par JPP REVIENS » 12 Fév 2014, 17:28
Il est faux de dire que techniquement, les joueurs d'aujourd'hui sont moins bons qu'avant (toutes périodes confondues). Le professionnalisme, et les enjeux économiques/médiatiques liés, ont conduit les clubs professionnels à perfectionner sur les joueurs qui composent ces équipes, tant en termes de précision technique que de travail physique.
En revanche, aujourd'hui, la dimension physique des joueurs, combinée à des défenses quasiment hermétiques (il est toujours plus simple et plus rapide de créer une équipe solide en défense qu'en attaque), font que les solutions offensives sont réduites à portion congrue : exploit individuel, jeu au pied millimétré, ballon de récupération (plus de la moitié des essais, dans la mesure où l'équipe adverse étant encore placée en phase d'attaque, les espaces sont plus grand).
On peut partir du principe selon lequel l'équipe de France d'aujourd'hui est plus forte que ses illustres aînées.
Là où le bât blesse :
- Les petites équipes ont également progressé, peut-être (sans doute) plus vite que nous, compte-tenu du rattrapage à effectuer, notamment grâce à la venue de leurs joueurs dans les championnats étrangers (TOP 14, championnat anglais). Il n'y a donc quasiment plus de match facile à 8 essais inscrits.
- Le TOP 14 est un championnat au niveau colossalement élevé et serré entre les équipes qui le composent. Il n'y a, là non plus, aucun match facile ou gagné d'avance. Les enjeux étant extrêmement élevés, les entraîneurs et les présidents se sont concentrés sur une course à l'armement à grande échelle, passant par un recrutement massif de joueurs de haut niveau, une préparation physique de pointe et... un rugby restrictif, la culture de la gagne passant également, à leurs yeux, par un principe de "risque zéro".
Partant du constat selon lequel les ballons de récupération sont les meilleurs à jouer, les équipes ne prennent plus aucun risque sur leurs propres ballons, jouent de plus en plus au pied, et se focalisent sur la conquête (mêlée, touche) en attendant la faute de l'adversaire pour marquer.
C'est un rugby de gagne petit, qui ne fait rêver personne, mais nous a plutôt réussi en 2007 contre les All Blacks ou lors de la dernière coupe du monde lors des phases finales.
Le rugby français est entièrement gangréné par cette culture du non-jeu et du défi physique. La préparation "technique" du joueur existe toujours et est même perfectionné (les passes, le jeu au pied), mais l'intelligence situationnelle, la technique en mouvement ont été totalement oubliées.
Aujourd'hui, on voit des 3/4 centres incapables de jouer correctement un 2 contre 1 en attaque. On fait l'éloge de Bastareaud, qui est une arnaque technique absolue, un bison capable de renverser 3 joueurs sur une charge mais infoutu de faire jouer après lui.
Même Fofana, capable d'exploits individuels colossaux, mise avant tout sur son physique exceptionnel (vitesse, appuis, résistance au plaquage) plutôt que sur ses prouesses techniques.
Face aux Blacks, aux Gallois (hors tournoi), voire aux Boks et aux Anglais, qui basent l'essentiel de leur "nouveau" jeu sur cette intelligence et cette technique de mouvement... c'est sûr qu'on fait peine à voir.
Il n'en demeure pas moins que la prochaine coupe du monde sera, une nouvelle fois, annoncée comme le festival du beau jeu, qu'à nouveau les Blacks ultra domineront les 3/4 de la compétition mais... qu'en phase finale, au moment où les enjeux sont immenses, où la pression est à son sommet, notre bon vieux rugby de gagne petit refera surface pour accrocher tout le monde, et peut-être décrocher la timbale.
Je souhaite mieux pour le XV de France, mais c'est notre réalité aujourd'hui.
Reste que j'ai quand même de l'espoir. Domingo, Pape, Maestri, Picamoles, Nyanga, Fofana sont des joueurs de classe mondiale, sur lesquels on peut bâtir quelque chose.
Doussain et Plisson sont très prometteurs. On n'avait pas vu autant de potentiel pour animer notre jeu aux postes de 9 et 10 depuis Galthié/Michalak (un peu gâché depuis) en 2003.
Dulin, Huget, Médard, Bonneval ont du talent.
Il y a des choses à construire pour développer un jeu plaisant. On en est capable, mais avons-nous la volonté ?
La vie c'est long, surtout vers la fin.