parce qu'aujourd'hui je suis presque en forme, je vais te satisfaire mon ami.
La finale de la coupe du monde m'a laissé un sentiment étrange, mêlé d'immense amertume, de fierté, de soulagement et quelque part de désolation.
D'amertume car la France, malgré ses innombrables défauts et carences, a gagné la finale. Le score final de 7-8 est trompeur, tant il est insuffisant à refléter un match colossal d'intensité, de hargne, d'envie et de talent, tout simplement.
Durant 80 minutes, à l'instar de leurs plus belles heures, le XV de France s'est souvenu que le rugby français a une histoire, une âme, et une force colossale qui auraient dues lui permettre d'être, depuis longtemps, champion du monde.
Cette finale s'est jouée à rien : un buteur blessé d'entrée (Parra), un autre à moitié blessé (Yachvili), et un arbitre pour le moins complaisant avec l'équipe jouant à domicile.
Car les blacks se sont montrés fébriles, et totalement dominés à l'impact par des français qui prouvent que le rugby professionnel a permis, au moins sur ces coupes du monde, de niveler les capacités physiques des uns et des autres. Les français ont couru pendant 80 minutes, ont tamponné à tout va et ont su imposer leur rugby et leur rythme à des blacks suffoqués.
Je me sens donc amer de constater que la France est capable de produire un rugby hautement plus enthousiasmant que ce que l'on a l'habitude de voir durant le Tournoi des VI nations ou sur nos belles pelouses du Top 14. Le talent est là, reste à se donner les moyens de nos ambitions par des calendriers adaptés, une vraie philosophie de jeu et une formation adéquate.
Le soulagement, c'est que les Blacks aient été récompensés. Sur la finale ils ne le méritaient pas, et j'étais le premier à être exaspéré par le discours type : "sur la compétition, ils méritent davantage".
Cela étant, au regard de ce que les All Blacks apportent au rugby en termes de jeu et de passion, ils le méritaient effectivement davantage. Ce titre récompense autant leur projet de jeu, leur cohérence dans le choix des joueurs et des hommes qu'il ne sanctionne notre inconsistance sur ces quatre dernières années, au cours desquelles auront été alignées je ne sais combien de compositions d'équipe différentes, avec les errements sportifs que nous connaissons.
Imaginez vous les éducateurs de clubs expliquer à leurs bambins qu'on peut être champions du monde avec un sélectionneur de Pro D2, un numéro 9 aligné à l'ouverture, une absence totale de jeu pendant 5 matchs sur 7 et quatre années de tâtonnements dans le projet de jeu et le choix des joueurs ? C'était inconcevable.
Cette finale de la coupe du monde restera comme étant un superbe match, un match d'hommes se livrant le couteau entre les dents, mais un match sans "hier", ni sans "lendemain". Il demeure l'une de ces performances sortie de nul part, comme le rugby français sait le faire, mais une performance sur laquelle nous ne pouvons et ne devons pas capitaliser.
Pourquoi ? Parce que de nombreux joueurs de cette équipe ne seront pas à la prochaine coupe du monde (Servat, Nallet, Bonnaire, Harinordoquy, Heymans, Traille, Rougerie, Yachvili pour ne citer qu'eux), et parce que le projet de jeu présenté est clairement insuffisant pour combler le gouffre existant entre un finaliste valeureux passé à deux doigts du titre, et une équipe numéro 1 mondiale, championne du monde, et qui a réussi à gagner en passant à côté de sa finale.
La différence est là, dans les certitudes de jeu, la confiance collective et cette sorte de sentiment que "rien ne peut vous arriver".
L'équipe de France doit aujourd'hui construire, sereinement, en se basant sur ses forces : défense, discipline, pack de fer, tout en comblant ses lacunes : projet de jeu, numéro 10, jeu au pied.
On peut être champions du monde en Angleterre dans 4 ans, mais le travail commence aujourd'hui.
La vie c'est long, surtout vers la fin.