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Au RSA, j’me tape des barres
Monsieur Wauquiez, on échange nos « standings » sur le mode d'« on a échangé nos mamans » ? Ça vous dit ? Une Rsassistée vous écrit.
Quand j’ai lu en « une » du Parisien hier matin : « Les bénéficiaires du RSA sont-ils des assistés ? », j’ai eu mal au cœur. Le journaliste qui a titré cela, malgré le point d’interrogation, ne doit pas imaginer une seule seconde ce que « les assistés » peuvent ressentir en se voyant jetés au pâture comme ça. Est-ce une coïncidence ? Toujours est-il que durant la journée de mardi, pas mal des voisins connaissant ma situation et qui me saluent cordialement habituellement, m’ont toisée. Je me suis rassurée en me disant : « Laisse passer l’orage, ça ira mieux demain. » Pas toujours facile de se rassurer soi-même mais ça devient une réflexe vital quand on doute en permanence de l’avenir.
Qui aurait pu penser qu’arrivée à la quarantaine, je vivrais dans cette précarité permanente ? Elle est devenue tellement présente dans mon quotidien qu’elle me colle à la peau. Elle est aussi poisseuse qu’un jour de métro en pleine canicule. Je suis au RSA depuis un an déjà. Au départ je pensais que c’était provisoire. Je n’imaginais pas que ce serait si difficile d’en sortir.
J’ai travaillé quelques mois à temps partiel depuis, mais ce que je gagnais d’un côté, je le perdais de l’autre. Ce qui fait que mon pouvoir d’achat restait le même. Il y a plein de gens à qui je n’avouerai jamais ma situation. Je sais qu’ils peuvent retourner leur veste sur un discours de Marine Le Pen, ou d’un membre du gouvernement, comme Laurent Wauquiez, l’auteur de cette proposition « choc » qui envoie au tapis les Rsistes. Cela ne veut pas dire qu’il faille baisser le SMIC car mes amis smicards sont à découverts de 500 euros dès le 15 du mois, ils paient tout plein pot. Mais ils ont un chéquier et un CB …
Monsieur Wauquiez, qu’est-ce que je ne donnerais pas pour avoir votre place, votre salaire et votre femme de ménage et tous les bienfaits qui sont l’apanage des gens de votre standing. Je crois savoir que les hommes politiques comme vous ont une voiture de fonction avec chauffeur. Je n’en ai pas. Ils ne paient pas leur électricité, je paie 80 euros pas mois par prélèvement. A vous de nous lister ce que j’ai pu oublier si vous en avez l’envie.
Accepteriez-vous d’échanger votre salaire contre mes 400 euros mensuels de Rsassistée ? Seulement un mois. Un genre de « on a échangé nos mamans » en direct à la télé bien sûr. Je m’engage à jouer le jeu si vous acceptez. Ce serait un formidable challenge pour vous et pour moi. Vous auriez le privilège d’être un assisté de la CAF et moi j’aurais la difficulté de gérer un ministère comme le vôtre et de balancer des phrases mémorables comme vous venez de si bien le faire. Combien gagnez-vous, Monsieur Wauquiez, dites-le-moi afin que je m’habitue à votre salaire et que je ne fasse pas une syncope en le gagnant lors de notre échange de « standing » ? Ce que je sais, c’est qu’il me durera des mois.
Qu’avez-vous mangé hier soir, Monsieur Wauqiez, et avant-hier et le week-end dernier avec vos enfants ? Nous, en famille, nous avons mangé des pâtes à la sauce tomate, avant c’était steak frites et du Charal s’il vous plaît ! C’est bien normal, le RSA est versé le 6 de chaque mois et on est le 10. Des spaghettis à la sauce tomate le week-end dernier (Ketchup pour le garçon, il est difficile celui-là, il ne sait pas ce qui est bon) et plein d’autres bonnes choses consistantes comme ça. Le luxe c’est de pouvoir mettre du fromage sur nos pâtes avec une touche de parmesan en plus. Si ça continue on enlèvera le parmesan. Il augmente toutes les semaines comme tout ce qui est sain et équilibré.
Pour le poisson et la viande on « préfère » en manger une ou deux fois par mois. C’est pas parce qu’on est au RSA qu’on a envie de crever en mangeant des VPO* aux hormones ou autres origines suspectes. Les vacances c’est du hors-sujet, mais si vous avez un plan pour une famille d’assistés, on est là. Voilà, je ne vais pas m’éterniser, je sais que vous n’avez pas que ça à faire et que de toute façon vous ne me lirez même pas. Tout ça pour vous dire qu’en effet, on se tape des barres quand on dépend de la CAF pour vivre et nourrir sa famille.