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Le cyclisme a une grande capacité à brûler ce qu’il a adoré et le bûcher est souvent dressé à l’occasion du Tour de France, moment idéal pour vendre du papier et étaler son linge sale devant toute la famille avant de le laver plus ou moins proprement. Voilà un an, Thomas Voeckler enthousiasmait la France entière, faisait rêver les mômes et l’Equipe barrait une double page du titre « Un vrai champion ». Douze mois plus tard, l’équipe Europcar de Thomas Voeckler, dirigée par Jean-René Bernaudeau, fait les gros titres et les choux gras des gazettes après la révélation qu’une enquête préliminaire a été ouverte par le Parquet de Paris, qui soupçonne des pratiques dopantes au sein de l’équipe française : perfusion de récupération et usage détourné de corticoïdes.
Le dossier est d’une minceur extrême, voire squelettique. La procureure en charge du dossier, Dominique Pérard, avoue elle-même ne disposer d’aucun élément nouveau depuis l’ouverture de l’enquête en août 2011 et prévient que de nombreuses enquêtes préliminaires n’aboutissent pas. L’Equipe prend soin de préciser, après avoir listé les dérives possibles : « Il est hors de question, pour l'heure, de prendre pour argent comptant ces accusations concernant d'hypothétiques dérives ». Louables précautions oratoires qui consistent à refuser de croire à des rumeurs que l’on contribue pourtant à propager.
Car au final, peu importe finalement le fond de l’affaire et le fait de savoir si Europcar est coupable ou pas. Jean-René Bernaudeau a beau clamer son innocence, les valeurs de son équipe et « la jalousie » de certains qui « n’acceptent pas de voir une équipe française avoir des résultats », le mal est fait.
L’une des équipes emblématiques d’une nouvelle approche du cyclisme après le traumatisme de l’affaire Festina est en accusation, sa réputation ternie, et l’image désastreuse du cyclisme est une nouvelle fois souillée. Que l’équipe française soit innocente et que l’enquête soit abandonnée n’y changera rien. On sait bien que les acquittements et les réhabilitations sont reléguées aux entrefilets quand les accusations, fondées ou pas, font la Une.
Il n’y a même pas à s’étonner que cette « affaire », portant sur une enquête lancée voilà onze mois, « éclate » près d’un an plus tard, après être restée enfouie pendant tout ce temps dans les placards du Palais de Justice de Paris. Le Tour de France a toujours servi de tribune, de caisse de résonance, d’occasion rêvée de dénoncer, de polémiquer, de mettre en cause et de vendre de la copie. Un Grand Départ du Tour sans polémique est presque un Grand Départ raté.
Pendant ce temps, le coureur italien Leonardo Bertagnolli était lui aussi mis en accusation dans un dossier beaucoup plus étayé, appuyé sur son passeport biologique, protocole anti-dopage pratiqué dans le seul cyclisme et qui fait de plus en plus la preuve de son efficacité. Mais ce cas de dopage beaucoup plus avéré n’intéresse pas grand monde. Moins spectaculaire, moins sensationnel, il pourrait presque laisser penser que l’Union cycliste internationale (UCI) fait aussi du bon boulot.
Il est plus facile de flatter le bon sens populaire pour qui les coureurs, à l’image, des politiciens, sont « tous pourris ». On sait où cela peut conduire en politique. Dans le cas du sport, l’effet est finalement assez limité. Une large proportion de la population est en effet persuadée que le dopage et le cyclisme sont indéfectiblement liés, l’autre s’en moque et continue de se masser par millions au bord des routes pour regarder passer les coureurs.
FT
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