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Trois condamnés libérés faute de places en prison
La décision fait forcément polémique. Faute de place en prison, trois malfaiteurs, dont deux condamnés à trois mois de prison ferme et arrêtés jeudi à Dreux (Eure-et-Loir) pour exécuter leur peine, ont été relâchés par la justice. Cette information suscite la «surprise» de Manuel Valls et «l'indignation» de député UMP Christian Estrosi. L'affaire a été révélée par l'adjoint de la circonscription de sécurité publique de Dreux, qui compte une zone de sécurité prioritaire (ZSP) mise en place par le ministère de l'intérieur au mois de janvier.
Dans un rapport adressé le même jour à la Direction centrale de la sécurité publique et dont l'AFP a eu connaissance, ce commandant de police écrit que l'officier de police judiciaire de permanence s'est vu signifier, par instruction verbale du substitut de permanence du parquet, de «libérer sans délai» ces trois malfaiteurs «sans suites judiciaires au prétexte que la maison d'arrêt de Chartres était pleine ». Le nombre de détenus dans les prisons françaises a atteint, début juillet, un nouveau record à 68.569 pour seulement 57.320 places.
Outrages et conduite en état d'ivresse
Parmi ces trois malfaiteurs, figure un jeune homme de 26 ans, condamné à trois mois de prison ferme pour rébellion, violences sur un policier, outrages et conduite en état d'ivresse.
Dans ce rapport, dont copie a été adressée au procureur de la République du tribunal de grande instance de Chartres et au syndicat de police Synergie, le policier «dénonce ces instructions iniques et lourdes de conséquences». Il rappelle notamment que les «mises en exécutions d'écrou sont délivrées par la justice» et qu'il «s'agit d'instructions écrites qui sont appliquées dès que possible».
Cette décision est susceptible de provoquer, selon lui «le sentiment d'impunité que peuvent avoir ces délinquants, chevronnés pour la plupart, lorsqu'ils franchissent la porte du commissariat moins de deux heures après avoir été interpellés». Le policier souligne également les «conséquences sur le moral et la motivation» des policiers.
Aucune instruction
Interrogé par l'AFP, le parquet de Chartres a assuré samedi ne pas avoir eu connaissance de ce rapport, ajoutant «n'avoir pas reçu la consigne», comme l'écrit le rapport du commandant de police, de ne plus enregistrer le moindre écrou jusqu'au 1er septembre à la maison d'arrêt de Chartres. «Nous n'avons aucune instruction visant à ne plus écrouer de personnes à la maison d'arrêt de Chartres. Preuve en est, des personnes jugées en comparution immédiate cette semaine, ont été condamnées à des peines de prison avec mise sous mandat de dépôt», affirme le parquet. «Dès réception du rapport, nous allons vérifier avec précision de quoi il s'agit, ajoute-t-on de même source. Mais à première vue dans cette affaire, il semblerait que les personnes dont il est question, ont été condamnées à des peines de prison ferme allant de deux à trois mois. On serait donc bien dans le cadre des directives de la Chancellerie concernant l'aménagement des peines de prison ferme jusqu'à 2 ans si la personne n'est pas récidiviste, et d'un un an si elle l'est», selon cette même source.
Le ministre de l'Intérieur Manuel Valls s'est déclaré samedi «très surpris de cette décision et inquiet de ses conséquences», dit-on dans l'entourage du ministre. «Cette décision très étonnante, relève Valls, va à l'encontre de la stratégie décidée conjointement par la Chancellerie et l'Intérieur qui vise à accroitre le concours des forces de sécurité pour faire exécuter les peines». De son côté, le député-maire UMP de Nice Christian Estrosi a «dénoncé» dans un communiqué «la remise en liberté de trois voyous par un magistrat du parquet au motif, selon lui, que la prison était pleine». «Indigné et révolté» par cette décision, il annonce qu'il vient d'écrire à la Garde des sceaux Christiane Taubira «pour lui demander des explications».
«Des informations contradictoires» selon Chritiane Taubira
Dans un communiqué publié en fin d'après-midi, la Garde des sceaux Christiane Taubira a annoncé que des "informations contradictoires ayant été portées à sa connaissance" à propos de cette affaire, "elle a demandé au parquet général de la cour d'appel de Versailles de bien vouloir lui rendre compte des conditions dans lesquelles le parquet de Chartres a été amené à prendre cette décision au regard notamment des conditions d'application de la circulaire de politique pénale du 19 septembre 2012".