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DEBAT- La proposition de loi d’un député PS de Loire-Atlantique, visant à contraindre les maires à créer des aires aménagées pour les gens du voyage, a relancé le débat sur l’accueil des populations itinérantes. Mais ces espaces, imposés par la loi depuis 2000, sont-ils la solution à tous les problèmes?...
A ce jour, moins de 50% des aires pour gens du voyage qui auraient dû être réalisées en France, l’ont été. Preuve que les maires des communes de plus de 5.000 habitants n’ont pas tous respecté la loi à la lettre, certains traînant même des pieds pour rattraper leur retard. Les plus récalcitrants pointent des coûts trop élevés. D’autres s’y opposent pour des raisons idéologiques, refusant de payer pour le mode de vie particulier choisi par une communauté, à l'image de Florian Philippot. Le vice président du FN a expliqué ce vendredi matin sur BFMTV/RMC qu'«au lieu de taper sur les maires, tapons sur ceux qui occupent».
Mais en dehors de ces considérations, ces aires, présentées comme une nécessité pour favoriser la cohabitation entre itinérants et population sédentaire, est-elle la solution idéale? Décryptage de la situation à travers notamment l’exemple du Rhône, bon élève de la loi Besson.
Moins de stationnement illicite
Dans le département, où d’ici à 2017, quarante aires d’accueil, de passage et de séjour sont prévues, une trentaine de terrains ont déjà été aménagés, selon la préfecture, dans le Grand Lyon en majorité. Les 18 sites de la communauté urbaine (376 places), pleins à 80-90% en moyenne, ont accueillis 561 familles en 2012. «Globalement, là où il y a des aires, cela se passe bien», remarque une responsable de la société SG2A-Hacienda, chargée de la gestion d’une partie des terrains. «Cela a permis de diminuer clairement les problèmes de stationnement illicite de caravanes», ajoute la jeune femme. Un constat partagé par Louis de Gouyon Matignon, président de l’association Défense Culture Tsigane. «Les gens du voyage ne demandent que deux choses. Etre considérés comme des citoyens français à part entière. Et pouvoir bénéficier, en ce sens, d’aires d’accueil avec eau et électricité pour ne plus être obligés de s’installer illégalement», explique le jeune homme. La création de terrains en quantité suffisante est donc, selon lui, le remède pour limiter les campements sauvages et éviter les tensions avec les riverains des communes visitées. Mais aménager des terrains ne suffit plus, selon Xavier Pousset, directeur de l’association régionale des Tsiganes et de leurs amis les Gadgé (Artag).
Un turn-over difficile dans les aires
«Dans le Rhône, nous ne sommes pas trop mal lotis. Mais chacun sait que la problématique retenue lors de l’élaboration de la loi de 2000 a gommé le problème de la sédentarité», explique le directeur. Aujourd’hui, selon lui, bon nombre de familles tsiganes vivent comme des sédentaires. Ils s’installent dans une commune, voyagent peu et lorsqu’ils se déplacent, c’est essentiellement dans la région. «En même temps, toutes les lois sont faites pour qu’ils se sédentarisent, note la responsable de SG2A-Hacienda. Les enfants doivent être scolarisés et souvent les parents sont forains sur des marchés proche de l’aire d’accueil où ils sont installés.»
Alors, au terme des 6 ou 9 mois d’installation autorisée sur le même site, il est parfois compliqué de convaincre les familles de changer d’aire. «Il y actuellement dans le Rhône 250 familles qui se sont sédentarisées sur des aires. Elles hésitent à voyager, car elles savent qu’à leur retour, il leur faudra trouver une autre place», ajoute Xavier Pousset. Et en se sédentarisant, ces familles limitent le turn-over sur les terrains, qui dès lors ne remplissent plus leur mission d’accueil des itinérants.
«Les aires attirent encore plus de monde»
Pour Pierre Marmonier, maire depuis 2008 de Colombier-Saugnieu, une petite commune du sud-est lyonnais, les aires d’accueil ne sont pas la solution à tous les problèmes. Loin de là. Jeudi soir, l’édile a présenté sa démission lors d’un conseil municipal extraordinaire, après l’installation sauvage régulière de nomades dans sa ville, pourtant entourée de quatre aires d’accueil ou de grands passages (dédiées aux migrations estivales).
Mille personnes ont investi un terrain privé à la fin juin et le 7 juillet, 200 familles, toujours sur les lieux, sont venues prendre la place de celles parties la veille. «Nous avons respecté la loi. Entre 2006 et 2007, la communauté de communes a investi 3 millions d’euros pour aménager ces terrains. Et nous déboursons 300.000 euros par an dans leur fonctionnement. Mais au final, ça attire encore plus de monde. Les installations sont pleines en permanence», explique l’édile, désemparé. Pour empêcher l’installation sauvage de nouvelles caravanes, il a fait creuser ces derniers jours des tranchées à l’entrée des terrains visés par les nomades. «La commune ressemble à un champ de bataille et cette situation génère de grosses tensions avec les habitants. Certains menacent de prendre les fusils pour les faire partir.»
Le préfet était attendu sur place ce vendredi, avec l’espoir qu’il fasse évacuer le terrain privé occupé. «Mais cela ne va pas résoudre le problème à long terme», déplore Pierre Marmonier.