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Tadej Pogacar, outsider du Tour de France après sa blessure : « Je n'ai rien à perdre »
À peine remis d'une fracture du poignet gauche, le Slovène Tadej Pogacar repart à l'assaut du Tour de France et profite de sa position singulière d'outsider pour mettre toute la pression sur le Danois Jonas Vingegaard, qui l'a détrôné l'an passé.
Monaco, début mai. Une semaine après sa lourde chute à Liège-Bastogne-Liège le 23 avril, un gadin à haute vitesse, « une chute folle » dit-il, à tel point qu'il s'estime chanceux de ne s'être cassé que deux os du poignet gauche, Tadej Pogacar est de retour dans l'appartement qu'il occupe avec sa fiancée Urska Zigart, dans le quartier de Fontvieille, près du port. Une petite vis à compression réaligne les fragments brisés de son scaphoïde.
Le tout est maintenu par un plâtre qui démoralise le coureur slovène, incapable ne serait-ce que de jouer à Fifa pour se changer les idées. « À cette période, j'étais inquiet pour le Tour de France, admettait-il la semaine dernière lors d'une conversation avec trois médias, dont L'Équipe. Je n'arrivais même pas à faire du home-trainer correctement. »
Les deux mois précédant son accident, le trublion de 24 ans avait accompli un début de saison étourdissant, du jamais vu : 12 succès en dix-huit jours de course, dont le classement général du Tour d'Andalousie et de Paris-Nice avec trois victoires d'étape à chaque fois, puis une OPA sur les classiques en épinglant l'Amstel Gold Race, la Flèche Wallonne et surtout le Tour des Flandres, un chef-d'oeuvre de maîtrise face aux spécialistes des monts.
Cette grosse chute à Liège-Bastogne-Liège, la première de sa carrière professionnelle, était venue tout foutre en l'air. Sauf que. « Tadej avait de toute façon prévu de couper après les ardennaises pour préparer le Tour. On peut presque dire que cette chute est survenue au bon moment », nuance son manager, Mauro Gianetti.
Pour compenser l'absence de sorties longues à vélo, Pogacar part faire de la randonnée, de la natation, du footing et quelques sprints dans les escaliers de la Principauté et en bord de mer. Mi-mai, il remplace son maudit plâtre par une attelle en plastique qui lui permet de mieux se tenir sur le home-trainer installé dans sa cuisine. « À partir de là, assure-t-il, je n'ai plus jamais douté. J'étais convaincu de pouvoir faire une bonne préparation pour juillet et, chaque matin, j'avais un peu plus d'espoir sur le fait d'être à 100 % au départ du Tour de France. » À la fin du mois, pendant que Primoz Roglic remporte son premier Giro, lui se prépare à reprendre l'entraînement sur route avec une semaine d'avance. « Je suis un peu stupide de désobéir aux ordres du docteur », se marre-t-il alors.
Avant le début du Dauphiné, auquel il envisageait sérieusement de participer cette année, Pogacar passe une IRM qui confirme la bonne tenue du processus de guérison et part rejoindre le reste de l'effectif de son équipe UAE prévu sur la Grande Boucle en Sierra Nevada (Espagne). Toujours avec son attelle, il enquille ses premières grosses sorties depuis sa chute. « J'adore cette région : les routes sont en très bon état et il n'y a pas beaucoup de trafic. Pour mon poignet, c'est parfait », souligne-t-il.
Pour se préparer aux fortes chaleurs du Tour, il se force à rouler avec plusieurs couches de vêtements, revoit quelques points de détail en termes de nutrition et d'hydratation. Il n'est plus question de revivre le calvaire de l'été dernier au Granon. Un matin, il avale près de 5 000 m de dénivelé en 175 km ; l'après-midi, Jonas Vingegaard surclasse la concurrence sur le Dauphiné et s'offre le maillot jaune, une démonstration qu'il entérinera par un nouveau succès écrasant à la Croix de Fer deux jours plus tard.
Toute la pression sur Vingegaard
Le Slovène n'est pas surpris par la domination de son futur adversaire de l'été, mais il ne s'attendait pas à ce que l'écart soit aussi abyssal avec la concurrence. Et en tire un constat clair : « Vingegaard sera le personnage principal du prochain Tour, tous les yeux seront rivés sur lui, avance-t-il. Au Dauphiné, il a couru pour montrer qu'il était capable de gagner facilement, presque sur une jambe. Personne n'était capable de le suivre. Il a montré qu'il était en super grande forme. Tout le monde va s'attendre à le voir gagner ce Tour facilement.
Mauro Gianetti renchérit : « Vingegaard partira avec le dossard no 1 sur le dos : c'est une responsabilité énorme. Contrairement à Tadej, il a eu une préparation parfaite. Il n'a eu aucun pépin, il a pu suivre tout son programme. Il partira grand favori. »
Après quinze jours en Sierra Nevada, Pogacar rejoint les Alpes françaises pour y reconnaître quelques-unes des étapes de la troisième semaine du Tour. Il se passe bien de suivre la série Netflix sur l'édition 2022, il n'a « pas besoin de revoir toutes ces images qui sont encore fraîches dans [sa] tête ».