Je suis convoquée tous les jours à 9h30 pour le debriefing de la veille. Ce temps est considéré comme une demi-heure de « courtoisie », pour laquelle je ne suis pas payée. Malheur à moi si j'arrive ne serait-ce que dix minutes en retard à ce debriefing gratuit ! Un hôte s'est déjà fait renvoyer pour cela. Qui se préoccupe de la condition des hôtesses d'accueil ?
Roland-Garros me paraissait être le job étudiant idéal. Le salaire : le smic-horaire. Le travail : beaucoup d'heures en peu de temps – quinze jours, durée de l'événement. Ça semble un bon moyen de financer rapidement mes vacances d'été. J'ai aussi l'espoir d'apercevoir certains matchs, ce qui, je ne le sais pas encore, se révèlera impossible.
Tous les jours, je vois passer des représentants de grandes sociétés françaises, de filiales en tout genre qui vont déjeuner en club privé, pendant trois heures. L'allée où je me trouve est en plein soleil, mais je n'ai malgré tout pas le droit de bouger. Il m'est arrivé de cramer entièrement, sans pouvoir rien faire : lunettes et chapeau nous sont interdits. Deux hôtesses des restaurants qui jouxtent le mien sont toutes les deux tombées dans les pommes durant la pause déjeuner.
Impossible d'aller aux toilettes ou de s'asseoir
Environ 400 hôtes et hôtesses dépendent d'une agence sélectionnée par le tournoi. Ils s'occupent du contrôle des billets d'entrée aux courts, aux clubs et aux restaurants privés en tout genre dont les clients sont friands. Les hôtesses qui s'occupent des loges, de l'accompagnement des VIP ou des stands de renseignements ne dépendent pas de cette agence. Elles sont elles-mêmes révoltées par nos conditions de travail.
Une grande responsabilité pèse sur nous : celle de ne laisser aucune personne entrer dans un court ou un lieu privé sans le titre approprié. Si cela se produit, l'hôtesse responsable est immédiatement renvoyée. Il nous est donc impossible d'aller aux toilettes ou de nous asseoir un instant. Nous travaillons parfois plus de douze heures par jour, avec en tout et pour tout une heure de pause déjeuner, et quinze minutes dans l'après-midi. Nous sommes employés saisonniers, pour la plupart étudiants. Nous avons entre 18 et 22 ans.
Six heures debout en plein soleil
Proche du malaise, l'une de mes collègues prévient sa supérieure, la chef-hôtesse, de son état. Elle lui demande l'autorisation de quitter son poste quelques instants, le temps d'aller chercher du sucre dans le restaurant d'en bas. La chef hôtesse refuse. Les deux évanouies de midi sont quant à elles tenues de retourner à leurs postes après dix minutes de repos à l'infirmerie, si elles ne veulent pas perdre leur après-midi de salaire.
Je travaille de 9h30 à 22 heures, avec une heure de pause de 15 heures à 16 heures. Une heure pour laquelle je dois compter quinze minutes de marche à l'aller et quinze minutes au retour pour rejoindre les vestiaires. Car bien sûr, il nous est interdit de téléphoner, fumer ou manger devant les spectateurs du tournoi.
Après six heures debout en plein soleil, ma chef-hôtesse m'accorde l'immense privilège de me faire bénéficier d'un quart d'heure de pause à… 16h30. L'heure à laquelle ma peau est rouge vif et mes yeux dignes de ceux de Dracula. J'arrive à peine à les ouvrir à cause de la fatigue et du soleil que j'ai pris en plein visage toute la journée.
Heureusement, il paraît qu'il va pleuvoir demain
Evidemment, toute demande de pause supplémentaire est mal vue : certains tiennent les douze heures quotidiennes, durant quinze jours sans broncher. Tout cela me semble un peu illégal, et ne reflète pas à mon goût le tournoi de prestige, le miroir du sport français qu'est censé représenter Roland-Garros.
Toutes les hôtesses de ma « team » partagent ces mêmes conditions. Une « révolte » parait difficile, puisque tout le monde n'est pas en poste au même endroit. La perception de ces heures de travail est donc très variable selon que l'on se trouve à l'intérieur ou à l'ombre durant la journée.
L'agence qui nous emploie profite du manque d'expérience du monde du travail de la plupart des jeunes hôtesses et leur impose des conditions draconiennes. Dommage que ce ne soit plus la période pour trouver des jobs d'été : je me sens obligée de retourner au travail demain. Au final, il n'est pas impossible de tenir jusqu'à la fin de la journée. C'est juste particulièrement difficile. Heureusement, il parait qu'il va pleuvoir demain…