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Pas de vélo pendant 12 jours pour Julian Alaphilippe : un régime gagnant ?
Pour récupérer d'un Tour de France d'une intensité exceptionnelle pour lui, Julian Alaphilippe n'a pas touché à son vélo pendant douze jours. Il lui faut maintenant se remettre en route pour préparer le Mondial, le grand objectif de sa fin de saison.
Une coupure pour digérer
Six jours après l'arrivée du Tour, Julian Alaphilippe prenait le départ de la Clasica San Sebastian, dont il était le tenant du titre, parce que son équipe avait besoin de lui. « Il a très peu roulé cette semaine-là, note son entraîneur Franck Alaphilippe. Ce n'était ni de l'entraînement, ni du repos. Il a fait deux heures à San Sebastian (il a abandonné après 90 km de course) et le lendemain, il était au Critérium d'Aix-en-Provence. » Son seul critérium alors que de nombreux organisateurs, en France et en Belgique, lui avaient proposé des contrats très lucratifs (plus de 15 000 € la participation).
« Il aurait pu gagner beaucoup d'argent. Sa décision montre son état d'esprit », note Thomas Voeckler, le nouveau manager de l'équipe de France. Le successeur Cyrille Guimard loue la volonté d'Alaphilippe de récupérer de ses efforts en prévision de la dernière partie de la saison et son grand objectif : le Championnat du monde dans le Yorkshire fin septembre. « Surtout qu'il décompresse, j'ai vécu ça, je sais ce qu'il ressent, ce dont il a besoin », soulignait Voeckler, qui a porté le maillot jaune durant dix jours et a terminé 4e à Paris en 2011 (14 jours et 5e pour Alaphilippe).
Un appétit intact mais une condition à parfaire
« Après le Tour, il était au bout du bout, explique son entraîneur. Sur la fin, il s'était mis une pression : il savait qu'il ne le gagnerait pas, mais il a joué le jeu. S'il n'avait pas coupé, ç'aurait été difficile de faire la fin de la saison. » Alaphilippe n'a pas touché à son vélo pendant douze jours, jusqu'à sa reprise de l'entraînement le 17 août. C'est bien connu : la forme s'acquiert au prix d'entraînements difficiles et s'aiguise avec le rythme de la compétition. À l'inverse, elle s'envole très vite si elle n'est pas entretenue.
« Forcément, une reprise c'est un peu compliqué, et il y a toujours un doute, reconnaît son coach. Après une coupure de deux semaines, est-ce que la condition sera bonne en septembre ? Julian doutait déjà avant le départ du Tour. Il disait qu'il n'avait pas les mêmes sensations que l'année précédente, or on a vu ce que cela a donné. C'est quelqu'un qui a besoin de courses pour se rassurer. » Ce point d'interrogation, Voeckler aimerait le transformer rapidement en point d'exclamation pour fédérer autour de lui. « Thomas a un noyau, la moitié de l'équipe (8 coureurs au total), révèle Christophe Manin, le directeur technique national (DTN). C'est une sélection difficile à construire. Tout dépendra de Julian. Il faut savoir quel leader on a pour savoir quels équipiers choisir. Julian a beaucoup donné depuis le début de l'année mais on espère qu'après cette interruption, il y aura un effet rebond pour la troisième partie de sa saison (après les classiques au printemps et le Tour). »
« C'est normal que le DTN s'interroge, relève Franck Alaphilippe. Le Championnat du monde a lieu dans un peu plus de cinq semaines. Je pense - j'espère - avoir rassuré Thomas (Voeckler) sur la motivation de Julian. Sur la condition physique, c'est vrai, on en est encore loin... »
Un programme de courses allégé
Ces jours-ci, Alaphilippe effectue un travail d'endurance pour refaire ses bases foncières. « La semaine prochaine, il fera des entraînements avec quelques intensités avant le Tour d'Allemagne (29 août au 1er septembre). Cette course de quatre jours devrait bien le relancer », estime Franck Alaphilippe.
Puis le numéro 1 mondial disputera les grands prix canadiens, comptant pour le World Tour, qui fêtent leur dixième anniversaire : Québec (202 km) le 13 septembre, et Montréal deux jours plus tard, où le responsable technique, Charly Mottet, a ajouté deux tours sur le circuit du Mont Royal, soit un total de 220 bornes (avec plus de 4 700 mètres de dénivelé). Ce sera le test le plus important du leader de Deceuninck-Quick Step, à deux semaines du rendez-vous arc-en-ciel. L'accidenté parcours du Yorkshire est « sur mesure pour Julian, juge Voeckler. Il est sans répit. Ce n'est pas un circuit pour purs grimpeurs, peut-être quelques sprinteurs passeront-ils », ajoute le chef des Bleus, qui communiquera sa sélectionau lendemain du GP de Montréal.
Bien sûr, Alaphilippe doit pratiquer la distance pour encaisser ce Championnat du monde exceptionnellement long (284,5 km). Il est nécessaire aussi de l'aborder avec la fraîcheur physique et mentale qui lui a manqué à Innsbruck l'année passée, où il avait buté sur le mur final. « Avec le fond qu'il a acquis de sa grosse saison et son talent, ce programme suffira », estime Voeckler. Ainsi se dépensera-t-il moins qu'il y a un an, lorsqu'il avait enchaîné et remporté le Tour de Grande-Bretagne puis le Tour de Slovaquie. « À chaque fois, le scénario était le même : il prenait le maillot de leader, ce qui l'obligeait à courir devant, à cumuler de la pression, se souvient soncousin. Il y avait laissé de l'énergie. Ce schéma n'avait pas fonctionné. Il sera différent. Julian aura plus de jus que l'an dernier. On va tout faire pour que sa condition physique soit optimale. »
L'équipe de France sans Pinot, ni Bardet, ni Barguil
L'an dernier, Julian Alaphilippe, Romain Bardet et Thibaut Pinot, étaient associés au Championnat du monde d'Innsbruck (Autriche). On connaît l'histoire : Alaphilippe avait calé dans le terrible mur final où Pinot s'était sacrifié pour l'équipe de France, et Bardet avait récolté la médaille d'argent derrière Alejandro Valverde. Bardet a annoncé la semaine dernière qu'il mettait un terme à sa saison car il a besoin de se régénérer physiquement et mentalement. Concernant Pinot, on ne connaît pas avec précision la date de sa reprise. Il est inscrit au Tour de Slovaquie (18-21 septembre), mais il pourrait remettre le dossard le 15 septembre au Tour du Doubs. « Le Championnat du monde, ça me parait compliqué d'y être pour Thibaut, ce n'est pas dans les tuyaux », rapporte Marc Madiot, le manager de son équipe Groupama-FDJ. Quant au champion de France Warren Barguil (Arkéa-Samsic), il a indiqué qu'il renonçait au Mondial tout en précisant qu'il disputerait le Tour de Lombardie deux semaines plus tard.