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Deux têtes de cochon ont été découvertes tôt mercredi devant la mosquée de Montauban, une profanation qui soulève l’indignation de la communauté musulmane en plein ramadan.
C’est peu avant la première prière, entre 4 et 5h ce matin, que les fidèles ont été confrontés au spectacle des deux têtes de porc déposées sur le portail de la mosquée, une maison comme toutes les autres que rien ne signale comme un lieu de culte musulman en pleine ville près de la gare. Sur le sol a été déversée une importante quantité de sang, comme jetée au seau et laissant une impressionnante trace sur l’accès en pente à la mosquée.
«Une provocation raciste»
C’est le premier acte du genre dans le Tarn-et-Garonne, selon Abdallah Zekri, président de l’Observatoire de l’islamophobie. Mais ce n’est pas en revanche une première en France, a-t-il dit, citant des précédents à Castres (des pieds de cochon accrochés au portail de la mosquée en 2009) ou à Reims. L’observatoire qu’il dirige a constaté une hausse de près de 15% des actes islamophobes au cours du premier semestre. Mais, «pendant le mois sacré du ramadan, c’est inqualifiable, c’est de la provocation raciste», a-t-il dit.
Le geste a provoqué une vive émotion dans une ville qui, dit-on à la mairie, n’a jamais eu «aucun souci» avec une communauté musulmane importante. Si Montauban a été profondément choquée en mars par l’assassinat de deux parachutistes par Mohamed Merah, tous les interlocuteurs interrogés se sont refusés à établir un lien entre les deux affaires.
Rien n’annonçait un tel acte dans ce petit département. La communauté musulmane, venue s’installer de longue date pour travailler dans l’agriculture et l’arboriculture, est «très bien intégrée dans la vie locale», note le préfet Fabien Sudry. Aucune tension particulière n’a été décelée au cours des dernières semaines et les autorités n’ont recueilli récemment «aucun élément particulier permettant de penser qu’il existe un groupe qui pourrait en vouloir à la communauté musulmane», a encore indiqué le préfet. «Notre interprétation est qu’il s’agit d’un acte inqualifiable et inadmissible, mais qui paraît isolé», a-t-il précisé.
«C’est indigne... S’attaquer à la religion... Je ne sais pas ce qui se passe, les gens perdent la tête, surtout pendant le ramadan, alors qu’on prône le dialogue entre les religions», a estimé l’imam de la mosquée Hajii Mohamed, président régional du Rassemblement des musulmans de France.
«Un acte odieux et blasphématoire» pour la mairie
Dans un communiqué, la maire UMP Brigitte Barèges a condamné «fermement cet acte odieux et blasphématoire à l’endroit de la communauté musulmane, en pleine période de ramadan de surcroît». Elle a souhaité que la police et la justice fassent la lumière sur cette affaire «le plus rapidement possible».
L’Observatoire national contre l’islamophobie a dénombré 17 actions islamophobes (violences, attentats, vandalisme...) au premier semestre 2012, au lieu de 11 en 2011, soit une augmentation de 54,54%; les menaces en tous genres ont augmenté de 6,89%; cela représente une augmentation totale de 14,49% des actes antimusulmans, dit-il.
Les controverses politiques ont «libéré la parole des extrémistes»
L’année 2012 confirme la tendance à l’augmentation relevée en 2011 et renforcée par différentes controverses politiques sur le voile islamique, la viande halal ou l’identité nationale, débats qui ont «libéré la parole des extrémistes», indique l’Observatoire.
Encore les chiffres sont-ils «au-dessous de la réalité car nombreux sont les musulmans qui ne souhaitent pas porter plainte, considérant à tort ou à raison, qu’il n’y aura pas d’aboutissement», note-t-il.
Près de la mosquée de Montauban, Mimoun Qatabi, un commercant de 31 ans, s'émeut de l’attitude de ses aînés: «Les anciens sont trop tolérants face aux actes islamophobes». Selon lui, les enquêteurs à la recherche du ou des coupables feraient bien d’aller voir du côté des abattoirs de Montauban, pas très éloignés de la mosquée.