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Bruno Martini, la chute d’un Barjot
Dérive|L’ex-gardien des Bleus a été condamné à un an de prison avec sursis, notamment pour « corruption de mineur ». Champion du monde, manageur général du PSG, puis président de la Ligue, il était une figure du hand français depuis plus de trente ans.
Éric Michelet Marius Veillerot
Bruno Martini a été condamné, ce mercredi, à un an de prison avec sursis pour « corruption de mineur » et « détention et acquisition d’images pédopornographiques », une information révélée en milieu de journée sur notre site. Il a accepté la peine du procureur du tribunal de Paris dans le cadre d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) et a donc reconnu les faits reprochés (lire page suivante).
Dans la foulée de sa condamnation, Bruno Martini a démissionné de la présidence de la Ligue nationale de handball « avec effet immédiat », poste qu’il occupait depuis novembre 2021. L’ancien gardien de l’équipe de France avait été placé en garde à vue lundi. « Les faits sont d’une extrême gravité », commente la Ligue nationale qu’il présidait encore le matin. Il lui est reproché d’avoir échangé des photos sexualisées avec un mineur de 12 ans à la fin du printemps 2020. Il lui aurait proposé de venir chez lui en vue d’une relation sexuelle. L’adolescent a changé d’avis au pied de l’immeuble. « On savait qu’il était torturé, mais de là à être impliqué dans ce genre de choses, quand même pas… », confient des proches. À ce stade, les enquêteurs « n’ont pas connaissance d’autres victimes ».
Cette condamnation plonge le monde du handball dans l’effroi (lire ci-contre). Au-delà, c’est encore un coup terrible qui est porté à la direction du sport français qui n’a pas besoin de ça, en plus, en ce moment. « Je peux vous garantir qu’humainement, c’est un mec bien. Longtemps marié, il était fusionnel avec son épouse, et il a très bien élevé ses enfants », le défend un ancien international qui tombe des nues devant ses dérives.
Exigeant et parfois brutal
Bruno Martini est une figure du handball tricolore depuis plus de trente ans. Le gardien de but taciturne est d’abord un visage de la génération des Barjots, celle qui a emmené le hand français pour la première fois sur le toit du monde dans les années 1990 : « Je suis tellement effondré que je préfère me taire », réagit Daniel Costantini, le sélectionneur qui le qualifiait à l’époque de « caractériel ». « C’était un sanguin, il avait de la hargne en lui, confirme l’ancien Barjot Grégory Anquetil. Quand on me demande avec quelle équipe je partirai à la guerre pour gagner des matchs, dedans il y a Bruno. Il n’avait peur de rien, il était capable de mourir sur le terrain, et il avait du cœur. » Originaire de Salon-de-Provence (Bouches-du-Rhône), où il est né le 3 juillet 1970, Martini a commencé sa carrière à Marseille, club avec lequel il a remporté ses premiers titres de champion de France. Homonyme de l’ancien gardien de l’équipe de France de football (1962-2020), il en compte cinq à son palmarès avec l’OM Vitrolles et Montpellier. Avec le club héraultais, il a aussi gagné une Ligue des champions en 2003. Tout au long d’une carrière qui a duré vingt ans de 1989 à 2009, Martini a marqué, avec ses 202 sélections, l’histoire de l’équipe de France. Prédécesseur de Thierry Omeyer dans le but des Bleus, il fut en 1995 le dernier rempart de l’équipe de France championne du monde, la toute première de l’histoire dans un sport co français. Il était encore là en 2001 quand la génération Jackson Richardson avait remporté un deuxième titre mondial à Bercy. « Il avait une personnalité particulière. C’était un fou furieux sur le terrain, capable de mettre des coups de tête au poteau quand il prenait un but », confie un proche.
Sa carrière achevée, Bruno Martini s’est rapidement orienté vers un emploi de dirigeant. En 2010, il rassemble un groupe d’actionnaires pour racheter le Paris Handball. Il en devient le manageur général, un poste qu’il conserve quand, plus tard, QSI rachète à son tour le club de la capitale qui devient le PSG Handball.
Au PSG Hand, un dirigeant « aux dents longues »
Exigeant, parfois brutal, l’ancien international ne se fait pas que des amis durant les huit ans où il est à ce poste exposé : « Dans son rôle de dirigeant, il avait les dents longues et ne faisait pas de sentiment », résument ceux qui l’ont côtoyé de près durant cette période.
Après son départ du club de la capitale en décembre 2020 — sans rapport avec l’affaire tient à préciser le club —, Bruno Martini s’oriente brièvement vers l’e-sport avant de prendre la présidence de la Ligue nationale fin 2021. Une fonction que l’ex-handballeur, lâché de toutes parts, a donc abandonnée deux heures après sa condamnation. La LNH se réunira début mars pour lui trouver un successeur. À Gdansk, en Pologne, où au même moment l’équipe de France préparait son quart de finale du Championnat du monde contre l’Allemagne, un membre de la délégation promettait que cette sinistre affaire n’avait eu « aucun impact » sur la vie des Bleus qui sont d’une autre génération.
Gardien de l’équipe de France, Bruno Martini (ici, en 2003aux côtés de Didier Dinart)a remporté deux titresde champion du monde avecles Bleus en 1995 puis en 2001.
Le Parisien